Les grandes lignes du plan de déconfinement du gouvernement : économie et surveillance

Dans cet extrait de la onzième gazette des confiné·es, on réfléchit aux questions suivantes. Que devrait-on faire pour organiser le déconfinement si nous n’avions pas un gouvernement incompétent de manière autogestionnaire ? Pourquoi le conseil scientifique recommande-t-il l’application de traçage StopCovid ? Quelles sont les données scientifiques actuellement disponibles sur l’évolution de la pandémie ?

Les recommandations du conseil scientifique

D’après des scientifiques, nous sommes actuellement loin d’être sorti·es de l’épidémie du Covid-19. Un modèle tiré d’un article de l’institut Pasteur estime que, même dans les zones les plus touchées, moins de 15 % de la population a été infectée par le Covid-19 (la moyenne nationale serait à 5 % avec un intervalle d’incertitude de 3 à 10 %).

Un article scientifique estime qu’il y a moins de 10 % de français·es infecté·es par le Covid-19.

La gazette ne peut juger de la qualité scientifique de cet article qui se base à la fois sur les données épidémiologiques en France et des hypothèses mathématiques, c’est-à-dire des présupposés qui ne peuvent être vérifiés.

Or, d’autres articles scientifiques estiment que la fameuse « immunité collective » demanderait plus de 60 % de personnes immunisées pour être efficace. On en est loin et ce même si tout·e infecté·e devient immunisé·e ce qui est loin d’être sûr ! Mais le calcul est simple : si l’on veut atteindre les 60 % d’immunité collective avec le taux de mortalité estimé du Covid-19, cela fera des centaines de milliers de morts. [1].

Le conseil scientifique, et le gouvernement avec lui, opte pour une stratégie similaire à la Corée du Sud (mise en avant avec admiration par les médias), à savoir un déconfinement partiel avec surveillance de l’épidémie pour réagir avant que les hôpitaux ne soient débordés. Si l’on ne trouve pas de vaccin ou de traitement efficace rapidement ce qui semble être probable d’après l’Agence européenne du médicament, alors on peut penser qu’à terme, on arrivera à une immunité collective (et la mortalité importante qui vient avec).

Tout ce que le confinement et les mesures de distanciation sociale auront permis d’obtenir, c’est d’éviter une surmortalité due au dépassement de capacité des hôpitaux. Cela fait déjà beaucoup de vies de sauvées si l’on regarde le nombre de cas qu’il y aurait eu s’il n’y avait eu aucun confinement (voir la Gazette des confiné·es #8 à ce sujet).

Dans la pratique, qu’est-ce que cela veut dire pour les confiné·es ? On pourra probablement revoir ses ami·es, reprendre nos activités pendant un moment. Et si l’on entend beaucoup tousser autour de nous ou si des scientifiques estiment (via des tests ou les chiffres des hôpitaux) qu’il y a beaucoup de malades et un pic important en préparation, il faudra probablement penser à se re-confiner sans tarder car l’on risque une nouvelle explosion de cas. Si l’on attend que les hôpitaux soient débordés pour confiner, il sera trop tard pour éviter la catastrophe (à cause du décalage entre le début du confinement et le pic de besoin en lits de réanimation).

Il a fallu environ trois semaines après le confinement pour atteindre le pic du nombre de personnes en réanimation.

Plus l’on fera attention collectivement à respecter les distances de sécurité, les gestes barrières, à porter des masques, plus on peut espérer que les moments de confinement strict seront rares. Mais cela est difficile à garantir car le Covid-19 est extrêmement contagieux : il est tout à fait possible que, même en faisant très attention collectivement, des confinements stricts de plusieurs semaines reviennent régulièrement si l’on veut éviter des hôpitaux débordés (c’est l’un des 4 scénarios de sortie envisagés dans un article de l’Inserm).

Le gouvernement choisit un déconfinement à but économique et liberticide plutôt qu’un déconfinement solidaire

La mise en place autoritaire du confinement et du déconfinement sans débats populaires et de manière opaque est à critiquer sans concessions. Elle est anxiogène et peu efficace quand on la compare à l’autogestion et à l’auto-décision locale.

On peut craindre la propagation de l’épidémie à cause du déconfinement, mais les problèmes posés par le confinement, qu’ils soient matériels pour les plus précaires ou psychologiques pour tout le monde, semblent trop importants pour l’éviter complètement.

Le choix d’insister sur les applications de traçage est une diversion et démontre la foi aveugle des classes dominantes en la technologie. Après le débat sur la chloroquine, les applications de tracking montrent combien nous pouvons être sensibles à toute promesse de solution miracle quand nous avons avons peur.

Et dans le déconfinement, le diable se cache dans les détails pratiques. On peut être sûr·es que le gouvernement va vouloir tirer la corde au maximum pour que seuls contacts nécessaires pour faire marcher la machine économique propagent la maladie. Et pour permettre à la machine économique de tourner le plus possible, tous les moyens seront bons à prendre comme les applications de traçage, les restrictions de liberté, et ce même s’ils ne marchent probablement pas !

Et c’est là où la lutte future prend tout son sens : d’un côté le camp de l’économie qui souhaite que l’on travaille et que l’on évite les contacts sociaux non productifs économiquement (par exemple amicaux), de l’autre côté le camp de l’émancipation qui souhaite que la machine économique destructive tourne le moins possible (qu’il y ait seulement les activités nécessaires à la société pour sa survie) et qu’on autorise autant que possible les contacts sociaux nécessaires à la solidarité, à l’épanouissement de tou·tes ( et à la révolution ? )

Il s’agira de naviguer en permanence entre la nécessaire protection collective de la société (via des interdictions que l’on se posera) et la nécessaire critique des modalités liberticides et orientées pour l’économie choisies par le gouvernement tout en écoutant nos peurs, nos envies. Et cela ne sera pas facile !

La science comme alibi

Avec l’approche du déconfinement souhaité par Macron, le conseil scientifique a planché sur les différents outils censés éviter un retour de l’épidémie et a pondu un avis détaillé, avec des fiches techniques dans lesquelles il décrit ses états d’âmes. On s’est attardé un peu sur celles qui parlent des outils numériques, et ça fout franchement les pétoches. Pour plus d’informations sur le traçage automatisé, on vous invite à lire notre hors-série sur la question.

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Notes :

[1On pourrait remarquer que ce taux de mortalité varie selon les âges et donc on pourrait être tenté·e de viser les 60 % d’immunisé·es uniquement parmi les personnes les moins à risques. En pratique, on peut juste constater que cela a échoué en France jusqu’ici quand on constate que le Covid-19 a réussi à rentrer dans les Ehpad malgré le confinement avec la mortalité que l’on sait. Cela ne veut pas dire que c’est infaisable.

PS :

La suite sur Paris-luttes : https://paris-luttes.info/gazette-des-confine-es-11-rentree-13893

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