Quelques infos sur les fiches S (Sûreté de l’Etat)

Les propositions de politicards aux manettes font froid dans le dos quant au sort réservé aux détenteurs de cette fiche de Sûreté : parquage dans des camps d’internement, assignation à résidence, ou encore bracelets électroniques... Le site anarchiste Cette Semaine propose une note de synthèse à propos des fiches S qui sont loin de concerner les seuls djihadistes, mais touchent aussi bon nombre de personnes militants dans différents collectifs ou organisations libertaires ou d’extrême-gauche...

Comme d’habitude, ces articles de presse sont la voix du pouvoir, donc à lire avec les précautions d’usage. C’est l’image partielle que ce dernier veut donner de cet instrument (les fiches S), et non sa réalité toute entière... Il s’agit de la 3e réactualisation de cette synthèse.

Les fiches S sont une des 21 sous-catégories du FPR (Fichier des Personnes Recherchées), créé en 1969, qui comporte notamment les lettres : E (police générale des étrangers), IT (interdiction du territoire), R (opposition à résidence en France) , TE (opposition à l’entrée en France), AL (aliénés), M (mineurs fugueurs), V (évadés), S (Sûreté de l’État), PJ (recherches de police judiciaire) , T (débiteurs envers le Trésor). Elles sont gérées depuis Ecully (Rhône) par le service central de documentation criminel. Le FPR avec toutes ses catégories, contient au minimum 400 000 noms.

Un décret entré en vigueur en 2010 (n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées) considère que peut se voir fichée "S" toute personne "faisant l’objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard". Autrement dit : une définition très large. Les fiches S officiellement renouvelées ou éliminées tous les deux ans (un an renouvelable une fois) par la DGSI et le SCRT (ex-RG), comportent 16 niveaux de surveillance qui ont été créés au fur et à mesure de leur extension (selon "Le Parisien", le S14 -récent- correspondrait aux "combattants étrangers partis mener le jihad sur le théâtre des opérations et qui en sont revenus", et iraient de S1 à S16), et on peut avoir plusieurs fiches S sur les côtes :

Mohamed Merah (histoire de Toulouse) avait une fiche S de 2006 à 2010 -deux fois deux ans- puis à nouveau S05 en 2011, Ayoub El-Khazzani (histoire du Thalys) avait une fiche S03 depuis 2014 et un signalement par l’Espagne, Sid Ahmed Ghlam (histoire de Villejuif) avait une fiche S13 tout comme Yassin Salhi (histoire de l’Isère) de 2006 à 2008 - non renouvelée. Ces fiches ne concernent de loin pas que "les islamistes", mais sont émises contre tout individu (extrême-droite, extrême-gauche, écologistes, supporters de foot, anarchistes, etc.) "susceptible de se livrer à des actions violentes".Le nombre de fiches S serait passé de 5000 en 2012 à 10 000 en cours en 2015, dont 5000 concernant des "islamistes". Elles sont consultables par tous les services de police et gendarmerie, mais aussi par les employés de préfecture (cartes identités, cartes de séjour, ce qui explique pourquoi ça "bloque" parfois mystérieusement) et par les keufs de l’espace Schengen. Enfin, un véhicule peut faire l’objet du même genre de fiche, ce qui fait que si son proprio a une fiche S et qu’il le prête à des potes, ces derniers risquent d’être arrêtés pour contrôle lors de scans des plaques par les gendarmes (par exemple).

Le niveau de base et les suivants sont réajustés (ou pas) après "sondages personnels" policiers réguliers (x par an : Merah avait par exemple fait l’objet de 52 procédures de surveillance (filatures et écoutes) pour une fiche S05 en 2011), et en fonction de tout ce qui peut arriver de nouveau (interpellation, lien avec un tiers lui-même fiché, info d’autres services, etc.). En plus de la DGSI/SCRT, elles sont aussi alimentées par les services étrangers et les accidents judiciaires (ce qui explique notamment la présence de RG lors de procès). Pour rappel, il s’agit là d’une surveillance quotidienne des services, celles renforcées par la nouvelle loi sur le Renseignement, en dehors de toute procédure judiciaire.
Et enfin, même sans fiche S ou après en être sorti, la surveillance ne cesse pas pour autant (Yassin Salhi n’en avait plus depuis 2008, et « a ensuite fait l’objet d’une surveillance de 2011 à 2014 pour ses liens avec la mouvance salafiste lyonnaise » selon le procureur). Les RG et leurs petites fiches Sureté de l’Etat sont une chose, les services anti-"terroristes" encore une autre...

En ce qui concerne les compagnons anarchistes, souvent classés dans la catégorie policière d’"anarcho-autonomes" et dont certains ont déjà eu des fiches niveau S04, on trouvera dans la brochure "Analyse d’un dossier d’instruction antiterroriste" (2010), pages 13-14, un exemple de fiche S04 qui finit ainsi :
"Sûreté de l’Etat Mesure immédiate : ne pas attirer l’attention
Motif : Individu proche de la mouvance anarcho-autonome susceptible de se livrer à des actions violentes
Service demandeur : Préfecture de police Renseignements Généraux Paris – Tél : 0153733815
Conduite à tenir : SO4 – en cas de découverte aviser les RGPP"

De plus, cette fiche S04 est utilisée bien plus largement qu’en matière d’anti-terrorisme, comme nous le rappelle la mésaventure d’un compagnon parisien en avril 2015 suite à une histoire d’arnaque au préjudice d’un grand magasin (Les RG s’invitent à une perquiz’) : "Les OPJ veulent que je balance mon chef, que je dise où je dors, m’expliquent que c’est la seule façon de m’en sortir. Ca ne fonctionne pas avec moi, rien à déclarer et refus de signer. C’est autant de temps de gagné. Puis vient l’audition, où l’OPJ réalise que je suis fiché au Fichier des Personnes Recherchées, fiche S04 : Sûreté de l’État. Étant anarchiste, pas de surprise... Changement de ton, qui se fera surtout sentir le lendemain."

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