Malgré l’évacuation de Tolbiac, le mouvement contre la sélection continue et même se renforce en d’autres endroits. Petit bilan critique de la grande confusion ayant cependant régnée les heures et les jours qui ont suivi la chute de ce bastion de la contestation.
Des dégradations mineures qui auraient pu être politiquement assumées
Déjà avant l’expulsion, c’était la stratégie de communication affichée par le président Haddad : faire passer les occupant-e-s pour des sauvages ayant complètement saccagé la fac. Une fois les flics ayant effectué leur sale boulot, tous les journalistes sont donc invités à entrer afin de constater ces terribles dégradations. Les caméras n’auront pourtant que quelques tags ainsi que des distributeurs abîmés à filmer, même si ça peut toujours faire son petit effet sur le télespectateur ce n’est sûrement pas suffisant pour scandaliser le contribuable, alors annonçons des chiffres ! Haddad s’improvise ainsi expert en constat d’assurance, et balance le chiffre de 800 000€ de dégâts. Aujourd’hui, le ministère parle déjà plutôt de « 200 000 à 300 000€ » et on peut être à peu près sûr que la facture finale sera encore moins élevée.
Si ces chiffres peuvent sembler tout de même importants aux yeux du contribuable moyen, qui mettrait des années à mettre de telles sommes de côté, ils sont en réalité assez insignifiants à l’échelle du budget d’une université comme Paris 1. Ce dernier s’élève en effet en moyenne aux alentours de 220 millions d’euros par an (masse salariale comprise) [1], ce qui fait que le coût supposé des dégradations, même en admettant l’estimation haute du ministère, ne dépasse pas 0,14% du budget annuel de l’université... Même en ne considérant que le budget de fonctionnement hors masse salariale, qui tourne autour de 45 millions d’euros, cela ne représente pas plus de 0,67% du budget annuel. Tout cela est réellement insignifiant au regard des milliards qui manquent chaque année à l’enseignement supérieur et dans les services publics pour pouvoir fonctionner correctement, et ça l’est encore d’avantage au regard des conséquences de la sélection sur la vie de milliers de lycéen-ne-s dans les prochaines années. Rappelons par ailleurs que l’État dépense actuellement 300 000 à 400 000 euros par jour [2] pour détruire des cabanes sur la zad, qui elles n’empêchent pourtant personne de passer ses examens (en chocolat ou pas).
Avec ces ordres de grandeur en tête, celles et ceux qui se scandalisent de telles sommes apparaissent tout de suite plus ridicules. Au lieu de condamner les dégradations en les renvoyant à quelques actes individuels (et exposant ainsi d’avantage à la répression les personnes ayant commis ces actes), n’aurait-il pas été plus judicieux de les revendiquer, notamment les tags, comme faisant intrinsèquement partie du processus de réappropriation de la fac par ses occupant-e-s ? Avant que la fac ne décide de faire un grand coup d’asceptisation suite au mouvement contre la loi travail en 2016, tous les amphis de Tolbiac étaient récouverts de tags, témoins des luttes passées. Cela n’a jamais empêché personne d’étudier, c’était même au contraire plutôt plaisant de se retrouver assis en cours dans l’amphi N entre un « Vive la Commune » et un « Trotski tue le ski ».