Entre le 28 avril et le premier mai à Marseille

Note de MIA : Ci-dessous, un extrait d’un article de Lundi Matin qui parle des mobilisations du 28 et du premier dans beaucoup de villes. Dans la partie sur Marseille, petit récit condensé de ces quelques jours intenses de manifestations et de tables sur la Plaine.

Pour commencer l’histoire, resituons un peu le contexte : nous sommes à Marseille, cette grande ville de sales gosses désorganisés. Jusque là l’organisation collective et politique semblait être l’affaire des spécialistes, mais rien n’est immuable, la vie a repris place dans les cortèges, avec bonne humeur et détermination.

28 avril ; jeunes et déters en pôle position

Jeudi matin, le rendez-vous était donné par les lycéens à 10h à la prèf, histoire de se positionner en tête de cortège sans se faire emmerder par les services d’ordres. Bonne ambiance d’entrée : les groupes de lycéens déboulent des quatre coins de la ville, parfois de loin dans les quartiers Nord en dansant l’afro trap pour garder la pèche. Les t-shirts sont en place remontés sur les nez, les lunettes de plongée ou de soleil sur les yeux, un max de fumi dans les mains, le ton est donné : maintenant on vient équipés en manif’ !

Le cortège des sauvages se lance pour prendre la tête de la manif sur le cours Lieutaud, en pôle position, devant FO qui a elle-même mis une carotte à la CGT, cette dernière ayant perdu pour de bon son éternelle place de maman canard. On ouvre le bal en restant attentifs à ne pas semer les syndicats, on veut pas scinder le cortège même si ya pas photo, l’ambiance est autrement meilleure chez nous ! Encadrés de trois banderoles renforcées, on se sent déjà plus forts et les détournements de chants de supporters résonnent tout le long du cours Lieutaud dans les éclats rouges des fumi SNCF.

Arrivés au bout de Lieutaud, on entretient cette bonne habitude acquise lors des deux dernières manif de bifurquer à gauche sur Baille pour éviter la nasse habituelle qu’on sait déjà en place sur Castellane. On fait une petite boucle pour aller chopper la CNT et Sud en fin de cortège, et on se retrouve chauffés à bloc, nos rangs bien grossis par ce petit tour de passe-passe, en bas du boulevard Baille. Les révolutionnaires aussi conspirent : le mot est bien passé de s’unir pour lancer une manif sauvage dont l’objectif partagé a su rester confidentiel.

28 avril ; manif sauvage direction...

On peut dire qu’on était au moins un 3000 marseillais, voire 10 000 ! En tout cas : « On est nombreux, on fait ce qu’on veut ! ». En remontant le boulevard on déchante un peu en voyant le cordon de CRS se mettre en place pour nous bloquer l’accès à la rue de Lodi et le troupeau de baqueux casqués qui s’amasse sur le trottoir de droite. On tente quand même de forcer le passage, on y croit ! Il nous faudra un bon quart d’heure d’affrontements pour capter que d’autres chemins étaient possibles. Le petit camion rose de Sud sera le dernier à rebrousser chemin sous la pluie fournie de lacrymo qui aura eu raison de son pare-brise.

Après un petit moment de flottement, le cortège se reforme sur la rue de Rome : « Ah, Ah, c’est rigolo sous les bombes lacrymo ! ». Cette fois-ci on se laissera plus bloquer, on évolue en zigzag, évitant les gros barrages, en prenant soin d’enflammer des contenairs au milieu de la route sur notre passage pour freiner les gros culs qu’on a au cul, engoncés dans leurs carapaces. Que de flammes, d’étincelles et de fumées dans ce beau ciel marseillais !

Les keufs qui tentent de nous suivre ne cessent d’être harcelés par les jeunes fougueux qui traînent au fond de la classe. Blasés, ils ne trouvent rien de mieux à faire pour passer leurs nerfs que d’arroser inutilement notre cortège sauvage de lacrymo, en chien, par derrière. Ils continuent jusqu’au cours Ju où ils font un gros bide en noyant les terrasses bobo sous le gaz. Depuis, même eux détestent la police !

28 avril ; ...les rails

Le passage par la plaine est tranquille, on est en territoire ami. Un peu amaigri, notre cortège remonte le boulevard Longchamp en prenant soin de ne laisser aucune pub derrière sa vitrine, direction la grille ouverte par des copains cheminots pour accéder aux voies de chemins de fer.

Il ne reste plus qu’une centaine de mètres pour l’atteindre quand une poignée de baqueux accompagnés d’une voiture d’acolytes en uniformes tentent de nous barrer le passage.

Cette fois on lâchera pas, les banderoles essuient plusieurs shoot de flashball sans broncher, tout le monde traverse le champ d’assourdissantes et de lacrymo au pas de course, c’est bon, on a gagné, ils ont détalé comme des lapins sous la pression. La voiture estampillé « police » a pris cher dans sa fuite désespérée !

Arrivés sur les rails c’est l’euphorie, on laisse place à un grand feu de joie pour célébrer, les pneus ayant été discrètement entreposés la veille.
Le stock de caillasse étant plutôt bien fourni, les flics décident de ne pas monter sur les rails. On commence une petite rando direction Lyon, sachant que ce serait se jeter dans la gueule du loup que de revenir vers la gare.
Tout est bien, sauf la dispersion pas bien gérée : en quittant les rails en divers endroits, une soixantaine de personnes se fait serrer par des flics blessés dans leur ego. La plupart sortiront vendredi matin, d’attaque pour un week-end encore bien chargé .

30 avril et 1er mai

En effet le samedi une fête de quartier est organisée pas les habitants et habitués de la plaine qui est en proie a un plan de rénovation ambitieux : dévorer tout ce qui vit et n’est pas conforme aux « smart métropoles ». Depuis quelques temps la préfecture met la pression : amendes pour affichage sauvage, arrêtés préfectoraux interdisant la vente d’alcool après 20h, allant jusqu’à faire intervenir des municipaux zélés pour faire respecter l’interdiction de consommer de l’alcool sur la voie publique.

Toute la journée la fête foraine bat son plein sur la plaine, espace emblématique de la dissidence et de l’insoumission marseillaises. Les magrets de canard fument sur les planchas, barbapapas, crèpes, chamboule tout, tournoi de foot et autres délires font le bonheur de tous ceux qui aiment à traîner par là après le marché. Mais déjà une rumeur circule : « Il paraît qu’on va reposer des tables ! ».

C’est en référence à une fête organisée en décembre au même endroit et au cours de laquelle des tables en bois vraiment balaises avaient étés posées, ancrées dans le sol par des blocs de béton, un truc pas bidon pour montrer qu’on est capables d’investir l’endroit sans ces guignols de la mairie et autres entrepreneurs. Six mois après, suite au monstre carnaval indépendant de la plaine, la mairie sur les dents avait envoyé une horde de policiers pour encadrer la destruction de ce mobilier urbain sauvage.

La rumeur disait vrai, cet après-midi voit fleurir quatre nouvelles tables flambant neuves et un panneau d’affichage libre ainsi que des cages de foot de la meilleure facture. La foule en délire poussera la fête jusqu’à tard dans la nuit, dansant sur les tables sous les confettis et autres feux d’artifice. Les arrêtés préfectoraux ne semblent pas avoir trouvé echo auprès des plainards. Certains ont même été jusqu’à évoquer l’avènement de la commune libre de la plaine !

Le dimanche 1er mai, la place ne désemplit pas, accueillant une sardinade improvisée qui réunit autour des barbecs les acteurs du mouvement contre la loi travail (collectif 13 en lutte, nuit debout…) autant que les plainards en résistance. Ça chauffe à Marseille, ça chauffe le marcel !

Quelques jeunes 13énervés

Continuez l’article sur Lundi Matin pour découvrir quels cauchemars et facéties se sont abattus sur d’autres villes de France !

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