Brèves des Kurdistan - Semaine du 27 Novembre

Chaque semaine, des nouvelles du Kurdistan.

Le Kurdistan est réparti sur quatre états : L’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie. En référence à un grand Kurdistan et comme outil de lutte contre la colonisation de ces quatre États, les mouvements kurdes se réfèrent aux différentes régions du Kurdistan en les désignant par les points cardinaux (en kurde). Le Kurdistan du Nord (ou Bakur) correspond au Kurdistan de Turquie, le Kurdistan de l’Ouest (ou Rojava) à celui de Syrie, le Kurdistan du Sud (ou Bashur) à celui d’Irak et le Kurdistan de l’Est (ou Rojhelat) à celui d’Iran. Les brèves ici transmises concernent principalement le Kurdistan du Nord (Bakur) et le Kurdistan de l’Est (Rojhelat), mais des luttes (et la répression qui va avec) ont lieu également au Kurdistan ouest (Rojava) et au Kurdistan du Sud (Bashur).
Les politiques coloniales et racistes menées par les États turc, syrien, irakien et iranien ont conduit à utiliser des noms turcs, arabes ou perses pour désigner les villes kurdes. Les villes sont indiquées ici sous leur nom kurde avec le nom turc ou iranien entre parenthèses.
Tous les noms précédés d’une astérisque dans le texte, sont expliqués dans le glossaire.

Au Bakur (Kurdistan du Nord, en Turquie), les décentes de la police turque dans les maisons continuent. Onze personnes ont été placé.es en garde à vue à Tekirdağ après un raid menés dans la nuit du 27 novembre. Deux autres personnes, arrêtés dans la nuit du 24 à Kars ont été placées directement dans la section anti-terroriste pour « Propagande et appartenance à une organisation terroriste ». Des raids ont également été mener à Hatay, où douze personnes auraient été arrêtées et à Istanbul où neufs personnes auraient été arrêtées. Cinq femmes et trois hommes ont quand à elleux été arrêtées lors d’un raid à Bursa.
La guerrilla continue dans les montagnes. De lourdes pertes sont à déplorer cette semaine. Les commandantes Delal Amed et Aze Malazgirt, ainsi que onze autre combatant.es ont été tué.es dans un clash avec l’armé turc dans la région de Sirnak. Le PKK appelle à la revanche pour ses deux commandantes.

Malgré les arrestations massives, les prisonier.es continuent d’être actif.ves. Deux éducateurs, Nuriye Gülmen et Semih Özakça tiennent une grève de la faim depuis 263 jours. Ils l’avaient commencée avant leur emprisonnement, à l’occasion de la campagne « We want our job back ».
Dans la prison de Kocaeli-Kandıra les prisonniers politiques ont collecté entre eux 2500 lira pour les envoyer, par le bais de leur famille, aux victimes du tremblement de terre du 12 novembre.
Enfin, la silenciation de la guerre en cours au Kurdistan est aussi faites en Europe. La police allemande a interdit la tenue d’une manifestation kurde dans la ville de Halle-Trotha, au motif que les participants pourraient porter des symboles kurdes interdit en Allemagne.

Au Kurdistan de l’Est, le Rojhelat, en Iran, le gouvernement Iranien continue de réprimer et de contrôler la population. Ainsi, presque chaque semaine nous vous parlons des Kolbar, les travailleur.es frontaliers qui font passer des marchandises de part et d’autre de la frontière Irano-Irakienne. Cette semaine encore les forces frontières ont tiré sur un groupe de trois personnes, abattant l’un d’entre eux. Ils ont également provoqué l’accident d’une voiture dans laquelle se trouvait 6 personnes. Il faut bien considérer que les accidents de voitures sont une technique courante des services Iraniens pour faire disparaître des personnes. Enfin, un kolbar que nous avions annoncé comme blessé la semaine dernière est mort de ses blessures.

Dans les prisons de Qazvin et Urmiyeh, plusieurs prisonniers ont entamé des grèves de la faim. Semi Hosseini est entré en grève de la fin le 26 novembre pour protester contre l’interdiction de tout contact ou nouvelles avec sa famille. Semi Hosseini avait été arrêté en 2008 avec un autre membre de sa famille. Il avait subit 3 mois de torture, qui avait résulté en 18 jours de coma. À sa sortie du coma il a d’abord été envoyé à la prison d’Urmiyeh, sa région d’origine, puis déplacer dans la prison de Qazvin, au nord de Téhéran.
C’est d’ailleurs dans la prison d’Urmiyeh qu’a lieu une seconde grève de la faim. Siamak Ashrafi a commencé celle-ci le 23 novembre. Il est en prison depuis un an, condamné pour « collusion avec un parti politique kurde ». Les prisons Iraniennes sont organisées en section regroupant les prisonniers condamner pour les même motifs. Ainsi, une section est réservé aux prisonniers politiques. Au début de sa détention, Siamak Ashrafi avait été placé dans la section des prisonniers de droits commun. Il avait alors entamé une grève de la faim pour demander son déplacement dans la sections des prisonniers politiques. Il l’avait arrêté suite à une promesse qui n’avait pas été tenue. Ce mois ici, il a été placé dans la section des prisonniers souffrants de troubles psychiatriques, et il a été sévèrement battu par un groupe de prisonniers organiser par les matons. Il est aujourd’hui dans la section des jeunes et a entamé cette nouvelle grève pour être placé dans la sections des prisonniers politiques. D’après le Kurdish Human right Network, les autorité iraniennes changent depuis quelques mois leur stratégie vis à vis des prisonniers politiques. Elles ont de plus en plus tendance à les éloigner et les isoler les un des autres.

Selon l’Organisation des droits humains du Rojhelat, deux personnes ont été arrêtées à Kirmansha, quatre à Bokan et Sardasht, et une à Sna. Il y aurait notamment le journaliste Erjeng Zerguş, qui serait arrêté pour avoir pris des photos des victimes du tremblement de terre et les avoir postées sur des réseaux sociaux. Sa vidéo disait que les autorités iraniennes avaient trahi le peuple, en ne le secourant pas. L’arrivé de l’hivers à également porté un coup dur aux victimes du tremblement de terre, les tentes s’écroulant sous la neige et la pluie.

Enfin, le 18 novembre un ensemble de partis d’opposition iranien ont annoncé la naissance d’une nouvelle coalition : le « Iranian Démocrat Council ». Les participants représentent pour la grande majorité d’entre eux différentes minorités Iranienne : Kurde, Ahwaz, Azeri, Balouch, Lor, etc…

(Vous pouvez retrouver ces brèves en direct dans les infos du vendredi midi, de 12h30 à 13h, sur Radio Galère ; le vendredi de 19h à 20h sur Radio Canut ; et dans les infos du samedi ou lundi à 19h sur Radio Zinzine.)

Vous pouvez aussi les retrouver en écoute libre / rediffusion sur le blog sonore « Aux quatre coins du kurdistan » : audioblog.arteradio.com/blog/3048057/aux_quatre_coins_du_kurdistan/

Pour aller plus loin, quelques sites d’informations

Pour le Bakur :

Pour le Bashur (Kurdistan irakien) :

Pour le Rojhelat  :

  • Kurdistan Human Right Association : www.kmmk.info/en/
  • Hengaw : hengaw.info/en/ (sans le www.)

Liste médias français :

  • Kurdistan au féminin et Kurdistanews
  • Kedistan : www.kedistan.net
  • Merhaba Hevalno, qui est un mensuel publié en ligne sur kedistan

Glossaire

Régions du Kurdistan :
Bakur : Kurdistan du Nord, situé dans le sud-est de la Turquie actuelle.

Bashur : Kurdistan du Sud, situé dans le nord-est de l’Irak actuel. Appelé « Gouvernement Régional du Kurdistan irakien » (GRK), depuis son autonomisation en 2005.

Rojhelat  : Kurdistan de l’Est, situé au nord-ouest de l’Iran actuelle.

Rojava : Kurdistan de l’Ouest, situé au nord de la Syrie actuelle.

Partis kurdes, organisations politiques… :
Gorran : qui signifie « changement », en kurde sorani, a été fondé en 2009 des suites d’un important mouvement social lancé au Kurdistan irakien contre la corruption du gouvernement. Le mouvement s’est peu à peu institutionnalisé en parti, dans l’objectif de briser le monopole du pouvoir exercé par le PDK et l’UPK sur le Kurdistan irakien (Bashur). Cependant, le parti Gorran a été destabilisé par un scandale de corruption quelques années plus tard. L’actuel président en est Omar Saïd Ali.

Milices Hashad al-Shaabi : ces milices ont été créées en 2014 par l’Iran, en Irak. Elles constituent des menaces directes contre les combattant.es kurdes iranien.nes du Komala et du Parti Démocratique du Kurdistan Iranien (PDKI), qui avaient lancé une guérilla dans les années 70 et 80 contre l’Iran.

HPG  : Forces de Défense du Peuple. Il s’agit du bataillon armé mixte du PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan. Ils opèrent principalement au Bakur (Kurdistan du Nord, Turquie), contre les forces turques, depuis leurs bases arrières établies au mont Qandil.

Kolbar : ce sont les travailleurs et travailleuses frontalièr.es, à la frontière irano-irakienne et irano-turque, chargé.es de transporter illégalement les marchandises. Ils et elles subissent une intense répression de la part de l’Iran.

Komala (Komalay Shorshgeri Zahmatkeshani Kurdistani Iran) : Comité des révolutionnaires du Kurdistan iranien, fondé en 1969, à Téhéran, en Iran. Peu de temps après la révolution iranienne en 1979, le Komala a lancé une guérilla contre l’Iran. Jusqu’à la fin des années 1980, ce parti d’origine marxiste contrôlait des zones autonomes au Rojhelat (Kurdistan de l’Est, en Iran). Un système politique organisé sur la base de communes était mis en place. Suite à d’intenses répressions, et à la guerre Iran-Irak entre 1980-1988, le Komala a dû se réfugier, comme le PDKI, dans les montagnes kurdes irakiennes. Après avoir gelé la guérilla pendant quinze ans, le Komala a repris la guérilla contre l’Iran depuis désormais un an et demi.

Pasdaran : de leur nom complet Sepah-e Pasdaran Enghelāb-e Eslami, qui signifie « Corps des Gardiens de la Révolution islamique », en Iran. Fondés en 1979 sous l’autorité de l’ayatollah Khomeiny, il s’agit d’une organisation paramilitaire de soldats d’élites, dotée de forces terrestres, aériennes et marines, dépendant du Guide Suprême. Cette organisation comprend des branches civiles, chargées principalement de la surveillance et du contrôle des populations, et qui agit conjointement avec les services secrets iraniens.

PDK : Parti Démocratique du Kurdistan d’Iran, fondé en 1946, par Mustafa Barzani. Ce parti a mené plusieurs guérillas contre le régime politique de Saddam Hussein, qui a gazé chimiquement des villes kurdes comme celle d’Halabja. En 2005, et après une guerre civile entre le PDK et l’UPK, le kurdistan irakien est autonomisé et devient le « Gouvernement Régional du Kurdistan irakien » (GRK). C’est son fils, Massoud Barzani, qui a pris la tête du parti après l’assassinat de Mustafa Barzani et est devenu président du GRK. Il a démissionné fin Octobre 2017, après le rejet du référendum pour l’indépendance du Kurdistan, par l’Iraq et des interventions militaires de celle-ci.

PDKI (Partî Dêmokiratî Kurdistanî Êran) : Parti Démocratique du Kurdistan d’Iran, fondé en 1945, à Téhéran, en Iran. Après avoir lancé des soulèvements armés dans les soixante contre l’Iran, le PDKI a lancé une guérilla après la révolution iranienne, plus ou moins en même temps que le Komala. Il est parvenu à autonomiser des zones, en mettant en place son propre système politique, juridique et sanitaire. En désaccord politique avec le Komala, il s’est progressivement retrouvé en conflit ouvert avec cet autre parti de guérilla kurde. Suite à d’intenses répressions, et à la guerre Iran-Irak entre 1980-1988, le PDKI a dû se réfugier, comme le Komala, dans les montagnes kurdes irakiennes. Après avoir gelé la guérilla pendant quinze ans, le PDKI a repris la guérilla contre l’Iran depuis désormais un an et demi.

Peshmergas : à l’origine, ce terme signifie « combattant.e face à la mort ». C’est le nom que ce sont donnés les kurdes qui ont pris la première fois les armes contre les régimes politiques qui les opprimaient : en 1925 en Irak, et en 1946 en Iran. Lorsque la région du Kurdistan irakien (Bahur) a eu accès à l’autonomie en 2005 et s’est dotée d’une armée régulière, cette armée a repris le nom de « peshermags » pour désigner les soldats, en mémoire aux combattant.es mort.es dans les précédentes luttes. Le PKK a fait le choix de nommé autrement ses propres forces, préférant le qualificatif de « guérilla » et de « militant.e ». Cependant, le PDKI et le Komala, au Rojhelat (Kurdistan de l’Est, Iran), continuent d’employer ce qualificatif pour désigner leurs combattant.es.

PKK (Partiya Karkerên Kurdistan) : Parti des travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978, à Ankara en Turquie. En 1984, le PKK a lancé une guérilla contre la Turquie, en établissant ses camps de base dans les monts Qandil, notamment. Plusieurs cessez-le-feu et reprise de la guérilla contre la Turquie se sont suivis. Abdullah Öcalan, l’un des membres fondateurs du parti, a été emprisonné en 1999, sur l’île-prison d’Imrali, en Turquie. Le PKK mène toujours une guérilla contre la Turquie, et a de nombreuses organisations sœurs dans d’autres régions du Kurdistan, comme le PYD au Rojava, le PJAK au Rojhelat, et le TACK (Tevgera Azadî ya Civaka Kurdistanê) au Kurdistan irakien.

UPK : Union patriotique du Kurdistan, a été fondé en 1975, par Jalal Talabani, après une scission avec son ancien parti, le PDK (Parti Démocratique du Kurdistan). Le parti devient une organisation concurrente du PDK dans la lutte armée contre le régime de Saddam Hussein, en Irak, et pour l’indépendance du Kurdistan irakien. À l’issue de la guerre civile qui a opposé le PDK et l’UPK, ces deux partis se divisent le territoire du Kurdistan irakien en deux. En 2005, lorsque le Kurdistan irakien devient autonome, cette division du territoire est maintenue : l’une est sous l’autorité du PDK, tandis que l’autre est sous celle de l’UPK. Jalal Talabani, ancien président de l’Iraq de 2005 à 2014, est mort en 2017. L’UPK est aujourd’hui dirigé par Kosrat Rasul Ali.

YJA-STAR : bataillon armée non-mixte de femmes du PKK, Parti des Travailleurs du Kurdistan. Elles opèrent principalement au Bakur (Kurdistan du Nord, Turquie), contre les forces turques, depuis leurs bases arrières établies au mont Qandil. Leurs opérations sont effectuées soit en non-mixité, soit conjointement avec les HPG*.

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