Le tribunal de Marseille est fermé au public en toute illégalité

La crise sanitaire a bon dos. Depuis le début du deuxième confinement plus moyen d’accéder aux audiences du TGI sans convocation, alors même qu’une circulaire du ministère de la justice stipule que de telles fermetures ne sont pas justifiées.

Depuis le début de l’état d’urgence sanitaire les atteintes aux droits n’ont fait que se multiplier, tant dans le droit que dans les pratiques. Attestations de déplacements, interdictions de rassemblements, arbitraire policier, 12 morts par la police rien que pendant le premier confinement, impossibilité d’avoir un avocat en garde à vue, audiences en visioconférences, suspension des parloirs en prison, rétention encore plus absurde dans les centre de rétention... La liste est bien trop longue.

Aujourd’hui, alors que presque tous les commerces et les administrations sont ouvertes au public, le tribunal de Marseille reste fermé [1]. Oh il continue à condamner, mais impossible d’y pénétrer sans une convocation, même si on est de la famille des personnes jugées ce jour là.

Cette fermeture au public nous impacte dans le travail que nous faisons en tant que legal team : impossible de voir si une personne pour qui nous n’avions pas de contact est jugée en comparution immédiate, de voir quelles sont les dynamiques en cours dans le tribunal, d’amener des garanties de représentation en dernière minute à un commis d’office. Mais surtout cette fermeture au public est cruelle et illégale.

Le principe de publicité de la justice est un principe fondamental du droit : « la justice étant rendue « au nom du peuple », les citoyens doivent pouvoir en contrôler l’exercice quotidien » [2]. Alors même si on a aucune illusion sur le système judiciaire et ses finalités de contrôle social, on attend quand même de lui qu’il respecte ses propres règles. [3]

L’argument sanitaire ne tient pas. Comme dans tous les autres endroits, il serait tout à fait possible d’autoriser la présence de public avec port du masque, une jauge, un siège sur deux, etc. Et c’est d’ailleurs le cas dans plein d’autres tribunaux en France.

La fermeture au public pénalise la défense, et c’est une cruauté de plus pour les proches des personnes inculpées. Il suffit d’aller parler aux gens qui font le pied de grue devant le trib, vous en trouverez certain·es qui sans numéro de portable de l’avocat·e ne peuvent pas lui donner les documents nécessaires à la défense de leur proche, d’autres qui en sont réduite à demander aux personnes qui sortent en pause clope des nouvelles de la personne jugée, pour savoir si elle l’a déjà été, si elle a été condamnée, si elle va sortir ce soir.

Et pour finir, cette fermeture est tout simplement illégale, comme en fait état une circulaire (ci-dessous) du ministère de la justice datant du 19 novembre 2020 dans son article 2 “Adaptations relatives à la compétence des juridictions et à la publicité des audiences”, qui dit notamment que :

  • Il est possible de limiter les conditions d’accès aux audiences, mais pas de l’interdire. Il est possible « pour toutes les juridictions, de tenir des audiences ou de rendre des décisions, lorsqu’elles sont normalement publiques, en publicité restreinte ou en chambre de conseil. La possibilité d’ordonner un huis-clos que prévoyait l’article 7 de l’ordonnance du 25 mars 2020 n’a cependant pas été reprise, celle-ci ne paraissant pas justifiée au regard de l’évolution de la crise sanitaire. »
  • «  les juridictions et les salles d’audiences restent ouvertes au public. Par suite, les dispositions ici commentées ne sauraient permettre ni de fermer l’accès au public aux juridictions ni d’en réserver l’accès aux seules personnes munies d’une convocation . »
  • « Les chefs de juridiction peuvent en revanche [...] définir les conditions d’accès à la juridiction, aux salles d’audiences et aux services qui accueillent du public. Ils pourront réguler le flux des personnes qui entrent dans la juridiction et définir le nombre de personnes admises à pénétrer dans une salle d’audience afin d’assurer le respect des règles de distanciation physique. Ces règles doivent être portées à la connaissance du public notamment par voie d’affichage. »
Circulaire 2020-11-19

Bref tout ça pour dire que le TGI de Marseille est dans l’illégalité, et que ça ne semble pas déranger grand monde dans le monde de la « justice » marseillais. Enfin, c’est le même tribunal qui avait trouvé normal au printemps dernier de juger en leurs absence et sans avocat des personnes en détention provisoire aux Baumettes qui n’avaient pas pu être amenées au tribunal.

Legal Team Marseille - Collectif d’autodéfense face à la répression
Tél d’urgence arrestation : 07.53.05.25.30 / Mail : legalteam-marseille@riseup.net / Site : https://legalteammarseille.noblogs.org
Membre du Réseau d’Autodéfense Juridique Collective (RAJCOL) : https://rajcollective.noblogs.org/

Notes :

[1Et de plusieurs autres villes en France

[3Même si le droit de ce principe de publicité est à relativiser, la justice ayant déjà recours à d’autres astuces avant le covid : huis-clos déclarés par le président de l’audience, intimidation policière devant l’entrée, fermeture déclarée pour « crainte d’atteinte à l’ordre public », remplissage de la salle d’audience par des syndicats de flics pour qu’il n’y ait plus de place pour les soutiens de leurs victimes lors des procès pour violences policières...

PS :

Image d’illustration : l’entrée du tribunal de Marseille. Toute ressemblance de la frise avec un symbole nazi est sans doute fortuite.

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