De la récupération politique des luttes...

Mercredi 9 mars, les lycéen-n-es et étudiant-e-s marseillais-e-s ont décidé de ne pas se laisser faire face à la loi du travail El Khomri. Lycée Thiers bloqué, appel à manifester dans d’autres lycées, St Charles, Perrier, Daumier, étudiant-e-s de la Fac St Charles mobilisés, la jeunesse veut cette fois-ci montrer sa colère. Mais restons vigilants quant à la suite de la lutte...

Hier, mercredi 9 mars, les jeunes marseillais se sont réveillés avec la furieuse détermination de foutre le bordel dans la ville, de faire du bruit, de faire exploser des pétards et cramer des fumigènes mais aussi de faire courir les poulets...

La bonne manif sauvage comme on l’aime, où débordante d’énergie, d’excitation, d’euphorie la jeunesse s’éparpille dans tous les coins de la ville. Pas de cortège, pas de cadre, pas de service d’ordre, ni de parcours prédéterminé et pourtant malgré les quelques 200 (300 ?) manifestants semblent fourmillés de partout.

L’euphorie collective sème presque les flics, qui essoufflés nous courent après pour garder l’oeil sur les manifestants. Pourtant la manifestation sauvage ne survit pas longtemps lorsque les plus jeunes rejoignent les organisations de jeunesse. Les drapeaux flottent, les autocollants fusent, la banderole des lycéens est remplacée, le mégaphone n’est plus à la main d’un lycéen mais à celle d’un trentenaire qui tente de calmer l’engouement des jeunes.

Alors je voudrais poser une question à ma génération, celle avec qui hier j’ai pris du plaisir à mettre le oai à la marseillaise :

Voulons-nous vraiment que nos manifs soient le reflet du modèle hiérarchisé, ordonné et patriarcal contre lequel nous nous mobilisons ? Faut-il que vraiment que nous, les lycéen-n-e-s, les étudiant-e-s, nous rapprochions de ces organisations ? Avons-nous vraiment besoin d’eux où sommes-nous capables de nous unir sans étiquettes ?

Pour y réfléchir un petit extrait du bouquin du collectif le jardin s’embrase, « les mouvements sont faits pour mourir… » à propos du mouvement "anti-CPE" :

Se défaire de la démocratie

Immanquablement lorsqu’un conflit social menace de s’intensifier jusqu’à ébranler l’ordre établi, quand percent des perspectives révolutionnaires, on voit s’activer à côté de milices du maintien de l’ordre tout une foule récupérateur. Canaliser les forces déployées dans le mouvement pour renforcer sa propre chappelle tout en les maintenant dans le jeu institutionnel, tel est le rôle de la gauche, à travers ses divers organes politiques, associatifs ou syndicaux. CGT CFDT et compagnie sont intervenues à temps dans le mouvement pour prétendre le représenter et s’en sont retirées juste quand il fallait pour le faire imploser ; quelque mois plus tard ce sont les partis politiques qui entrent en scène, comptant tirer profit en vue des élections de mai 2007. […]

Comme-ci l’intense activité politique d’affrontements (avec les flics, occupations, blocage, textes, etc) du printemps 2006 avaient eu pour principal objectif l’accélération d’une certaine réorganisation du capitalisme, ou un retour à l’ancienne forme d’exploitation en usine. Comme si l’auto-organisation du mouvement ne portait pas les prémisses d’un rejet de toute représentation politique.

Sortir de nos pratiques politiques traditionnelles

Définir les conditions d’une révolte qui ne s’arrêterait jamais cela signifie aussi sortir de nos pratiques politiques traditionnelles, rompre avec nos modes de luttes individualistes et corporatistes et élaborer de nouvelles formes d’engagements dans la durée. Un mouvement social comme le mouvement dit « anti-CPE » peut être porteur, à condition de déborder de la forme dans laquelle sa charge politique est contenue, il doit s’affranchir du travail des syndicats et des médias... Il est donc nécessaire de constituer une force capable de dynamiter la perpétuation de cet ordre pour être à même de le faire exploser. Pourtant encore une fois bon nombre de personnes n’ont pas perçu l’intérêt, la nécessité d’y prendre part. [...]
Cet échec est à la fois dû à un manque d’organisation collective sur du long terme, au fait que nous ayons peu de ressentis communs mais aussi à une absence de consistance dans l’organisation des perspectives révolutionnaires. Et le fait est que très peu aient su sortir de leurs pratiques politiques traditionnelles, tandis que chacun en éprouvaient les limites à travers ce mouvement, a également contribué à son affaissement. En effet les modes de engagement politique qui ont pu être présents, tels que l’activisme, le militantisme ou même l’alternativisme, constituent une distribution figée et séparée de l’intervention politique radical. Ainsi piégée, l’univers de celle-ci consiste en une sphère politique certes différente, mais où l’évocation même du mot « révolution » reste défendu.

Mais cette situation s’est atténué au cours du mouvement, grâce à la vie collective qui s’y est créée, et à l’intensité qu’elle a dégagée. Le partage de moments, de pratiques a permis de constituer les aspirations partagées en une sorte de plan commun, sans pour autant aller jusqu’à construire de nouvelles formes d’organisations qui seraient réellement aptes à tenir lieu de « chemins praticables ». En ce sens, les voies d’expérimentations qui ont été dessinées pendant ce mouvement auraient gagné à être pensées bien avant le début. »

http://tahin-party.org/jardin.html

Alors déciderez-vous de vous faire entendre sans vous soumettre à nouveau ?

Deux assemblées générales sont organisées lundi 14 mars à la Fac St Charles :

12h : Assemblée Générale étudiante
18h : Assemblée Générale ouverte à tous

Une lycéenne

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