Désormais on se lève, on se casse... et on s’organise

2020 est une année de tournant sécuritaire... mais aussi de révolution féministe. En février-mars, nous étions prêt·e·s à sérieusement amocher le patriarcat cis-hétéro, enragé·e·s après la victoire de Polanski aux Césars et les violences policières subies pendant la manifestation du 7 mars à Paris. Malgré la répression gouvernementale, nous ressentons encore les vibrations de ce processus d’émancipation collective, à l’intersection des luttes trans-féministes antiracistes et écolo. La résistance doit continuer !

La loi dite de sécurité globale proposée par Macron et Darmanin, nous met tou•te•s en danger.

Les violences policières existent. Darmanin peut bien s’étouffer.

Elles sont réelles, depuis des dizaines d’années dans les quartiers populaires en France, encore plus généralisées dans les DOM-TOM. Les corps des personnes racisées n’ont pas de répit dans l’espace public, frappé·e·s, harcelé·e·s pour un foulard ou une barbe, mutilé·e·s, tué·e·s. Aujourd’hui le néolibéralisme s’enfonce dans sa crise et élargit à tou•te•s ses opposant·e·s le traitement violent et liberticide que nous constatons dans les vidéos qui tournent sur les réseaux : il suffit de sortir dans la rue, d’être antiraciste, gilet jaune, anticapitaliste, féministe pour finir à chaque fois nassé·e·s, gazé·e·s, dispersé·e·s, frappé·e·s et conduit·e·s en garde-à-vue. Vous trouvez ça normal vous ?

La première manifestation dijonnaise contre la loi "sécurité globale" n’a pas échappé à cette règle, comme la manifestation contre les fachos anti-PMA ou les manifestations des gilets jaunes. Le 24 novembre 2020, alors que la manifestation était déclarée, nous nous sommes retrouvé·e·s forcé·e·s de remonter vers la place de la République. Gazage, interpellations, gardes à vue de 24h, merci M. le Préfet.

Toute revendication politique qui ne correspond pas au néolibéralisme est dans la ligne de mire de l’État. L’objectif : nous faire taire, nous faire peur, nous faire mal et surtout nous dissuader de continuer de nous organiser, de lutter et de nous unir dans nos différents combats.

En tant que féministes révolutionnaires anticapitalistes, allié·e·s des luttes antiracistes et pour les droits de l’ensemble des LGBTQIA+, nous nous battons, nous nous révoltons contre cette présidence qui n’arrête pas de nous réduire au silence. Le gouvernement gouverne et il le fait seul. La France n’a de démocratique que le nom. Nous voilà plutôt en "machocratie".

Le gouvernement de Macron veut bien discuter égalité et fin de la domination masculine, quand et seulement quand, il prend la parole autour de la « grande cause du quinquennat » ou du « grenelle des violences ». Il est le premier à encourager le féminisme libéral, ce merveilleux concept qui permet de ne faire obtenir l’égalité qu’aux femmes blanches les plus diplômées. Une ou deux femmes parmi les patrons du CAC 40, ça fait bien sur la photo de fin d’année. L’État est passé maître dans l’instrumentalisation des luttes féministes : il les utilise à des fins sécuritaires (contravention de « l’outrage sexiste »), des fins racistes (lois sur le voile) et coloniales.

Nous ne sommes toutefois pas resté·e·s sans voix, au contraire. Sans que personne ne l’ait prévu, les victimes ont commencé à faire sortir les violeurs du placard. Il y avait des archevêques et des pères de famille, des enseignants et des chefs d’entreprise, des médecins et des entraîneurs, des réalisateurs de films et des photographes. Dans le même temps, les corps objets de violences raciales, sexuelles et de genre se sont soulevés, partout  : les mouvements trans, lesbiens, intersexes, antiracistes, des travailleurs et travailleuses du sexe, des enfants adoptés… Au milieu de ce tourbillon d’insurrections, la cérémonie des césars est devenue la prise de la Bastille télévisée. Au premier plan, Aïssa Maïga a dénoncé le racisme institutionnel du cinéma et Adèle Haenel s’est levée, tournant le dos aux patriarches du cinéma à l’annonce de la victoire de Polanski, suivie par Florence Foresti. Deux jours plus tard, Virginie Despentes les rejoint et décrète une grève générale des minorités assujetties  : « Désormais, on se lève et on se casse. »

La preuve en est, toutes les femmes ne sont pas bonnes à être entendues par Macron. La lutte féministe internationale est une épine dans le pied des gouvernements qui dissolvent les idées féministes dans le ragoût néolibéral. En France nous avons payé le prix des mouvements #metoo et #balancetonporc, et de la montée des forces féministes entre 2019 et 2020 : Macron a nommé un violeur au Ministère de l’Intérieur. Le patriarcat avait pourtant déjà son cortège de violences psychologiques, sexuelles et économiques. Le capitalisme patriarcal prend sa revanche.

2020 est une année de répression et de tournant sécuritaire. Les répressions policières actuelles montrent à quel point le gouvernement craint une révolte collective. L’État devient policier précisément parce qu’il ne tient que grâce à sa police. Cette police est structurellement raciste, xénophobe, fasciste… et aussi misogyne, transphobe et queerphobe.

Armés jusqu’aux dents et agissant en totale impunité grâce à leur monopole de la violence légale, de nombreux flics se préparent à "une guerre raciale". Parallèlement, ils sont aussi obsédés par leur propre virilité. Les fachos se plaignent, sont tristes, et vous savez de quoi ? Du fait que les femmes les délaissent, ne les apprécient pas à leur juste valeur : les petits dominants blancs sentent vaciller leur privilège de mâle, ne trouvent plus automatiquement une épouse dévouée-opprimée obligée de leur faire croire qu’ils sont les meilleurs.. L’idéologie fasciste donne pourtant une place bien définie aux femmes, qui, dans un schéma hétérosexuel et patriarcal doivent correspondre aux fonctions de procréatrice / mère / ménagère et assouvir les besoins sexuels de ces messieurs. Ce discours masculiniste est risible : se posant d’abord comme prêts à se battre contre tous les manifestant·e·s, accumulant armes et savoir-faire de combat, ils adoptent ensuite une posture d’hommes faibles, attristés, stigmatisés par les femmes à cause de leur trop grande gentillesse. Colère et haine des femmes sont les sentiments qui nourrissent ces policiers, pourtant chargés de maintenir la paix sociale et de soutenir les victimes des violences patriarcales. Les luttes antifascistes et anticapitalistes ne peut plus se passer des angles de luttes féministes !

Le contexte de restrictions des libertés avec la crise sanitaire n’est pas surprenant. Le gouvernement s’est servi d’un assassinat pour appuyer sa politique islamophobe et vient de confirmer la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Cette dissolution à motivation politique est destinée à faire taire le CCIF et celles et ceux qui se dressent contre les discriminations que vivent les musulman·e·s en France.. Darmanin - le violeur - essaye d’interdire la dénonciation des violences policières et veut aussi interdire la dénonciation de l’islamophobie. Demain dissoudra-t-il la Ligue des Droits de l’Homme ou Amnesty International France ? Ne croyons pas que cette pratique totalitaire de dissolution d’une association loi 1901 ne sera réservée qu’aux seul·e·s militant·e·s antiracistes. Cette politique liberticide veut faire taire toute critique de "l’ordre républicain". Le gouvernement a alors les mains libres : toute mesure liberticide est possible, nous faisant presque oublier la gestion catastrophique de la crise COVID19 !

Hier nous étions de nouveau en manifestation contre la loi dite « sécurité globale ».

Cette loi liberticide contient :

  • l’interdiction de filmer les policiers en exercice, et donc toutes les violences policières
  • la possibilité d’utiliser des drones de surveillance
  • la reconnaissance faciale pour la police
  • la possibilité d’être armés en-dehors de leur service et de rentrer dans des établissements accueillant du public avec leurs armes.

Ce n’est plus une police, c’est une milice.

Cette loi menace directement la liberté d’expression individuelle. Elle met également en péril la liberté de la presse, le travail des journalistes et la qualité d’information retransmise. Nous le savons, les grands groupes tel que TF1, CANAL +, BFM, Cnews et tant d’autres, sont détenus par des actionnaires majoritaires qui ont un droit de regard sur les contenus. L’État cherche à contrôler les médias afin de nous délivrer la seule véritable information valable : la sienne. Il cherche aussi à référencer toutes les personnes qui manifestent dans ses bases de données grâce à des drones. Information unique, contrôle de tous les contenus d’information... riment avec propagande. Et nous le savons la propagande est l’un des outil principaux de l’autoritarisme.

Le fascisme est là. Tout est là depuis des années. Aujourd’hui, le Covid-19 nous paralyse, nous limite dans nos déplacements, nous écroule sous le travail et nous empêche d’ouvrir nos imaginaires pour poursuivre les mouvements sociaux amorcés ces dernières années. Il amplifie les oppressions et dominations, rendant encore plus visibles les dysfonctionnements institutionnels des machocraties libérales. Le lien entre la crise sanitaire et l’économie mondiale est limpide : le pouvoir nous fait la guerre. Les hôpitaux deviennent des tranchées, les EHPAD des morgues, les palais des sports des centres de détention pour les sans-abri. Personne ne reconnaît le travail de soins et de reproduction et de la sexualité, comme du travail. À la précarité de la classe, de la race, du sexe et de la sexualité s’ajoutent désormais d’autres inégalités  : les exposé·e·s et les protégé·e·s, celleux qui nettoient et celleux qui sont nettoyé·e·s, les sans-abri et celleux qui peuvent s’isoler dans leur maison, celleux qui soignent et celleux qui sont soigné·e·s.

Nous le sentons, ce processus d’émancipation collective qui s’active, nous en sentons les vibrations dans nos corps. Il est multiple, à l’intersection des luttes trans-féministes antiracistes et de la lutte écolo. La résistance s’organise ici, au cœur du vieux continent colonisateur. La crise du Covid-19 et sa capacité à mettre en évidence la connexion de toutes les formes d’oppression pourraient nous aider à concevoir un nouveau sujet révolutionnaire pour lequel les formes d’oppression fondées sur la race, le sexe, la classe ou le handicap ne s’opposent pas les unes aux autres, mais s’entremêlent et s’amplifient.

Notre vision du monde et de ses possibilités ne pourrait pas être plus éloignée de celle du gouvernement. Nous voulons repenser la société autrement qu’au travers du prisme de l’argent, et replacer l’émancipation du corps vivant vulnérable au centre de tout.

Ne nous croyons pas si impuissant·e·s face au pouvoir en place. S’il tente de nous museler, c’est qu’il a peur que nous parlions. S’il souhaite que nous restions chez nous, isolé·e·s, c’est qu’il craint nos unions potentielles. S’il limite notre droit de manifester, c’est qu’il craint la propagation de cet espoir. Quand le capitalisme s’arrête, pour cause de Covid-19, c’est aussi la manipulation de nos propres désirs qui s’arrête. Nous voilà collectivement plus lucides, libéré·e·s des besoins superficiels consuméristes. Profitons-en pour la construire, cette révolution !

Organisons notre propre solidarité et autonomie pour survivre au capitalisme hétéro-patriarcal mortifère. Activons la pensée utopique comme geste de rupture avec un monde cynique qui nous oriente vers la dépression. Mélangeons nos colères, nos joies, nos idées, et quand le chaudron sera bien plein.. et bien nous serons prêt·e·s !

Collectif 25 Novembre

De nombreux passages de ce texte sont paraphrasés de cet article rédigé par Paul B. Préciado, dont nous vous conseillons la lecture : https://bulb.liberation.fr/edition/numero-2/nous-etions-sur-le-point-de-faire-la-revolution-feministe/

PS :

Repris du site Dijoncter.info

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