Les anarchistes espagnols en France. Une mémoire de résistance aux fascismes.

Discussion sur les anarchistes espagnols organisée par « Ni cautivos ni desarmados ».
Il s’agit d’un projet de recherche, d’investigation et de diffusion sur l’implication des libertaires dans la guerrilla antifranquiste en Espagne. Mais aussi leur participation dans les réseaux d’évasion et de résistance sur le territoire français. L’intention de ce projet est de préserver cette mémoire souvent oubliée et volontairement enterrée.

Début 1939 : Presque un demi-million d’espagnol.e.s traversent la frontière avec la France. Sous le gouvernement de Daladier (qui instaure par le décret du 12 novembre 1938 l’internement des étrangers « indésirables » dans des « centres spéciaux »), l’accueil en France n’est pas celui auquel ils s’attendaient, surtout pour les libertaires, dont l’arrivée a été précédée d’une campagne de rejet virulent par les médias les plus catholiques et conservateurs. Un exemple est celui des 12 000 membres de la « Division Durruti » (« Columna Durruti ») qui avaient couvert le retrait des dernières parties de l’armée républicaine vers la France, et qui à leur arrivée en France ont été internés dans le camp disciplinaire du Vernet en Ariège. D’autres connaitront également l’internement et la misère dans d’autres parties du Sud Ouest : les femmes et les enfants sont dirigés vers des régions éloignées des Pyrénées tandis que les hommes de moins de 50 ans sont conduits vers des camps improvisés à la hâte sur les plages du Roussillon. Les dures conditions des camps d’internement conduisent certain.e.s à écouter la proposition des envoyés franquistes de retourner en Espagne, où les attendaient la prison, sinon la mort. Les internés étaient également poussés à s’enrôler dans la Légion étrangère.
Dans le pays qu’ils voyaient comme la patrie des droits de l’homme, ceux qui ont combattu les premiers le fascisme sont quelque 275000 à être internés en février 1939 dans des camps sévèrement gardés : Argelès-sur-Mer, Saint-Cyprien, Le Barcarès, Bram, Agde, Septfonds, Gurs, Le Vernet, Rieucros, Collioure...
Les anarchistes constituaient le groupe le plus nombreux des exilé.e.s : entre 30.000 et 40.000 personnes entre fin mars et début avril 1939. Très peu d’entre eux arriveront à partir vers l’Amérique Latine. La plupart d’entre eux étaient des travailleurs des champs ou de l’industrie. Une fois en France, ils s’installèrent majoritairement dans le Sud Ouest et le Midi.
Au printemps 1939, le gouvernement français assujettit à l’équivalent du service militaire tous les étrangers entre vingt et quarante huit ans. La majorité des exilés, dont des anarchistes, sont enrôlés dans les Compagnies de Travailleurs et destinés à travailler dans les travaux publics, l’industrie de guerre, la construction ou la réparation des différentes installations militaires… Ils luttent sur différents fronts ; certains sont incorporés de force dans l’Organisation Todt allemande et envoyés depuis la France occupée travailler dans des centres de production industriels en Allemagne. Une partie d’entre eux finira dans des camps d’extermination nazie, notamment Mauthausen. D’autres sont directement livrés par le gouvernement de Vichy aux autorités espagnoles.
Quand s’organise la résistance, les libertaires y participent, sous forme individuelle ou par des groupes qui parviennent à se constituer. Ils collaborent avec d’autres unités de résistant.e.s et réussiront à créer des groupes de maquis en Ariège. Certain.e.s militant.e.s s’impliqueront dans des sabotages contre l’Allemagne nazie, d’autres recueilleront des informations ou encore serviront de guides pour traverser la frontière. On peut citer notamment le réseau d’évasion organisé par Francisco Ponzan) composé exclusivement de libertaires espagnols qui, en liaison avec le groupe Pat O’Leary, organise l’évasion de nombreux antifascistes, et réussira à sauver la vie de 1.500 personnes. Ce réseau avait un double objectif : d’une part, faire sortir des personnes de France par l’Espagne pour les diriger ensuite vers l’Angleterre ou le nord du Maroc, et de l’autre établir le contact avec les camarades en Espagne qui essayaient de faire passer vers la France des militant.e.s condamné.e.s a mort.
L’activité culturelle anarchiste dans l’exil, qui s’incarne dans des congrès, des cours de formation politique, de culture générale, de théâtre, fut mise au service de deux objectifs : attirer des sympathisant.e.s à la cause et collecter des fonds pour aider les militants clandestins ou en prison. Quelques écoles sont construites dans le sud, et l’Aténeo Espanol fut créée en 1960 à Toulouse, sous l’impulsion des Jeunesses Libertaires.
Une des activités les plus fructueuses des anarchistes fut la presse : si la première publication parut en Algérie, avec la fin de la guerre, l’activité éditoriale anarchiste eut lieu principalement en France. Les publications seront rapidement censurées par la police française sous la pression du gouvernement franquiste. L’enjeu de la production culturelle anarchiste fut aussi de s’opposer à l’historiographie académique du régime franquiste, dans lequel les libertaires ne se reconnaissaient pas. Ils vont donc élaborer une contre histoire, ou histoire alternative, qui va faire du 19 juillet 1936 le fondement de la révolution sociale du communisme libertaire.

Pour en savoir plus : www.elsaltodiario.com/ni-cautivos-ni-desarmados

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