Condamnation de deux antifas toulonais

Le Café histoire de Toulon organise les derniers mercredis de chaque mois une conférence historique au pub catholique le Graal à Toulon. Ces conférences prétendument historiques masquent en fait un creuset des idées d’extrême-droite, rassemblant frontistes, royalistes et intégristes. Des militants ont été condamnés à 4 mois de sursis pour avoir tenté de lever le voile.

En 2015 l’ordre catholique intégriste des Missionnaires de la miséricorde rachète un bar LGBT toulonnais en plein centre-ville (le Texas, 377 avenue de la République), pour le transformer en lieu d’évangélisation, « ainsi le bar de Sodome va devenir le pub de la Miséricorde » comme le précise le communiqué de l’ordre...
Entre autres activités le bar accueille les derniers mercredis de chaque mois les "Causeries du Graal", organisées par le « Café histoire de Toulon ». Selon le site de la paroisse (géré par l’ordre des Missionnaires de la Miséricorde) il s’agit de « redécouvrir les racines chrétiennes de la France à travers son histoire, sa culture et son patrimoine religieux », en discutant « sur un thème historique ou d’actualité, lié à l’héritage d’Athènes, Rome et Jérusalem ». Chaque causerie est l’occasion d’entendre un·e intervenant·e, local·e ou non, présenté·e par des titres génériques comme « professeur·e » ou « journaliste ».

QUI SE CACHE DERRIERE LE CAFE HISTOIRE DE TOULON ?

Tout porte donc à croire qu’il s’agit là de conférences d’histoire ou de rencontres permettant d’analyser le monde à partir d’un prisme chrétien, c’est d’ailleurs la manière dont les conférences sont relayées par des sites comme Salon Beige. Mais, dès lors que l’on enquête sur les organisateurs et les intervenants c’est un tout autre visage qui apparait. Toujours sur le site de la paroisse on apprend que les causeries du Graal sont pilotées par son équipe « Culture et patrimoine ». Sans être cité sur le site, le nom de Philippe Lallement apparait à divers endroits (par exemple : ici (voir à 1 :15) et là) comme animateur/coordonnateur. Or ce dernier est un membre majeur de la mouvance royaliste : président de la section varoise de la Fédération Royaliste de Provence (FRP) (qui a fusionnée avec l’Action Française (AF) en avril 2018) et idéologue des universités d’été de l’AF. D’ailleurs, avant l’ouverture du Graal, la FRP organisait également des rencontres sous le nom de « café histoire » également animées par le même Philippe Lallement...
Même constat concernant les intervenants invités à discourir : bien que jamais présentés de la sorte, une majeur partie d’entre-eux sont directement liés à des groupuscules/organisations/médias d’extrême-droite, Action Française pour une grande partie (ex : Jean Gugliotta, président PACA de l’AF/ Antoine de Crémiers, animateur de la section aixoise de l’AF et idéologue AF), mais aussi des contributeurs de Boulevard Voltaire (comme Antoine de Lacoste) ou Rivarol (comme Anne Brassié), on y trouve aussi Julien Langella, un des fondateurs de Générations identitaires.
Au-delà de la dissimulation de l’identité royaliste des organisateurs et de l’obédience d’extrême-droite de ses intervenants, le Café Histoire organise aussi la confusion en suggérant une labellisation de certaines conférences. C’est le cas pour la causerie de Jacques Saint-Pierre soi-disant présentée par le Souvenir Napoléonien (SN), alors même qu’elle ne figure pas au répertoire des conférences de l’association. Il faut tout de même reconnaître que Jacques Saint-Pierre est membre du SN... et de l’Action Française. De même, le flyer de la conférence sur les vichysto-résistants par Michel Franceschetti affiche les logos du CD05 et de l’Institut François Mitterrand qui ont financé ses recherches universitaires parues au PUG, mais certainement pas sa participation à des réunions royalistes !
Reste le public. Les informations sont rares, le visionnage des vidéos tournées pendant les conférences permet d’entendre la parole décomplexée des spectateurs mais sans vraiment pouvoir les catégoriser. En revanche une action antifasciste a permis de révéler la présence de plusieurs responsables du FN à ces conférences (voir détail plus bas).
On peut donc raisonnablement conclure que les causeries du Graal constituent en fait des rassemblements d’extrême- droite auxquels l’ordre des Missionnaires de la miséricorde divine offre une couverture. C’est finalement une parade classique de l’extrême-droite la plus réactionnaire : se réunir et recruter sous couvert de conférences prétendument historiques. Le Graal sert ainsi à réaliser la jonction entre les tradis et les frontistes, avec la bénédiction de Mgr Rey, l’évêque local réputé pour ses liens sulfureux avec le FN.
Il convient d’ailleurs de noter que des cafés histoires du même type existent dans tout PACA, et ce depuis déjà quelques années. Ainsi, même si on ne sait pas raiment qui l’organise on est obligé de noter que le Café histoire de Draguignan dispose du même graphiste et des mêmes conférenciers que celui de Toulon. A Aix-en-Provence, le café histoire est quant à lui très clairement rattaché à l’Action Française.

DU SURSIS POUR DES MILITANTS ANTIFASCISTES

Las de la tenue régulière de ces évènements 2 militants antifascistes décident de perturber de manière non-violente la rencontre du 25 avril 2018 intitulée « Napoléon III et le Mexique catholique ». L’objectif était double : protester contre le contenu de l’évènement et signifier aux sympathisants d’extrême-droite que Toulon n’est pas une ville où l’extrême-droite peut pavaner. Les moyens retenus sont : le jet d’une boule puante et de farine, et un slogan : « anti-impérialiste » en écho avec le sujet de la conférence.
Le soir du 25 avril les militants réalisent donc cette action éclair puis partent en courant. Andréa est rattrapé par des participants qui le livrent à la police, il va passer près de 42h en garde-à-vue. La police vient chercher Sylvain à son domicile le lendemain pour 21h de garde-à-vue. Interrogatoire menotté, humiliations, violences psychologiques, perquisition insistante... Trois personnes portent plaintes. Tout de suite après l’action, 2 conseillers municipaux FN toulonnais ont déposé plaintes : Amaury Navarranne et Hervé Toulzac (commandant de police à la retraite). Puis, 2 jours après l’événement, Christine Perrimond-Trouchet qui déclarerait s’être fracturée l’avant-bras dans l’agitation qui a succédé à l’action.
Dans un premier temps ils sont mis en examen pour « violence commise en réunion sans incapacité », puis, suite à la troisième plainte, pour « violence commise volontairement ayant entrainé une ITT superieure à 8 jours ». Au procès le parquet requière 4 mois de prisons avec sursis. Le jugement est rendu en référé le 28 août : la justice condamne Andréa et Sylvain à 4 mois de prison avec sursis et 3100€ de dommages et intérêts.
En-dehors de la disproportion de la réponse policière et judiciaire cette procédure met en lumière plusieurs choses. C’est tout d’abord la participation de responsables du FN, révélée par leurs plaintes, qui intrigue : on dépasse largement le microcosme des cathos tradis et des royalistes pour entrer dans la nébuleuse de l’extrême-droite qui manifestement a trouvé un moyen de s’accorder sur Toulon. Il convient également de noter que les organisateurs de la conférence n’ont pas porté plainte comme s’ils ne voulaient pas que l’on s’intéresse trop à eux, ce qui ne les empêchera pas de publier directement leur réaction sur un site royaliste.
Moins médiatisés que les locaux du Bastion social, les cafés histoire d’extrême-droite n’en sont pas moins des organisations dangereuses qui permettent à l’extrême-droite d’avancer masquée pour tisser des liens entre ses fractions.

A lire aussi...