Déclaration commune d’anarchistes turc·que·s : Construisons la solidarité et la lutte contre cet ordre.

Le 6 février, nous avons été secoué·e·s par deux tremblements de terre, l’un à 4h17 dans le district de Pazarcık de Maraş avec une magnitude de 7,7 et l’autre à 13h24 dans le district d’Elbistan de Maraş avec une magnitude de 7,6. Même selon les déclarations officielles, nous sommes déjà confronté·e·s à une catastrophe dans laquelle des milliers de personnes ont perdu la vie, des milliers ont été blessées et des centaines de milliers de personnes ont été directement affectées.

Bien que les tremblements de terre soient des événements naturels, ce qui se passe ensuite va au-delà d’une inévitable catastrophe "naturelle". Tout d’abord, il convient de souligner que la centralisation, l’urbanisation dense et la métropolisation causées par le capitalisme sont à l’origine de la raison pour laquelle les tremblements de terre sont si destructeurs. Cependant, ce tremblement de terre a une fois de plus révélé les conséquences du développement capitaliste de ces dernières années en Turquie, basé sur l’immobilier, la rentabilité et le pillage.

Malgré les avertissements des scientifiques pendant des années, malgré le fait que l’on savait qu’il y aurait un tremblement de terre majeur dans cette région dans un avenir proche et ce qu’il faudrait faire, le fait que rien n’a été fait, et la poursuite de la construction incontrôlée et non planifiée malgré les soi-disant lois sur les tremblements de terre, a invité cette catastrophe. Des hôpitaux, des commissariats de police et des bâtiments même vieux de quelques années ont été détruits, des routes et des ponts ont été rendus inutilisables.

La catastrophe a été aggravée par la "gestion" de l’État après le tremblement de terre. Bien que le premier jour ait été très critique, l’État n’a pas utilisé une grande partie de ses moyens. L’appareil militariste massif tant vanté n’a pas agi lorsque la vie des gens était en jeu ; les équipes de recherche et de sauvetage et l’aide n’ont pas pu atteindre de nombreux endroits, même après plusieurs heures.

Alors que l’État n’a pas mobilisé sa puissance, les émotions naturelles de solidarité qui, nous le savons très bien, existent parmi les travailleur·euse·s, les opprimé·e·s et les peuples ont été réveillées. Des milliers de personnes se sont mobilisées avec leurs propres ressources pour sauver les personnes sous les débris et pour montrer leur solidarité avec les victimes du tremblement de terre. En très peu de temps, une énorme mobilisation de solidarité sociale a commencé dans tout le pays.

Alors que les gens luttaient pour leur vie, le gouvernement a de nouveau eu recours aux méthodes habituelles pour se décharger de toute responsabilité. Parallèlement au discours selon lequel la Turquie est une zone sismique et que ces catastrophes sont presque une fatalité, une représentation du "deuil national" a été mise en scène, agrémentée de la lecture de la sala des mosquées et de l’appel de ceux qui ont perdu la vie comme "martyrs". Là encore, on tente de dissimuler les intérêts des classes dirigeantes derrière le nationalisme.

D’autre part, les entrepreneurs qui ont construit des bâtiments avec de mauvais matériaux dans des endroits inadaptés, les opportunistes qui ont caché des produits de première nécessité et les ont vendus à des prix exorbitants, et ceux qui ne voient pas que ce système a volé nos vies, n’ont pas hésité à accuser les victimes du tremblement de terre de vol et de pillage parce qu’elles ont pris la nourriture et le matériel de secours dont elles avaient besoin. Certains fascistes, cherchant à dissimuler ce que l’État a fait et n’a pas fait, n’ont même pas eu honte de suggérer ouvertement que "les soldats devraient recevoir l’ordre d’ouvrir le feu sur les pillards".

Cette impudeur cache le fait que le principal devoir de l’État n’est pas de protéger la vie des gens, mais de défendre à tout prix les intérêts du capital et son propre pouvoir.

Le capitalisme nous a une fois de plus tués de manière horrible et massive. La barbarie capitaliste et ceux qui profitent de cet ordre, tous les capitalistes qui se nourrissent directement ou indirectement de la rentabilité de construction, tous les gouvernements centraux et les administrations locales qui ont jusqu’à présent mené des politiques basées sur la la rentabilité de construction et le pillage des villes - en d’autres termes tous les partis et les politiciens de l’ordre - sont responsables de ce meurtre de masse. Aujourd’hui, nous avons été profondément blessés. Nous, en tant que millions de travailleurs et d’opprimés, nous allons guérir nos blessures en construisant la solidarité. Mais nous lançons un appel aux acteurs de cette politique de l’ordre : nous n’oublierons jamais ce que vous avez fait et ce que vous n’avez pas fait. Nous avons perdu des amis, des familles, des êtres chers, mais nous ne faisons pas notre deuil. Nous ressentons de la colère, nous sommes rancuniers.

Un monde libre s’épanouira dans notre colère.

PS :

Traduction de l’article trouvé sur https://itsgoingdown.org

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