[Radio] "Che casino però ci voleva", les luttes autonomes en Italie

Che Casino a fait sa rentrée le mercredi 5 octobre avec une émission spéciale sur le refus du travail !

** Pendant tout l’été 2016, l’émission va être intégralement rediffusée de l’épisode #0 à l’épisode #10, tous les mercredis de 16.30 à 18.00 et à minuit, toujours sur les fréquences de Radio Galère ! **

L’émission "Che casino però ci voleva" (Quel bordel, mais c’était nécessaire), qui revient tous les premiers mercredis du mois de 16h30 à 18h sur des épisodes de l’histoire des luttes autonomes en Italie, sur les ondes de Radio Galère (88.4FM), revient ce mercredi 5 octobre sur le refus du travail, qui a très largement conditionné le mouvement autonome de 1977.

C’est la rentrée de Che Casino, voici le lien pour écouter la dernière émission, l’épisode #11, sur le refus du travail :
Che Casino però ci voleva - épisode #11 - Le refus du travail

Petit retour sur l’épisode #11 :

Au commencement une lecture d’extraits du cher gendre de Karl Marx Paul Lafargue et de son Droit à la paresse que vous pouvez retrouver en entier à ce lien

Par la suite un vers bref mais intense que l’on peut lire sur un monument de Ugo Nespolo à San Benedetto del Tronto, sur la côte italienne de la mer adriatique. Il paraît qu"il s’est inspiré à [un poème de Dino Campana..

Et une chanson du calabrais Rino Gaetano sur les ouvriers constructeurs d’automobile

La prochaine émission aura lieu le mercredi 5 octobre de 16h30 à 18h, toujours sur les ondes de Radio Galère (88.4FM). A vos transistors !

Pour réécouter l’émission précédente, c’est-à-dire la dixième (mars 2016 - sur le refus du travail, le féminisme, l’usage de la violence), elle est disponible en streaming sur le site de Radio Galère à cette adresse.

Et n’oublies pas de suivre aussi la page facebook de l’émission, où tu peux retrouver des images, des liens et toute sorte de matériel à cette adresse !

Tous les liens vers les émissions précédentes peuvent être retrouvés au bas de la page.

Pour contacter l’émission, nous faire une proposition ou un commentaire ou nous offrir des choses : checasino@riseup.net

Retour sur l’épisode 10 (1970) : "L’inverno più caldo di sempre"

Ça y est, on en est arrivés là où trop de choses se passent en même temps et on a du mal à suivre les fils qui s’entremêlent.
Mais comme nous le dit le personnage de Des hommes ou non de Elio Vittorini en ouverture d’émission, l’important c’est que nous travaillons pour que les hommes soient heureux.
Le roman de la résistance en question a été un point de référence et une source d’inspiration pour les gens qui se battaient au cours des années soixante-dix, ainsi que le le récit du commandant des GAP Giovanni Pesce, disponible dans son intégralité à cette adresse pour les italophones.
Car avec les années ,la violence politique s’exprime mais elle n’en est pas à ses débuts : elle est perçue par les gens comme faisant partie d’une généalogie des pensées et des pratiques révolutionnaires. Et elle n’est pas non plus un simple synonyme de lutte armée clandestine, mais aussi d’autodéfense dans les manifs et d’imposition pour réduire les prix dans les magasins d’abord, les exproprier ensuite.
Et si juste après Piazza Fontana le mouvement était très concentré pour échapper à la répression de l’État des massacres, maintenant il est en plein développement :

La recomposition de classe des ouvriers des lignes de montage commence à partir de cette déshumanisation. La révolte de l’ouvrier-masse est la révolte de l’homme mécanisé qui prend à la lettre sa mécanisation et dit : alors, s’il faut que je sois tout à fait déshumanisé, s’il ne faut pas que j’ai une âme, une pensée, une individualité, je le serai jusqu’au bout, décidément, sans limites, sans pudeur aucune. Je ne participerai plus avec l’esprit au processus du travail. Je serai étranger, froid, détaché. Je serai brutal, violent, inhumain, tel que le patron a voulu que je sois. Mais je le serai au point de ne plus concéder même un milligramme de mon intelligence, de ma disponibilité, de mon intuition au travail, à la production.

Ce que les philosophes avaient décrit comme aliénation subie par l’ouvrier se transforme alors en extranéité choisie, organisée, intentionnelle, créative. Extranéité veut dire : même pas un gramme d’humanité pour la production. Toute l’humanité dans la lutte. Aucune communication ni sociabilité pour la production. Toute la communication et la sociabilité pour le mouvement. Aucune disponibilité pour la discipline. Toute la disponibilité pour la libération collective. Recomposition de classe signifie donc simplement et en conséquence : sabotage, blocage, destruction des marchandises et des installations, violence contre les contrôleurs des cadences d’esclavage.

L’intelligence ouvrière s’est refusée à être intelligence productive, et s’exprime entièrement pour le sabotage, dans la construction de cadre de liberté anti-productive. La vie commence à refleurir exactement là où elle avait été le plus radicalement effacée et épuisée, entre les lignes, dans les rayons, dans les chiottes, où les jeunes prolétaires commencent à fumer des pétards, à faire l’amour, à atteindre les charognes que sont les chefs d’usine pour leur balancer sur la gueule des boulons et ainsi de suite. L’usine est conçue comme un lager inhumain, et elle commence à devenir un lieu d’étude, de discussion, de liberté et d’amour. Voilà ce qu’était la recomposition de classe.

extrait traduit par nos soins de L’orda d’oro de Nanni Balestrini e Primo Moroni

Et oui, le refus du travail se développe comme théorie et comme pratique, on en entend l’écho aussi dans le mouvement féministe :

La famille est dans le capitalisme un centre de consommation et de réserve de force de travail mais il s’agit surtout d’un centre de production. Quand les marxistes disaient que la famille capitaliste ne produisait pas pour le capitalisme, n’était pas partie de la production sociale, par conséquence il répudiaient le potentiel pouvoir sociale des femmes. Mieux, s’ils présupposaient que les femmes à la maison ne pouvaient pas avoir dur pouvoir social, ils ne pouvaient pas concevoir que les femmes à la maison elles produisaient. Si ta production est vitale pour le capitalisme, te refuser de produire, te refuser de travailler, est un levier fondamental de pouvoir social.

Le contexte social n’est donc pas un territoire libre et auxiliaire de l’usine, mais il est en lui même intégré au mode de production capitaliste, et il devient de plus en plus enrégimenté au niveau de l’usine, on le définit par conséquence « usine-sociale ».

extrait traduit par nos soins de Pouvoir féminin et subversion sociale en ligne en français à cette adresse

Retour sur l’épisode 9 (1970) : "Non accettare l’inverno"

La machine apprend à accepter l’horreur comme on accepte le froid en hiver.
Eduardo Galeano

1970, c’est le point de départ.... des années 1970, bravo à celles et ceux qui suivent. Mais c’est aussi la naissance des Brigades Rouges en parallèle des luttes en usine à la Siemens et la Pirelli, la publication du Manifesto de Révolte Féminine et les vagues de répression contre le mouvement qui suivirent les attentats de Piazza Fontana.
Mais c’est aussi et surtout Sex Machine de James Brown et la sortie des Aristochats. Et à notre sens, tout cela ne peut être envisagé convenablement et compris si pris séparément. C’est ça, les seventies’, c’est la culture du mélange des genres.

le temps fuyait et ne laissait plus de marges pour autant de questions. À partir de cent-mille dans le stade de Santiago du Chili, comme un coup de fouet en plein visage, la secousse décisive au faible cadre des positions.
Et chacun dut décider.
Là, entre les mains des bouchers, il y avait les corps et les idées de liberté des camarades qui leur appartenaient à eux aussi. C’était une tragédie qui emportait tout le monde.
Chacun en fit sa lecture. [...]
La question n’est pas de savoir s’il y avait ou non, dans ces années là, une discussion sur le choix des armes. Et pas seulement la discussion. Personne ne pourrait le nier sans en rougir. Et sur les chiffres non plus, il n’est pas possible de jouer au quota minimum consenti. Ce mouvement là, anticapitaliste et antiétatique, existait et existait tant qu’il posait le problème politique autour duquel s’entrelaçaient les stratégies des partis pour dépasser une situation incontrôlable par eux-même.
La vraie question était de savoir quelles étaient les vraies alternatives qui ne prévoyaient pas sa propre mort mais une voie d’accès à la légitimité d’existence, même si celle-ci était conflictuelle et difficile à parcourir. Et parce que personne n’en a trouvé, cet affrontement social a été laissé sans aucune appréciable voie de fuite.

Extrait traduit par nos soins de Compagna Luna de Barbara Balzerani

Retour sur l’épisode 8 (stratégie de la tension) : "Lo sappiamo chi è Stato"

L’anarchiste Giuseppe ’Pino’ Pinelli, "suicidé" du quatrième étage du commissariat de Milan au cours de son interrogatoire suite à l’attentat de Piazza Fontana du 12 décembre 1969.

On a longuement parlé de la mise en place de la stratégie de la tension, c’est-à-dire des attentats menés par des groupes d’extrême-droite dans les trains, les banques et autres lieux publics (ce qui n’est pas sans nous rappeler d’autres événements plus récents à Paris, entre autres), des manigances des services secrets et de la renaissance des groupes néofascistes.

Le but de cette stratégie de la tension, en plein guerre froide, était de barrer la route à une éventuelle prise du pouvoir par "le péril communiste", que ce soit en Italie ou ailleurs. Pour ce qui nous concerne, cela se traduit par la mise en place du réseau Gladio, des organisations telles qu’Ordine Nuovo et une répression presque exclusivement tournée vers les mouvements révolutionnaires. Mais après les attentats du 12 décembre 1969 qui firent seize morts, et que la police attribua immédiatement aux anarchistes, les mouvements en question ne s’y sont pas trompés, et partout on pouvait lire, voir et entendre des discours tels que ceux présentés dans ce tract émis quelques jours plus tard par un membre de l’Internationale Situationniste :

LA BOMBE DE MILAN A EXPLOSE CONTRE LE PROLETARIAT

Camarades, le mouvement réel du prolétariat révolutionnaire italien le conduit vers le point duquel sera impossible – pour lui comme pour ses ennemis – tout retour au passé. Tandis que se dissolvent l’une après l’autre toutes les illusions sur la possibilité de revenir à la normalité de la situation précédente, les deux parties sentent mûrir la nécessité de risquer leur présent pour gagner leur futur. Face à la montée du mouvement révolutionnaire, malgré l’action méthodique de récupération des syndicats et ds bureaucrates de la vieille et de la nouvelle gauche, il devient fatal pour le pouvoir de sortir de nouveau le vieille comédie de l’ordre, jouant cette fois la fausse carte du terrorisme, dans la tentative de conjurer la situation qui le contraindra à découvrir tout son jeu face à la clarté de la révolution.[...]

Retour sur l’épisode 7 (fin 1969) : "Autunno riscaldato dagli scazzi"

Le congrès de La Classe de l’été 1969 donne naissance à plusieurs groupes tels que Lotta Continua, Il Manifesto, Potere Operaio et tant d’autres qui se rendront vite compte qu’ils ne sont pas d’accord entre eux et se doteront d’organes de presse différenciés. Dans le même temps, les luttes de la FIAT à Turin vont incendier la ville dans une bataille qui durera plus de douze heures. Et les premières bombes fascistes commencent à exploser, pour aboutir à LA bombe, celle que l’on nommera la "mère des massacres" : la bombe qui explosera le 12 décembre 1969 dans les locaux de la Banque de l’Agriculture sur Piazza Fontana, à Milan.

On ne peut pas perdre quelque chose que l’on a pas. Ces années-là, personne n’aurait osé prononcer la phrase : « Avec Piazza Fontana, nous avons perdu l’innocence ». De fait, c’est une phrase prononcée trente ans après. A l’époque, nous ne nous considérions pas innocents. Nous n’avions pas connu d’innocence dans nos parcours. Nous avions plutôt vu la répression constante des luttes ouvrières et prolétaires, les massacres qui ont signé la naissance de la République et son parcours, l’appareil d’État fasciste transféré dans la « République démocratique », l’accointance État-mafia qui avait écrasé dans le sang le mouvement des manœuvres et des paysans. Etait-ils innocents, les tirs à balles réelles contre les manifestations ? Innocentes, les prisons maintenues dans un état égal à celles du fascisme ? Etait-il innocent d’avoir conservé un code pénal portant la signature de Benito Mussolini ?
[...]
Il ne pouvait pas y avoir d’innocence, le pouvoir cherchait notre complicité. Il nous invitait à nous asseoir à une table qui commençait à être bien imbibée de sang, de dégradation, de souffrance et d’exploitation. Beaucoup de jeunes ont accepté l’invitation, bradant leur propre dignité dans une vie faite de « bon sens » et d’obéissance, d’absence de pensée critique et de voitures à gros cylindres, de carrière et d’arrogance. Nous, une partie de ces générations, avons dit non. Si nous nous sommes trompés dans quelque chose, nous nous sommes trompés en faisant ce qui devait être fait. L’humanité aurait bien besoin de ces erreurs aujourd’hui. Notre déception, qui n’est pas une lamentation, est de ne pas être parvenus à complètement retourner la table. De belles erreurs faites dans la rébellion plutôt que d’accepter la complicité des pires atrocités.
[...]
Des systèmes totalisants régnaient partout, sous une couche de vernis de fausse démocratie, produisaient les inégalités, l’exploitation, l’aliénation et un faux bien-être en échange d’un acquiescement total. Un mouvement ne choisit pas ce qu’il fera au moment où il émerge. Il a suffit de quelques années de lutte pour reconnaître dans l’usage de la force le seul instrument valide pour faire entendre une voix. Voilà ce qu’enseignait l’insubordination ouvrière.
Aujourd’hui, alors que le temps nous offre une distance critique de plus de quarante ans, nous devrions avoir le courage de reconnaître que cette partie de la jeunesse qui s’est rebellée contre le status quo, si elle a péché, a péché par sa modération.

Extrait du livre Maëlstrom de Salvatore Ricciardi, traduit par nos soins.

Retour sur l’épisode 6 (début 1969) : "Cosa vogliamo ? Tutto !"

C’est bien connu, le Nouvel An est toujours une grande occasion de festoyer. Le passage de 1968 à 1969 n’échappe pas à la règle, et partout des lumières et des décorations viennent rappeler que l’heure est à la fête, pas à la contestation.

Bonne année, bonne fête, te dit ton patron en te remettant ton paquet cadeau. Bonnes fêtes, te dit l’affiche publicitaire, bonne fêtes, te dit la vitrine du grand magasin qui t’invite à dépenser les dernières lires de ton treizième mois ; bonnes fêtes, nous a dit Apollo 8, plusieurs milliards de dollars jetés autour de la Lune au nom du progrès de l’humanité, pendant que des millions d’hommes crèvent de faim et de froid. [...]

Bonnes fêtes, ouvriers, travailleurs, étudiants, disent les patrons, pensez à boire, manger vous amuser ; oubliez que 1968 est l’année du Mai français, des luttes de masse des étudiants, de la Tchécoslovaquie, de l’intensification de la révolte des peuples du Tiers Monde.

Extraits d’un tract de Il Potere Operaio de fin décembre 1968, traduits par nos soins

Mais ce tournant est surtout marqué par deux évènements : le 2 décembre 1968, à Avola en Sicile, et le 1er janvier 1969, devant la Bussola à Viareggio près de Pise, la police tire dans la foule. Deux morts en Sicile, une personne paralysée en Toscane. L’année s’ouvre sur une nouvelle vague de répression.

Ce qui n’empêche pas les luttes et les grèves de se propager et de se répandre. Des centaines de logements sont occupés dans différents quartiers de Rome et d’autres villes d’Italie, le plus grand complexe industriel d’Europe (la FIAT à Turin) connait une grève de 51 jours aboutissant aux affrontements du Corso Traiano, 12 heures de présence sur les places à tenir tête à la police. Turin n’avait plus connu ça depuis les évènements de Piazza Statuto en 1962.

Toutes ces luttes s’influencent, communiquent, interagissent, et sont profondément marquées par les aspirations libertaires et antiautoritaires que 1968 a porté. Mais face à leur multiplication vont naître de nouveaux besoins : l’organisation plus structurée de ces luttes.

Ce qui aboutira à la constitution autour de l’été de ce que l’on nomme les groupes extraparlementaires : Lotta Continua, Potere Operaio, Il Manifesto, qui joueront un rôle important dans les années suivantes.

Mais l’organisation ne se fait pas qu’à gauche, et les groupes néofascistes pullulent eux aussi, et des bombes vont exploser dans des trains ou d’autres lieux publics. C’est à cause de cet état de fait que d’autres révolutionnaires de gauche formeront le premier groupe de lutte armée, au but de réactiver la lutte antifasciste dans une perspective révolutionnaire, les GAP (Gruppi di Azione Partigiana, Groupes d’Action Partisane).

Reste à savoir, dans cette floraison de groupes révolutionnaires, qui représente la droite du mouvement.

Retour sur l’épisode 5 (1968) : "Non siam’ scappati più"

Le souffle révolutionnaire qui a traversé le monde au cours de l’année 1968 n’a pas épargné l’Italie. C’est un moment de transition entre l’héritage des luttes des décennies précédentes et l’ouverture vers d’autres perspectives, à la fois différentes entre elles et articulées. Aucun groupe ne sait exactement quelle révolution il veut, mais tout le monde sait la vouloir immédiatement.

Les occupations étudiantes des années 66-67 se multiplient, se renforcent et permettent l’élaboration théorique collective de nouveaux modèles de représentation politique, notamment au travers des assemblées. En plus de cela, les étudiant-e-s prennent conscience de leur force, comme l’épisode de la Bataille de Valle Giulia du 1er mars 1968 est là pour le démontrer :

HIER, LA POLICE EST INTERVENUE AVEC VIOLENCE POUR CHASSER LES ETUDIANTS DE L’UNIVERSITE. ELLE A ATTAQUE AVEC DES CAMIONETTES, A FRAPPE, MATRAQUE, BLESSE

Depuis un mois, à Rome comme dans toute l’Italie, le Mouvement Etudiant était en lutte : facultés occupées, discussions et assemblées dans plusieurs écoles.
Dans les facultés occupées hier, on travaillait, on parlait des problème de la condition étudiante, on s’organisait pour lutter contre une situation de subordination et contre la structure autoritaire de l’école, et avait été conquis le fait que les examens se déroulent dans la faculté occupée sous le contrôle et la discussion publique de tous les étudiants.

Voyant que le Mouvement Etudiant se renforçait et grandissait dans la lutte, au lieu de s’essouffler et de mourir spontanément, le Recteur et le gouvernement ont recouru à la force.

MAIS LES ETUDIANTS ONT REPONDU A LA FORCE PAR LA FORCE : cette fois, ils ont réagi, stoppant les charges des jeeps avec des barricades et réaffirmant leur décision de continuer la lutte et de retourner dans les facultés.
Mais l’école ne commence pas à l’université.

La bataille doit impliquer tous les étudiants, parce que TOUS LES ETUDIANTS DOIVENT DIRE NON A L’ECOLE DES PATRONS

LA LUTTE CONTINUE

Tract écrit dans la nuit du 29 février 1968, pour être distribué le lendemain, « Bataille de Valle Giulia », traduit par nos soins

Les ouvriers respirent l’air qui vient des universités, même s’ils ne les ont jamais vues, comme nous le dit Mario Moretti (qui sera par la suite l’un des dirigeants des Brigades Rouges). Et ils s’inspirent de ces dynamiques assembléistes pour inventer de nouvelles formes de déborder les structures syndicales et de nouvelles formes de luttes.

Avant 68, les étudiant étaient généralement de droite. Les ouvriers s’en méfiaient, car les étudiants n’avaient jamais été de leur côté. Mais ces années-là prend également fin l’école des patrons.
Mario Moretti

Le rapprochement des ouvriers et des étudiants se renforce tout au long de l’année, tandis qu’au niveau international, les premiers groupes de guérilla pointent le bout de leur nez (ETA en 1967, la Fraction Armée Rouge en 1968, le Groupe Primero de Mayo et la Angry Brigade autour de 1967, etc...).

Les luttes de libération font elles-aussi leur chemin et l’on élabore de nouvelles façon de vivre ensemble, entre autres parce que la situation du logement est très problématique.

Année très dense, 1968 ouvre la porte à une saison de luttes qui s’étendra sur plus de dix ans.
On nagera donc de façon transversale à travers cette année tout en écoutant les grands tubes de l’été de l’année en question, qui disent parfois des choses sur leur époque.

Pour finir, n’oubliez pas le slogan (parce que si on parle du passé, c’est aussi pour agir au présent) : "Fuck 1968, Fight Now !"

Retour sur l’épisode 4 (1966-1967) : Dopo Marx, Aprile !

À partir de 1966, l’expansion de l’économie capitaliste européenne s’essouffle du fait d’une concurrence acharnée : la modernisation des industries permet de produire en plus grande quantité et plus vite. Face à cette crise, les industriels réorganisent la production par l’exploitation maximum des ressources de la rationalisation du travail industriel en imposant une accélération des cadences et la construction de nouvelles unités de production plus modernes.

Je commençais à me rendre compte que même la condition ouvrière était intolérable pour un révolutionnaire. Certes, on ne peut rien faire sans la classe ouvrière, pensais-je ; mais grâce à l’exploitation des ouvriers, le patron accumule les capitaux qu’il utilise pour écraser tous les opprimés. Chaque jour, je me rendais mieux compte du système. Chaque jour, j’essayais de faire les comptes : j’ai travaillé tant, ils me donnent tant, le reste disparaît dans la poche du patron. Chaque jour, mes camarades et moi, nous procurons de l’argent à notre ennemi. Nous travaillons pour l’enrichir, pour augmenter sa force et son arrogance et nos luttes économiques ne servent qu’à lui arracher quelques miettes, rien d’autres. A la fin de la journée, je me disais : tu as donné une fois de plus un coup de main au patron pour qu’il le reste.
[...]
Il était temps de couper les ponts. Je laissai définitivement tomber toute charge, toute activité de parti. Je me disais qu’il y avait deux manières de quitter le parti communiste : ou bien l’on passait de l’autre côté, plus ou moins ouvertement, devenant ainsi les laquais de la bourgeoisie, ou bien l’on rompait avec tout compromis en se saisissant de la mitraillette.
Après avoir donné l’assaut à trois banques de Milan en l’espace de 48 minutes, nous décidâmes d’abandonner complètement la Lombardie. C’était le 12 novembre 1965.”

(Extrait de La révolte à perpétuité de Sante Notarnicola, publié par les Editions d’En Bas)

Entretemps, un coup d’état en Grèce instaure le régime militaire des Colonels. Au cours de la période qui s’ensuit, les néofascistes italiens noueront des liens de collaboration étroits et soutenus avec la dictature et les services de sécurités grecs. Pendant les manifestations à Rome ou à Milan, la dite « majorité silencieuse » et les fascistes criaient : « Ankara, Atene, adesso Roma viene » (Ankara, Athènes : Rome est la prochaine). A Rome, ils manifestaient avec à leur tête le général des carabinieri Giovanni De Lorenzo, qui par le passé avait été le protagoniste du « Piano solo », le projet de coup d’état de l’été 1964 fomenté par les services secrets, et criaient : « Basta con i bordelli, vogliamo i colonnelli » (Marre du bordel, nous voulons les colonels).
La guerre du Vietnam se développe, tout comme son opposition, et l’internationalisme se fait de plus en plus fort un peu partout dans le monde.

Les jeunes, les ouvrier-e-s, les étudiant-e-s, plus grand monde, dans les mouvements, ne croit au rôle central du Parti Communiste au sein du processus révolutionnaire, en Italie et dans la monde.

Et les luttes s’autonomisent, les universités s’occupent, les corps se libèrent, les révolutionnaires se rencontrent, et le bouillonement des années 1966 et 1967, dont il est question dans cette émission, est le prémisse du sursaut révolutionnaire international qui aura lieu en 1968 (dont il sera question dans le prochain épisode, le 4 mars). Le tout sur fond de rock’n’roll.

Réécouter les émissions

Pour réécouter la dernière émission en streaming :
Che Casino Però Ci Voleva - La stratégie de la tension (8ème épisode, 9 décembre 2015) (télécharger).

Ou alors :

  • la première émission (1945-48) sur l’après-guerre et la trahison des aspirations révolutionnaires de la Résistance par l’ensemble du corps politique (télécharger l’émission).
  • la deuxième émission, qui revient sur les années ’50, la naissance de la théorie opéraïste et les affrontements de Gênes en 1960 (télécharger)
  • la troisième, qui se concentre sur la période 1962-1965, entre musique pop et mafia sicilienne, émeutes de plusieurs jours sur Piazza Statuto à Turin et des chansons anarchistes (télécharger).
  • la quatrième (1965-67), qui entre internationalisme galopant, autonomie, braquages et libération sexuelle, se déanche sur fond de rock’n’roll et de Beat Generation.
  • la cinquième, sur laquelle souffle le vent de 1968, l’intensité des émeutes, la joie des occupations qui se multiplient et un volersi bene émouvant. (télécharger).
  • la sixième (début 1969), qui vient aux concerts armée de tomates et boit du champagne sur les barricades turinoises, sans oublier d’écouter de la pop-music dans les maisons récemment occupées. (télécharger)
  • la septième (fin 1969), où les problèmes techniques n’empêchent pas les luttes de se répandre comme une traînée de poudre dans les usines, les rues ou les prisons, tout en gardant le temps de s’embrouiller entre les différents groupes politiques. (télécharger)

Et en bonus, vous pouvez aussi télécharger l’épisode zéro de l’émission, qui retrace rapidement (en une heure et demi) un peu tout le parcours que cette émission se propose d’approfondir ensuite tout au long de l’année.

PS :

La prochaine émission aura lieu le mercredi 6 avril de 16h30 à 18h, toujours sur les ondes de Radio Galère (88.4FM). A vos transistors !

Pour contacter l’émission, nous faire une proposition ou un commentaire ou nous offrir des choses : checasino@riseup.net

Vous pouvez désormais aussi retrouver l’émission et ce qui tourne autour sur Facebook

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