Riposte marseillaise

Ici ce samedi 01 décembre ce n’était pas une histoire de gilets jaunes, ici ce n’était pas juste une manifestation de plus pour dénoncer les taxes sur l’essence ou la baisse du pouvoir d’achat. Ici c’était juste pour continuer à exprimer la colère de toute une population méprisée, insultée, souillée par les autorités municipales qui depuis le 05 novembre 2018 jour de l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne faisant 8 victimes décédées, est dans la psychose et la survie.

Près de 200 immeubles vidés de leurs occupants, 1500 personnes délogés dans l’urgence suite au passage des "experts" mandatés, ici le principe de précaution a pris le pas sur l’irresponsabilité de la mairie depuis 23 ans et sur le silence proposé aujourd’hui par celle ci.

Selon certains chiffres nous étions entre 10 000 et 12 000 à nous être rendus au rendez vous du collectif du 5 novembre qui appelait au delà du quartier de Noailles toutes les victimes du logement indigne de Marseille évacuées ou pas. La manifestation a démarré vers 15h30 et à rejoint la canebiere en passant par la rue de Rome. Les slogants entendus était sans ambiguité, "Gaudin, assassin", "Gaudin démission", Gaudin t’es foutu, Marseille est la rue" "nous sommes tous des enfants de Marseille" etc... exprimant la colère et le ras le bol de cette gestion catastrophique par ce vieil homme, sénile, ne maîtrisant même plus sa communication et lâché peu à peu à présent par tous ses apôtres et complices politiques. En bas de la Canebière arrivé au vieux port le cortège marque un arrêt, une prise de parole a lieu, les victimes et témoins de la rue d’Aubagne d’abord puis le porte parole du collectif un centre ville pour tous et enfin le collectif du 5 novembre qui demande une minute de silence et invite ensuite à rejoindre le parvis de la mairie de Marseille dans le calme.

Pendant ce temps quelques gilets jaunes s’intègrent dans la manifestation et entament en coeur un " démission Macron" qui n’obtient aucun écho parmi la foule et qui s’arrête immédiatement. Nous arrivons devant la Mairie, là nous attendent bien rangés tout autour du bâtiment plusieurs rangées de CRS, devant eux des barrières ont été disposées pour nous tenir à quelques mètres, nous nous arrêtons et huons ensemble. 10 000 personnes qui huent tellement fort afin que dans tout le centre ville raisonne notre colère et bien que sachant que notre vieux gouvernant n’est pas là nous le huons avec toute la rage qui s’imposent. Nous n’avons pas hué longtemps puisque les forces de l’ordre sont entrées en actions dans les instants qui ont suivi, comme d’habitude à coups de lacrymos, incroyablement chargées en produits irritants, puis par une et plusieurs charges nous ont rapidement et inévitablement fait revenir sur le vieux port. A cet endroit actuellement se tient un marché de Noël, une grande roue, des décorations festives, des guirlandes illuminées et des sapins blanchis disposés un peu partout autour de ce décor de fête qui est à l’opposé de la douleur que nous ressentons, non seulement à cause des gaz qui recouvrent maintenant tout le vieux port, mais pour les personnes touchées par ces drames immobiliers et la réponse répressive qui nous est donnée nouvelle fois, et de la tristesse dont cette ville est plombée depuis un mois.

A ce moment là nous sommes donc rassemblés au vieux port mais malgré le choc pour beaucoup parmi la diversité du rassemblement, âge, catégorie socio professionnelle, origine, couleur etc... pour qui c’est parfois la première manif, nous ne reculons plus et restons. J’entends une femme vêtue d’un gilet jaune dire à un homme au gilet identique lui dire " viens on y va ça nous concerne plus". Sur le bas de la Canebière profitant du matériel d’un chantier une première barricade se monte et les sapins sont allumés et s’embrasent, tout le monde reprends alors "Gaudin, Gaudin ça sent le sapin !". Les pompiers qui arrivent sur place renoncent à intervenir et à faire approcher le camion au milieu de la foule qui leur crie "les pompiers avec nous". Les CRS opèrent un nouveau gazage qui nous fait encore remonter un peu la Canebière jusqu’à une deuxième barricade enflammée derrière laquelle nous nous arrêtons encore. ça gaze, ça crie, ça court, ça devient tendu, des projectiles commencent à être renvoyés sur les forces du mal, ils ripostent encore aux lacrymos ça devient irrespirable. Certains décident de quitter la manifestation, les familles avec des enfants, les personnes plus âgées dont certaines sont aidées car en difficulté mais nous restons nombreux à faire face, encore plusieurs milliers, bien décidé à ne pas plier.

Encore une centaine de mètres en arrière et une troisième barricade ou se retrouve un panneaux publicitaire descellé, les premières poubelles renversées, des grillages démontées d’un autre chantier, nous craignons comme la semaine passée que les CRS laissent la place aux baqueux qui après s’être lâchés dans tout le centre ville ont fait une soixantaine de victimes au hasard, en leur assenant des coups de matraques télescopiques et qui n’étaient parfois que des simples passants qui n’avaient pas manifester. Ils finiront par gazer la rue d’Aubagne à quelques mètres des immeubles effondrés et arrêter un jeune vendeur de cigarettes de la rue. Opération punitive. De nombreux témoignages ont été reçus par le collectif du 5 novembre qui a fait la semaine dernière une conférence de presse à ce sujet. A hauteur de la troisième barricade se trouve un magasin "Orange" fermé mais qui ne résiste pas longtemps au coups portés sur sa vitrine et un black friday version prix libres s’improvise, certains en profiterons pour faire leurs cadeaux de Noël sur le compte de l’opérateur téléphonique qui en plus d’être devenu le principal actionnaire du Vélodrome à une main mise sur une bonne partie du foncier marseillais sous l’ère Gaudin. La résistance tient toujours et elle a reculé désormais au niveau du commissariat de Noailles.

Il est fermé mais quelques policiers se tiennent isolés devant coté cours Garibaldi, devant eux leurs voitures, jusqu’à ce qu’une d’entre elles sous leurs yeux incrédules soit ouverte et enflammée grâce à la 4ème barricade en feu elle aussi devant le commissariat. Mais que fait la police ? et bien les quelques policiers devant le commissariat se sont évaporés dans la fumée et les CRS à cent mètres continuaient sans prendre trop de risques à projeter leur pastilles maléfiques de loin. Enfin quand ils se décideront à charger une partie des manifestants remontera le cours Lieutaud vers la plaine et les autres continueront à remonter la Canebière jusqu’aux Réformés érigeant encore une dernière barricade, sans doute la plus importante de la soirée tant par sa largeur que par tout le matériel utilisé pour sa construction. Elle permettra notamment de se libérer de deux caméras de vidéo surveillance inutiles et d’assurer la dispersion dans de bonnes conditions du cortège à présent moins important après la division du carrefour de Noailles.

Il n’y a plus de gilets jaunes depuis longtemps. Une ultime charge des CRS enfin arrivés en haut de la Canebière grâce à l’emploi d’au moins une grenade GLI-F4 et les dernières personnes se dispersent dans les différentes rues qui s’offrent à eux. Plus tard dans la soirée dans le quartier de la plaine des chasses aux manifestants auront lieu par les baqueux rentrés en action, quelques heurts encore avec les CRS et une vingtaine d’arrestations au total seront faites par la police. Les marseillais.e.s sont plus que jamais décidés à ne pas lâcher leur combat contre l’habitat indigne et contre le maintien des équipes municipales responsables de la situation précaire et des conditions de vies qui leur sont réservées. Un rassemblement devant la mairie le 10 décembre à 8h a déjà été appelé à l’occasion du prochain conseil municipal. A suivre...

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