28 avril : les mensonges du pouvoir

Un autre retour sur le 28 avril, qui revient plus particulièrement sur la stratégie policière et le traitement médiatique de la manif marseillaise, mais aussi plus largement.

La fiction

Le jeudi 28 avril 2016 devait coûte que coûte s’écrire une nouvelle page glorieuse de l’épopée des hommes en bleu, défenseurs de la veuve et du citoyen, en proie aux barbares casseurs. Le story telling avait déjà été écrit d’avance : alors qu’ils ne faisaient que leur travail, de courageux fonctionnaires de police dont-je-tiens-nienniennien-à-saluer-nienennien-une-nouvelle-fois-le-professionnalisme-et-le-sang-froid ont été pris à partie par une horde de jeunes casseurs prêts à en découdre.
N’écoutant que leur courage ils ont alors, souvent au prix de leur intégrité physique, refoulé les contrevenants et rétabli l’ordre.
Les éléments de langage, comme l’on dit, avaient été choisis pour appuyer ce scénario magnifique pondu par les communicants du pouvoir. Comme d’habitude dans nos magnifiques « démocraties » « représentatives » les deux compères, le clown rose (« socialiste ») et le clown bleu (LR ou FN), s’étaient répartis le travail pour mieux défendre la police et souiller les manifestants, tout en faisant semblant de s’opposer. « Nous ne pouvons nienniennien une nouvelle fois que déplorer la violence nihiliste d’une poignée ultraminoritaire d’élément ultragroupusculaires et demander nienniennien aux manifestants responsables de s’en dissocier et le condamner », « laxisme du gouvernement », « agissements irresponsables », « comportements inacceptables », « débordements inadmissibles », « le gouvernement en grève ! », « en plein état d’urgence, vous vous rendez compte ? »…
Conférences de presse, flashs qui crépitent, ministres prenant la pose, visage grave, débit lent et haché, tirades téléphonées sur la violence qu’on condamne et la police qu’on salue.
Les médias ont évidemment plongé à plein et abreuvé les spectateurs effrayés d’images de violence et de dégradations, choisies comme toujours de façon unilatérale, de manière à faire croire aux spectateurs que la violence ne venait que d’un côté, celui des « casseurs ».

La réalité

Naturellement pour qu’un tel spectacle puisse être livré clef en main aux millions de foyers des bons Français, il fallait non seulement déformer après coup ce qui s’était passé, en sélectionnant soigneusement tout ce qui pouvait faire apparaître les manifestants comme des barbares (en insistant par exemple sur la violence subie par les agents) et en passant sous silence les violences subies par les manifestants, mais aussi préparer le terrain en donnant aux agents de police des consignes bien précises. Nous ne sommes naturellement pas dans le secret des dieux et ne savons pas exactement les consignes que les préfets de police ont reçues de la part de leur ministre, consignes qu’ils ont ensuite transmises à leur troupe. Je ne peux ici que spéculer d’après ce que j’ai vu sur terrain, en l’occurrence à Marseille.
Tout avait été prévu pour que la tension soit maximale. Il s’agissait de faire peur et d’arrêter un maximum de monde. Dès que la manifestation a commencé à sortir du trajet habituel et à partir vers le boulevard Baille, la police a eu un comportement très offensif et a attaqué le cortège avec des moyens disproportionnés : lacrymo, grenades assourdissantes, flashballs, etc. Deux grenades lacrymos ont notamment été lancées à tir tendu et à hauteur de visage sur la camionnette de Solidaires, sans doute conduite par de « jeunes casseurs », pour reprendre l’expression du préfet de police. Dans le cortège il y avait alors des lycéens et des étudiants certes (tous « jeunes casseurs » bien sûr) mais aussi des chômeurs, des professeurs, des travailleurs, des jeunes, des vieux, des quinquas, des quadras, des sextas, des hommes, des femmes, des syndiqués et des non syndiqués…
Voilà pour ce que le préfet de police appelle les « centaines de jeunes casseurs » « à l’origine de dégradations et violences importantes ».
Quant à la « violence » elle n’est venue qu’après : violence matérielle (incendie de poubelles et bris de vitres publicitaires ou de panneaux d’autobus) n’ayant rien de comparable à l’immense et meurtrière casse sociale à laquelle se livre ce gouvernement de voyous au service de la bourgeoisie. Pour ce qui est de l’image d’une bande unanime de briseurs de vitres, précisons que seuls quelques-uns d’entre nous choisirent ce mode d’action que la plupart n’adoptèrent pas et que certains entravèrent. Il n’est évidemment pas question de condamner sur commande ces quelques dégradations mineures, qui ne sont rien comparées à la violence de l’Etat et des marchands d’armes : chacun est libre de juger de la pertinence ou non des moyens employés, et nous pouvons débattre entre nous de ces points sans jamais oublier le combat commun qui est le nôtre. Il s’agissait simplement de rappeler ici que l’image d’une horde uniforme de casseurs décervelés n’est qu’une tentative de nous discréditer, en nous assimilant à des bêtes féroces, et de justifier ainsi aux yeux des « honnêtes » citoyens la répression la plus féroce à notre encontre.
Terminons par un dernier point : les interpellations ont été nombreuses et, semble-t-il, programmées. Il s’agissait d’arrêter le maximum de monde, notamment parmi les lycéens, afin de faire peur. Faire peur aux lycéens eux-mêmes, à leurs familles, à l’opinion. Faire peur pour casser les reins à un mouvement dont on estime qu’il a déjà trop duré et qu’il s’agit pour le pouvoir d’enterrer au plus vite, afin de faire passer sa loi de merde. La fin du story telling est déjà programmée : « essoufflement » du mouvement, sondage vindicatifs contre la « violence » des manifestants, passage en force à l’assemblée et discours triomphal du premier sinistre, bref, retour à la « normale ».

A NOUS DE DEJOUER CE SCENARIO DE MORT ET DE LEUR MONTRER QU’ILS N’ONT PAS FINI D’ENTENDRE PARLER DE NOUS

UN DE LA « HORDE »