[Théâtre] Alexandre Marius Jacob, cambrioleur anarchiste

Le vendredi 6 mars, une "intervention" théâtrale de la Cie CATAMAVRA reprenant la vie de l’anarchiste Alexandre Marius Jacob aura lieu à l’Equitable Café, sur le Cours Julien.

Cette « intervention » théâtrale évoquant certains éléments de la vie de cet homme a été écrite à partir d’archives et de témoignages. A cet égard, les publications de l’Insomniaque ainsi que l’ouvrage de Jean-Marc Delpech « Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur » ont été particulièrement précieux.

Jacob anarchiste ?? Parfaitement !!

Point n’est besoin d’être cambrioleur pour être anarchiste, et la plupart des cambrioleurs ne sont pas anarchistes. Disons en passant que beaucoup d’individus traduits devant Thémis se réclament de ce titre, sans en avoir jamais compris la portée. Cette déclaration est toujours accueillie avec enthousiasme par les chats-fourrés et les pondeurs de copie sensationnelle, pour jeter comme obstacle à notre propagande le produit nauséabond da la société chère à leur cœur, que nous voulons anéantir.

Nous, anarchistes, qui à l’opposé des politiciens, recherchons moins le nombre que la qualité des individus, nous n’avons pas à cacher nos sentiments. Tant pis si les doctrines que nous propageons et que nous croyons saines sont admises avec lenteur. C’est des individus qu’il faut à nos cotés, non des timorés ou des girouettes. C’est pour cela qu’aux institutions bébêtes ou perfides des biens pensants, nous disons : oui, on peut être anarchiste et cambrioleur. Jacob est de ceux là.

Pour prouver la véracité de ce que j’avance, j’offrirai volontiers, aux contempteurs de ma thèse, un débat contradictoire. Et, plagiaire, je me contenterai de m’armer des déclarations de Jacob parue sur « Germinal ; j’estime que cela me serait suffisant pour détruire toute thèse contraire.

Comment ! Il n’est pas permis à un anarchiste, que le rôle de bête de somme da ns un bagne patronal répugne à sa dignité d’homme, et souvent à sa santé, de troubler la digestion, la quiétude d’un banquier, magistrat, général, prêtre ou rentier, en leur reprenant tout ou partie de ce qu’ils ont volé lâchement ! Quel puffisme ! En contestant à un homme le droit à la révolte - et ce sont des actes de révolte que Jacob et ses malheureux amis ont commis - c’est lui contester son droit à l’existence, existence que tout être doit rêver faite de moins de personnes possible.

Qu’on ne nous objecte pas que Jacob et ses amis œuvraient comme des bourgeois, le bourgeois étant par nous traité de voleur. Ce dernier ne s’expose qu’à la peine de palper l’or, produit de notre sueur, du vol, de l’assassinat lent mais sûr, secondé par tous les rouages autoritaires, adulé par les « honnêtes gens ». Jacob et ses amis ont exposé leur vie, leur liberté, et je crois que le cambriolage ne s’accomplit pas souvent sans avoir peiné. Les cambrioleurs, à l’opposé des bourgeois, ont tout contre eux, y compris l’anathème de certains personnages, dont parfois ils ont amélioré le sort, en les faisant bénéficier du produit de leur travail. Il en fut ainsi pour Ravachol.

Oh, les honnêtes gens ! Zola a bien dit le mot qui leur convient. Depuis l’affaire Jacob, j’ai conversé avec plusieurs, et voici grosso modo le raisonnement que me tenait un qui se targue de socialisme.

« Jacob, chenapan, bandit, maquereau, assassin de plusieurs femmes »

  • Mais, dis-je, riant de ce langage, et songeant aux oublis de l’acte d’accusation de notre ami, vous avez pris cela dans les journaux bourgeois ; lisez donc le procès et les déclarations de Jacob parus dans « Germinal » dont vous avez le numéro en poche et je crois que tout autre sera votre opinion.

« Pas besoin, je suis fixé et me désintéresse de ces bandits », me répondit mon intellectuel socialiste. Puis, faisant tournoyer sa canne, il me quitta en murmurant « Messieurs, les libertaires, grâce à l’unité et à Jacob, nous dégringolerons vos théories ». Je ne pus répondre que par un formidable éclat de rire, pensant que ce citoyen crèverait de faim, honnête homme.

Oui, il est des gens qui disent rêver d’un meilleur devenir ; révolution future, société future, beaux mots dont ils ont plein la bouche. Quant au présent, tant pis si d’autres et eux-mêmes se serrent le ventre.

Nous aussi, nous rêvons d’une révolution collective qui sera le couronnement de nos efforts individuels pour son avènement ; nous aussi, nous rêvons d’une société où le vol sous toutes ses formes aura disparu, mais en attendant demain, aujourd’hui, il nous faut vivre, et si nous sommes trop lâches ou inhabiles, pour commettre les actes qui nous permettront de patienter, la réalisation de notre rêve, du moins ayons le courage d’applaudir ceux qui plus virils agissent sans se soucier du blâme des pantins et des « honnêtes gens ». C’est pourquoi nous disons : Jacob est anarchiste.

Article d’Armand Beaure paru dans Germinal n°14 (23 avril - 07 mai 1905)

Cette intervention théâtrale se présente sous la forme de quatre tableaux ponctués de chants :

Elle débute par l’évocation du suicide programmé de Jacob.
Ensuite, est présenté le procès de 1905 à Amiens des « Travailleurs de la nuit », le groupe de cambrioleurs anarchistes dont Jacob avait été l’initiateur et le principal organisateur.

Le troisième tableau concerne le bagne de Guyane où Jacob passa dix-neuf années.

Enfin le quatrième tableau, à partir du témoignage imaginaire d’un enfant, enregistré et restitué par un amplificateur, revient sur le suicide de Jacob. Les paroles de l’enfant reposent sur les récits de personnes ayant vécu la scène évoquée.

Mis en scène par la Cie CATAMAVRA.

Le vendredi 6 mars à 20h à l’Equitable Café, 54 Cours Julien, Prix libre.

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