Métavers ou l’incarcération de l’homme dans la machine

Le 5 décembre 2022, l’académie du Métavers ouvrira ses portes au Cloître, dans le 13ème arrondissement de Marseille. Après 19 mois de formation en alternance, les chercheurs d’emploi en mal de réinsertion socio-professionnelle auront la chance de devenir développeurs de réalité virtuelle/réalité augmentée ou bien techniciens d’assistance en réalité virtuelle. En réalité réelle, les choses sont un peu différentes. La prétendue réinsertion ressemble plutôt à une étape supplémentaire dans le processus d’insertion de l’homme dans la machine.

Quand Etat, Multinationale & Startup avancent main dans la main

Localement, le terrain techno-économique est prêt. La pose de câbles sous-marins, ces hubs numériques aspirateurs de données géants, ne cesse de croître dans le port de Marseille-Fos. Interxion et ses datacenters dévoreurs d’énergie électrique s’installent. Des entreprises du numérique, startups de la French Tech éclosent continuellement.
Dans le rôle de l’Etat, on retrouve ici la région PACA. Elle a décidé d’allouer pas moins de 350 000 euros de subventions au développement de l’académie cloîtrée. Dans le rôle de la multinationale, prenez Meta, anciennement Facebook, qui a racheté WhatsApp et Instagram, autrement dit le géant capitaliste qui règne en maître sur les réseaux sociaux numériques. Et dans le rôle de la startup, nous avons Simplon.co, une startup de la French Tech spécialisée dans la formation professionnelle. Le projet de ces alliés de circonstances est de former les développeurs en réalité virtuelle du futur ; afin que l’on puisse vivre de manière inclusive une expérience immersive inédite dans un monde peuplé d’avatars bienveillants. Charmant programme ! Renaud Muselier, président de la région PACA, en bon capitaine du paquebot Innovation, ne cache pas son enthousiasme lorsqu’il parle de cette nouvelle académie qu’il évoque comme une « grande aventure » qui forme « aux métiers de demain ». Nous y voyons plutôt un vulgaire divertissement, une gabegie écocide qui légitime son existence sous le prétexte fallacieux de la création d’emplois. 10 000 emplois en Europe, ce n’est quand même pas rien ! Mais combien d’emplois sont détruits chaque jour par la numérisation de nos existences ? Qu’en est-il de la qualité et de l’utilité de ces emplois 3.0 pour l’intérêt général ? Quel est l’impact sur la santé des habitués de ce genre de schizophrénie numérique ? Gare à l’effet Proteus…

Leur monde irréel fait progressivement plonger notre monde réel dans l’immonde

Les élèves, dont l’imaginaire est pétri par le discours dominant à la gloire du numérique, seront les architectes et les agents du bon fonctionnement d’un monde virtuel sans contact, totalement déshumanisé. Dans le sillage de ce monde sans contact, il y a l’argument mensonger de la dématérialisation. En réalité, on sait bien désormais que la dématérialisation ici n’est qu’une relocalisation (de matières, de nuisances et de pollutions) ailleurs.
Ne souhaitant pas nous faire déposséder de nos relations dans le monde réel et de toutes ces choses qu’un ordinateur ne sera jamais capable de faire, nous ne voulons pas de cet immonde-là.
Nous n’avons pas de solution ? Bien sûr que si ! Se rencontrer, parler, sous son arbre préféré, ou ailleurs, discuter avec ses voisins, ses amis, ses collègues, débattre, se disputer s’il le faut mais ne jamais perdre le sel des interactions réelles entre êtres humains bâtis de chair et d’os.
De notre côté, plutôt que de saborder les conditions de vie sur terre, nous proposons de nous attaquer à ce qui participe à leur dégradation. Moussaillons, cessons de louvoyer, envoyons le paquebot Innovation par le fond ! Sabordons le monde sans contact !
Pour que perdure un monde humain, sensible et vivant, demandons la fermeture de l’Académie du Métavers.

Le Platane
LePlatane@protonmail.com

PS :

« Et je prétends que le discours sur la technique, répandu absolument partout, et non critiqué, est un terrorisme qui complète parfaitement la fascination de l’homme occidental et qui le place dans une situation de double dépendance irréversible, si bien qu’il est subjugué. »

Jacques Ellul, Le bluff technologique, 1988

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