Voici une sélection non-exhaustive de brochures anti-électoralistes disponibles sur infokiosques.net (avec quelques extraits alléchants) :
Le suffrage universel peut quelquefois protéger jusqu’à un certain point la bourgeoisie contre les empiétements du pouvoir central, sans qu’elle ait besoin de recourir constamment à la force pour se défendre. Il peut servir à rétablir l’équilibre entre deux forces qui se disputent le pouvoir, sans que les rivaux en soient réduits à se donner des coups de couteau, comme on le faisait jadis. Mais il ne peut aider en rien s’il s’agit de renverser ou même délimiter le pouvoir, d’abolir la domination. Excellent instrument pour résoudre d’une manière pacifique les querelles entre gouvernants, — de quelle utilité peut-il être pour les gouvernés ?
L’histoire du suffrage universel n’est-elle pas là pour le dire ? — Tant que la bourgeoisie a craint que le suffrage universel ne devînt entre les mains du peuple une arme qui pût être tournée contre les privilégiés, elle l’a combattu avec acharnement. Mais le jour où il lui a été prouvé, en 1848, que le suffrage universel n’est pas à craindre, et qu’au contraire on mène très bien un peuple à la baguette avec le suffrage universel, elle l’a accepté d’emblée. Maintenant, c’est la bourgeoisie elle-même qui s’en fait le défenseur, parce qu’elle comprend que c’est une arme, excellente pour maintenir sa domination, mais absolument impuissante contre les privilèges de la bourgeoisie.
Une chose m’étonne prodigieusement - j’oserai dire qu’elle me stupéfie - c’est qu’à l’heure scientifique où j’écris, après les innombrables expériences, après les scandales journaliers, il puisse exister encore dans notre chère France (comme ils disent à la Commission du budget) un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu’un ou de quelque chose. Quand on réfléchit un seul instant, ce surprenant phénomène n’est-il pas fait pour dérouter les philosophies les plus subtiles et confondre la raison ?
Où est-il le Balzac qui nous donnera la physiologie de l’électeur moderne ? et le Charcot qui nous expliquera l’anatomie et les mentalités de cet incurable dément ?
Nous l’attendons.
J’avais toujours cru que l’abstention était le langage muet dont il convenait de se servir pour indiquer son mépris des lois et de leurs faiseurs.
Voter, me disais-je, c’est se rendre complice. On prend sa part des décisions. On les ratifie d’avance. On est de la bande et du troupeau.
Comment refuser de s’incliner devant la Chose légiférée si l’on accepte le principe de la loi brutale du nombre ?
En ne votant pas, au contraire, il semble parfaitement logique de ne se soumettre jamais, de résister, de vivre en révolte.
On n’a pas signé au contrat.
En ne votant pas, on reste soi. On vit en homme que nul Tartempion ne doit se vanter de représenter.
On dédaigne Tartalacrème.
Alors seulement on est souverain, puisqu’on n’a pas biffé son droit, puisqu’on n’a délégué personne. On est maître de sa pensée, conscient d’une action directe.
C’est toi le criminel, ô Peuple, puisque c’est toi le Souverain. Tu es, il est vrai, le criminel inconscient et naïf. Tu votes et tu ne vois pas que tu es ta propre victime.
Pourtant n’as-tu pas encore assez expérimenté que les députés, qui promettent de te défendre, comme tous les gouvernements du monde présent et passé, sont des menteurs et des impuissants ?
Tu le sais et tu t’en plains ! Tu le sais et tu les nommes ! Les gouvernants quels qu’ils soient, ont travaillé, travaillent et travailleront pour leurs intérêts, pour ceux de leurs castes et de leurs coteries.
Où en a-t-il été et comment pourrait-il en être autrement ? Les gouvernés sont des subalternes et des exploités : en connais-tu qui ne le soient pas ?
- "Se sentir vivre", par E. Armand, 1910 :
J’écris ces lignes en pleine période électorale. Les murs sont barbouillés d’affiches de toutes les couleurs ou on s’en dit de toutes les couleurs, sans jeu de mots. Qui n’a pas son parti – son programme – sa profession de foi ? Qui n’est pas socialiste ou radical ou progressiste ou libéral ou « proportionnaliste » – le dernier cri du jour ? C’est la grande maladie du siècle, cette abnégation du moi. On est d’une association, d’un syndicat, d’un parti ; on partage l’opinion, les convictions, la règle de conduite d’autrui. On est le mené, le suiveur, le disciple, l’esclave, jamais soi-même.
Il en coûte moins, c’est vrai. Appartenir à un parti, adopter le programme d’un autre, se régler sur une ligne de conduite collective, cela évite de penser, de réfléchir, de se créer des idées à soi. Cela dispense de réagir par soi-même.
Les bons citoyens récitent des oraisons, font la queue, bien en ordre, devant les percepteurs. Ils font la queue, aussi, devant les bureaux de vote où s’élaborent les majorités futures. Les bons citoyens applaudissent le ministre Machin lorsqu’il a renversé le ministre Chose, puis applaudissent le ministre Chose lorsqu’à son tour il a renversé le ministre Machin. Il ne leur vient jamais à l’idée de se débarrasser de Chose et de Machin.
Le bon citoyen vote, paie, applaudit.
Il fait comme les autres :
— Bée ! Bée ! Bée !…L’anarchiste n’est pas un bon citoyen.
Pour ceux qui considèrent l’anarchisme comme le tranquille gymnase de leurs opinions (et de celles d’autrui) sur un monde qui n’existe pas – et n’existera jamais – tandis que pour eux les jours se suivent l’un après l’autre dans la grisaille monotone des matins tous identiques, des gestes tous identiques, des travaux, affects, hobbies et vacances tous identiques, pour ces derniers, quel sens y-a-t-il à s’abstenir, si ce n’est de réaffirmer, à peu de frais et avec assez de clarté, leur identité anarchiste ? Cependant, à bien y regarder, si leur anarchisme est seulement cette enseigne poussiéreuse et ridicule, dans un terrain de certitudes monotones et escomptées, il vaut mieux se décider à aller voter. Leur abstention ne signifie rien.
Ils pourront sans problèmes voter aux présidentielles, et aussi aux élections locales. A bien y réfléchir, ils pourront ainsi choisir de défendre un morceau de démocratie qui, à bien y regarder, est toujours mieux qu’une dictature qui remplirait les stades et les camps de concentration, dans l’attente de dresser des listes de proscription. Les tanks dans les rues (signal mythique du pouvoir qui se propage de façon indiscriminée, quand tu finis à l’échafaud pour un simple mot, pour un symbole mal compris de la part d’obtus exécuteurs d’ordre en uniforme) sont un truc dangereux, il vaut mieux les bavardages inutiles, et au fond discutables, de n’importe quel clown en veste démocratique. On ne rigole pas avec certaines choses, mieux vaut courir voter, spécialement dans une période dans laquelle des millions de personnes ne semblent pas comprendre la valeur des élections. L’abstention à des millions n’a plus de sens anarchiste, on risque d’être confondu avec la masse inculte qui n’est même pas capable de tracer une croix sur du papier ou qui s’amuse à peu de frais en gribouillant des phrases obscènes sur le bulletin.
(...)
Il reste de nombreux autres anarchistes. Il reste ceux pour lesquels leur anarchisme est un choix de vie, pas une conception à opposer, dans un tragique et insoluble oxymore, aux mille problèmes d’apparence que la société codifie et impose.
Pour ces compagnons, l’abstention est seulement une des nombreuses occasions de dire « non ». Leur action anarchiste se réalise dans bien d’autres faits et ce sont justement ces faits qui donnent une lumière et une signification différente à cette façon de dire « non ».
Nous voulons la mort de la gauche pour aider la lutte, nous voulons la mort de la gauche tout autant que celle de la droite et du capitalisme.
Nous voulons détruire la gauche car elle empêche toute prise de conscience collective, elle freine toute initiative de renversement d’une société que nous rejetons tous : toute initiative révolutionnaire.
Non, ce texte n’a pas pour but de s’attaquer aux partis déjà haïs de la gauche plurielle. Car nous savons déjà que cette gauche est critiquable de par ses positions, de par ses actions, et de par le simple fait d’exister en tant que partis politiques, par le simple fait de réclamer le pouvoir.
Ce texte a été écrit pour critiquer la gauche, quelle qu’elle soit. Son existence même. La gauche telle qu’elle est en 2003, dans ses partis, dans ses mouvements (l’altermondialisation pour n’en citer qu’un). La gauche qu’elle soit institutionnelle ou non. Pas seulement celle qui expulse les squatteur- euses et les sans- papier- e- s, qui se fout des travailleurs, qui pactise avec le Medef, qui lutte pour le pouvoir, qui use de tous les artifices de la société capitaliste.
Toute la gauche. Celle qui milite. Celle qui réclame, qui proteste gentiment, qui veut réformer le capitalisme...
Tout va bien, ne changeons rien !
Il y a toujours eu des riches et des pauvres ce n’est pas cela qui changera un jour. Pour le reste nous avons mis en place une politique qui a fait ses preuves et que certains de nos adversaires voudraient changer par populisme.
(...)
Nous restons fidèles au Gouvernement Légitime !
Un élu reçoit la confiance de ses administrés, afin de s’occuper des choses auxquelles ils ne connaissent rien. Peut-on tout changer sur un coup de tête électoral ? Si nous pouvions mieux faire, nous le ferions déjà et nous sommes dans le moins pire des systèmes. Ce n’est pas la rue qui gouverne !Nous restons fidèles à la Police de Proximité !
Et nous irons toujours plus loin dans ce domaine : nous proposons en effet de doter les cartes d’identités (en puces sous la peau) d’un enregistreur sonore permanent. La sécurité est un mal nécessaire, l’Homme est un loup pour l’Homme. S’il n’y avait pas de lois ce serait l’anarchie !(...)
Seul le POF est le vrai garant des valeurs qui font la France !
POF (Parti Optimiste Français)
L’Etat […] est une mise en forme de la domination. Il est la sanction et la perpétuation d’un rapport de force […]. Ce rapport de force est fondé sur des éléments très concrets et très matériels. Il est celui qui donne à certains groupes humains la maîtrise de la puissance sociale, la position de force, si l’on veut, dans les rapports sociaux collectifs qui se sont institués dans une société donnée. Ce ne sera une révélation pour personne que de dire que le rapport social qui institue la société mondiale actuelle est le rapport social capitaliste. Dans ce rapport, il y a un pôle dominant, qui est la classe capitaliste, et un pôle dominé, les classes exploitées. La démocratie, en tant que régime particulier de l’Etat, n’est rien d’autre qu’une des modalités possibles de la mise en forme de la domination capitaliste. [Quant au] débat qui oppose les tenants de l’interventionnisme d’Etat et ceux de l’ultralibéralisme [il] est un débat interne au capital. Il ne s’agit que de savoir comment le capitalisme fonctionnera le mieux.
La dénonciation convenue de « l’ultralibéralisme », qui à présent constitue le discours standard de la gauche dite « radicale », se résume le plus souvent à un appel à la tutelle protectrice de l’Etat contre les puissances de l’argent. Une telle position […] propose [ce qui] est la source même du mal. L’Etat, démocratique ou non, comme puissance de domination, est, a toujours été et sera toujours l’allié du capitalisme et de l’exploitation.