L’annonce, jeudi 16 mars, de l’utilisation du 49.3 par le gouvernement pour imposer sa réforme des retraites a propulsé le mouvement de contestation dans une nouvelle dimension. Malgré une répression féroce, un drôle de mélange de colère et de joie se propage sur tout le territoire : manifestations sauvages, blocages surprises d’axes routiers, envahissement de centres commerciaux ou de voies ferrées, jets d’ordures sur les permanences de députés, feux de poubelles nocturnes, coupures ciblées d’électricité, etc. La situation est désormais ingérable et le président n’a plus d’autre corde à son arc que de promettre qu’il tiendra coûte que coûte et de sombrer dans une fuite en avant de violence. Les jours qui viennent seront donc décisifs : soit le mouvement se fatigue, mais tout indique le contraire, soit le quinquennat Macron s’effondre. Ce texte propose de faire un bilan d’étape et d’analyser les forces en présence ainsi que leurs stratégies et objectifs à court et moyen termes.
Seul contre tous
Si l’on considère les deux forces officiellement en présence, la situation a cela de particulier qu’aucune ne peut officiellement se permettre de perdre. D’un côté, nous avons le « mouvement social » dont on pense régulièrement qu’il a disparu mais qui revient toujours faute de mieux. Les plus optimistes voient en lui le prélude nécessaire à la construction d’un rapport de force qui peut mener jusqu’au soulèvement voire à la révolution. Les plus pessimistes considèrent au contraire qu’il est a priori compromis, que la canalisation et la ritualisation du mécontentement populaire participe de la bonne gestion de l’ordre des choses et donc de son maintien, de son renforcement.
Quoi qu’il en soit, sur le papier, ce « mouvement social » a tout pour gagner : les syndicats sont unis, les manifestations font nombre, l’opinion publique lui est largement favorable, et si le gouvernement est démocratiquement élu, il est massivement minoritaire. Les astres sont donc alignés, les feux sont au vert, dans des conditions aussi objectivement favorables, si le « mouvement social » perd, cela signifie qu’il ne pourra plus jamais imaginer ou prétendre gagner quoi que soit.
En face, il y a Emmanuel Macron, son gouvernement et quelques fanatiques qui croient en lui. Eux se savent minoritaires mais c’est de là qu’ils puisent leur force, Macron n’est pas un président qui s’est fait élire pour être aimé ou même apprécié, il incarne le terminus de la politique, son adhésion pure et parfaite à l’économie, à l’efficacité, à la performance. Il ne voit pas le peuple, la vie, les gens, seulement des atomes dont il faut extraire de la valeur. Macron est une sorte de droïde méchant qui veut le bien de ses gouvernés envers et contre eux. Son idée de la politique, c’est un tableau Excel : tant que les calculs sont bons et le résultat positif, il continuera d’avancer au pas de charge. A contrario, il sait que s’il hésite, tremble ou se dédit, il ne pourra plus prétendre gouverner quoi que ce soit ou qui que ce soit.
Un face à face n’est cependant pas une symétrie. Ce qui menace le « mouvement social » c’est la fatigue et la résignation. La seule chose qui pourrait faire renoncer le président c’est le risque tangible et proche d’un soulèvement. Ce que nous constatons depuis le 49.3 du jeudi 16 Mars, c’est que la donne est en train de changer. Toute négociation avec le pouvoir étant devenue caduque, le « mouvement social » est en train de se déborder et de se dépasser. Ses contours deviennent pré-insurrectionnels.
Reste une troisième force, officieuse, celle de l’inertie : celles et ceux qui pour l’instant refusent de rejoindre la bataille par inadvertance, flemme ou crainte. Présentement, elle joue pour le gouvernement mais plus la situation devra instable, plus elle devra prendre parti, pour le mouvement ou pour le pouvoir. Le tour de force des Gilets Jaunes fut de sortir la frustration et l’insatisfaction de derrière les écrans.
« La meilleure retraite, c’est l’attaque »
Mais que se cache-t-il réellement derrière cet affrontement et sa mise en scène ? Qu’est-ce qui serre les cœurs, donne du courage ou de la rage ? Ce qui se joue, c’est très certainement le rejet du travail. Évidemment, personne n’ose le formuler ainsi car dès qu’on parle de travail, un vieux piège se referme sur nous. Son mécanisme est pourtant rudimentaire et bien connu, derrière le concept même de travail, « on » a volontairement confondu deux réalités bien distinctes. D’un côté le travail comme participation singulière à la vie collective, à sa richesse et à sa créativité. De l’autre, le travail comme forme particulière de l’effort individuel dans l’organisation capitaliste de la vie, c’est-à-dire le travail comme peine et comme exploitation. Si l’on s’aventure à critiquer le travail, voire à souhaiter son abolition, ce sera le plus souvent compris comme un caprice petit-bourgeois ou un nihilisme de punk à chien. Si on veut manger du pain, il faut bien des boulangers, si l’on veut des boulangers il faut des boulangeries, si l’on veut des boulangeries il faut bien des maçons et pour la pâte qu’on met dans le four, il faut des paysans qui sèment, récoltent, etc. Personne évidemment, n’est en mesure de contester pareille évidence. Le problème, notre problème, c’est que si nous rejetons à ce point le travail, si nous sommes des millions dans la rue à battre le pavé pour qu’on ne nous inflige pas deux années supplémentaires, ce n’est pas parce qu’on est feignant ou qu’on rêve de s’inscrire dans un club de Bridge mais parce que la forme qu’a pris l’effort commun et collectif dans cette société est invivable, humiliant, souvent dénué de sens et mutilant. Si on y réfléchit bien, on ne s’est jamais battu pour la retraite, toujours contre le travail.
Reconnaître collectivement et massivement que nous vivons pour la grande majorité le travail comme une peine, voilà une réalité que le pouvoir ne peut pas laisser s’installer : en prendre acte impliquerait de bazarder tout l’édifice social sans lequel il n’est plus rien. Si notre condition commune est de n’avoir aucun pouvoir sur notre vie et de le savoir, paradoxalement, tout redevient possible. Notons que les révolutions n’ont pas nécessairement besoin de grandes théories et d’analyses complexes, il suffit parfois même d’une minuscule revendication que l’on tient jusqu’au bout. Il suffirait par exemple de refuser d’être humilié : par une cadence, par un salaire, par un manager ou une tâche. Il suffirait d’un mouvement collectif qui suspende l’angoisse de l’emploi du temps, de la to-do-list, de l’agenda. Il suffirait de revendiquer la dignité la plus minimale pour soi, les siens et les autres et c’est tout le système qui s’effondrerait. Le capitalisme n’a jamais été autre chose que l’organisation objective et économique de l’humiliation et de la peine.
Critique de la violence
Cela posé, il faut bien reconnaître que dans l’immédiat l’organisation sociale que nous contestons ne tient pas seulement par le chantage à la survie qu’elle fait peser sur chacun. Il y a aussi et notablement, la police et sa violence. On ne reviendra pas ici sur le rôle social de la police et les raisons qui l’amènent à être aussi détestable, cela a déjà été parfaitement synthétisé dans ce texte : Pourquoi tous les flics sont des batards. Ce qui nous semble urgent, c’est de penser stratégiquement cette violence, ce qu’elle réprime et étouffe par la terreur et l’intimidation.
Ces derniers jours, il y a eu des chercheurs et des commentateurs pour dénoncer le manque de professionnalisme des policiers, leurs excès, leur arbitraire et parfois même leur violence. Même sur BFMTV on s’est étonné que sur les 292 interpellés du jeudi 15 place de la Concorde, 283 soient sortis de garde à vue sans poursuite et les 9 restants en écopant d’un simple rappel à la loi. Le problème de ce genre d’indignation, c’est qu’en voyant un dysfonctionnement du dispositif elles s’empêchent de voir ce qui ne peut qu’être une stratégie à l’oeuvre. Si des centaines de BRAV-M sillonnent à toute blinde les rues de Paris pour poursuivre et tabasser les regroupements de contestataires, si dès vendredi un arrêté préfectoral interdisait tout rassemblement dans une superficie d’environ un quart de la capitale, c’est parce que MM Macron, Darmanin et Nunez se sont accordés sur la méthode : vider les rues, choquer les corps, terrifier les cœurs... en attendant que ça passe.
Répétons-le, on ne gagne jamais « militairement » contre la police. C’est un obstacle qu’il s’agit de tenir en respect, d’esquiver, d’épuiser, de désorganiser ou de démoraliser. Destituer la police, ce n’est pas espérer naïvement qu’un jour elle baisse les armes et rejoigne le mouvement mais au contraire s’assurer que chacune de ses tentatives de restaurer l’ordre par la violence produise davantage de désordre. Rappelons que le premier samedi des Gilets Jaunes sur les Champs Elysées, la foule qui se sentait particulièrement légitime chantait « la police avec nous ». Quelques charges et gaz lacrymogènes plus tard, la plus belle avenue du monde se transformait en champs de bataille.
Tirer les leçons de la répression
Cela dit, nos capacités de décisions stratégiques pour la rue sont très limitées. Nous ne disposons d’aucun état major, seulement de notre bon sens, de notre nombre et d’une certaine disposition à l’improvisation. Dans la configuration actuelle des hostilités nous pouvons néanmoins tirer quelques leçons de ces dernières semaines :
— La gestion policière des manifestations, c’est-à-dire leur maintien dans les limites de l’inoffensif, se partage entre les responsables syndicaux et les forces de police. Une manifestation qui se passe comme prévu est une victoire pour le gouvernement. Une manifestation qui déborde propage l’inquiétude au sommet du pouvoir, démoralise la police et nous rapproche d’une réduction du temps de travail. Une foule qui n’accepte plus le parcours encadré par la police, endommage les symboles de l’économie et exprime sa colère dans la joie, est un débordement, donc une menace.
— Pour le moment et à l’exception du 7 mars, toutes les manifestations de masse ont été contenues par le dispositif policier. Les cortèges syndicaux restaient parfaitement ordonnés et les manifestants les plus déterminés se retrouvaient systématiquement isolés et sauvagement réprimés. Dans certaines circonstances, un peu d’audace libère les énergies nécessaires au débordement du dispositif, dans d’autres, cela peut autoriser la police à refermer violemment toute possibilité. Il arrive qu’en voulant casser une vitrine, on se casse d’abord le nez sur le rebord du dispositif.
— De par leur rapidité de déplacement et d’intervention et du fait de leur extrême brutalité, les BRAV-M sont l’obstacle le plus redoutable. La confiance qu’ils ont acquise ces dernières années et plus particulièrement ces dernières semaines doit impérativement être sapée. Si l’on ne peut évacuer la possibilité que des petits groupes leur dament occasionnellement le pion et réduisent leur audace, l’option la plus efficace serait que la foule pacifique des syndiqués et manifestants ne tolère plus leur présence, s’interpose les mains en l’air à chacune de leurs percées, les invective et les repousse. Si leur apparition dans les manifestations provoque davantage de désordre qu’elle ne rétablit l’ordre, M. Nunez sera contraint de les exiler sur l’Ile de la Cité, de les cloitrer dans leur garage de la rue Chanoinesse.
— Jeudi 15 mars, à la suite de l’annonce du 49.3, une manifestation syndicale déclarée et des appels plus éparpillés se sont rejoints de l’autre côté du pont de la Concorde en face de l’Assemblée Nationale. L’objectif premier du dispositif policier étant de protéger la représentation nationale, la foule a été repoussée vers le sud. A la faveur de cette manœuvre, les manifestants se sont retrouvés propulsés et propagés dans les rues touristiques de l’hyper centre. Les amas d’ordures laissés par la grève des éboueurs se sont alors spontanément transformés en brasiers ralentissant et empêchant les interventions policières. Spontanément, dans de nombreuses villes du pays, les poubelles en feu sont devenues la signature du mouvement.
— Vendredi 16 mars, un nouvel appel à se rendre sur la place de la Concorde s’est avéré contenu. Si les manifestants étaient courageux et déterminés, ils se sont retrouvés pris dans une nasse et un étau, incapables de recouvrir la moindre mobilité. La préfecture n’a pas reproduit la même erreur que la veille. Samedi, un troisième appel à se rendre sur cette même place a convaincu les pouvoirs publics d’interdire tout rassemblement dans une zone allant des Champs Élysées au Louvre, des Grands Boulevards à la rue de Sèvres soit environ un quart de Paris. Des milliers de policiers stationnés dans la zone ont pu empêcher tout début de rassemblement en harcelant les passants. De l’autre côté de la ville, un rassemblement place d’Italie a pris de vitesse le déploiement policier en s’élançant en manifestation sauvage dans la direction inverse. Des groupes mobiles ont pu pendant plusieurs heures durant bloquer les rues, enflammer les poubelles et échapper temporairement à la BRAV-M.
— Le B.a.-ba de la stratégie c’est que les tactiques ne doivent pas s’opposer mais composer. La préfecture de Paris a déjà présenté sa narration de bataille : les manifestations de masse responsables mais inoffensives d’un côté, les émeutes nocturnes menées par les franges radicales et illégitimes de l’autre. Qui était dans la rue cette dernière semaine sait à quel point cette caricature est un mensonge et combien il est important qu’elle le reste. Car c’est leur ultime arme : diviser la révolte entre bons et méchants, responsables et incontrôlables. La solidarité est leur pire cauchemar. Si le mouvement gagne en intensité, les cortèges syndicaux finiront par être attaqués et donc par se défendre. Les blocages surprises de périphériques par des groupes de la CGT montrent par ailleurs qu’une partie de la base est déjà résolue à déborder les rituels. Lorsque la police est intervenue à Fos-sur-Mer lundi afin de faire appliquer les réquisitions du préfet, les ouvriers syndiqués sont allés à l’affrontement. Plus les actions se multiplieront, plus l’étreinte de la police se desserrera. Gérald Darmanin évoque plus de 1200 manifestations sauvages ces derniers jours.
« Le pouvoir est logistique, bloquons tout »
Par-delà sa propre violence, l’efficacité de la police réside aussi dans son pouvoir de diversion. En déterminant le lieu, les modalités et la temporalité de la confrontation, elle pompe l’énergie du mouvement. Si nous parions sur le désordre et la menace qu’il fait peser sur le pouvoir pour que M. Macron renonce à étendre la durée du travail, le blocage est crucial et vital. En effet, plus personne n’attendra indéfiniment la grève générale d’une classe ouvrière et d’un monde du travail émiettés par 30 années de néo-libéralisme, le geste politique le plus évident, spontané et efficace est désormais le blocage des flux économiques, l’interruption de l’écoulement normal des marchandises et des humains. Ce qui s’organise à Rennes depuis deux semaines peut servir d’exemple. Plutôt que de poser la confrontation avec la police comme objectif premier, les Rennais se sont dotés d’assemblées semi-publiques dans lesquelles se concoctent des actions de blocage. Ce lundi à l’aube, un appel « villes mortes » a vu des centaines de personnes réparties sur plusieurs points de la ville venir bloquer les grands axes et la rocade rennaise. Deux semaines plus tôt, 300 personnes incendiaient des poubelles en pleine nuit pour bloquer la rue de Lorient jusqu’au petit matin. L’enjeu n’est jamais de se confronter à la police mais de la prendre de cours, de devenir furtifs. Même du point de vue de ceux qui ne jurent que par le nombre et attendent toujours la grève générale, cette démultiplication des points de blocage et de désordre s’impose comme une évidence. Si depuis le déclenchement du 49.3 jeudi dernier, il n’y avait eu que l’appel à manifester le jeudi suivant, tout le monde se serait résolu à un baroud d’honneur et à la défaite. Les blocages et la bordelisation diffuse donnent le courage, la confiance et l’élan pour se projeter par-delà les échéances déterminées derrière les portes de l’intersyndicale.
Occuper pour se rencontrer et s’organiser
L’effondrement de la politique classique, de ses partis et de ses désillusions a ouvert un boulevard à des expériences autonomes novatrices. Le mouvement contre la loi travail, Nuit Debout, les Gilets Jaunes, les Soulèvements de la Terre et tant d’autres sont venus confirmer ces dernières années qu’il n’y avait non seulement plus rien à attendre de la représentation mais que plus personne n’en voulait.
Chacune de ces séquences mériterait une analyse poussée de ses forces comme de ses faiblesses mais nous nous en tiendrons ici à une évidence de base : destituer le pouvoir implique d’inventer de nouvelles formes et pour cela, dans l’atomisation de la métropole, il faut des lieux où se retrouver, penser et depuis lesquels se projeter. Pendant des décennies, l’occupation de bâtiments, de fac ou autres a fait partie des pratiques évidentes de tout mouvement. Un président d’Université qui acceptait l’intervention de la police sur son campus était immédiatement voué à la vindicte tant il allait de soi que la réappropriation collective et ouverte d’un espace était le revers minimal de la privatisation de tous les espaces et de la policiarisation de l’espace public.
Force est de constater qu’aujourd’hui, aucune occupation n’est tolérée. On peut, comme à Rennes, réquisitionner un cinéma abandonné pour le transformer en Maison du Peuple où se rencontrent syndicalistes, militants et habitants, la maire socialiste de la ville l’expulse sous 48H en envoyant des centaines de policiers. Quant aux universités, leurs autorités invoquent sans honte les risques de débordement et la possibilité du distanciel pour fermer administrativement ou envoyer là encore la police contre ses propres élèves. Ce que tout cela dit, c’est à quel point en face, on sait que des lieux où se retrouver et s’organiser sont précieux et permettent des montées en puissance. À Paris, une occupation de la Bourse du travail a été tentée après une assemblée endiablée et un banquet sauvage sous la verrière du mouvement ouvrier. Elle s’est pourtant étiolée dans la nuit, l’indécision et l’incompréhension syndicale et autonome. Il nous faut des lieux pour construire la complicité et la solidarité et il nous faut des complicité et des solidarités pour tenir des lieux. L’oeuf, la poule.
À Rennes, le mouvement a temporairement suspendu le problème, une fois évacuée, la Maison du Peuple s’est réunie en plein jour et a continué d’organiser les blocages autant que les rencontres. En attendant, on l’imagine, d’être suffisamment soudés et forts pour reprendre un lieu avec toit, eau courante et chauffage. À Paris, les limites de l’expérience de Nuit Debout semblent avoir condamné la possibilité de se réunir en extérieur. La caricature qu’il en reste voudrait que les discussions en air libre ne produisent que des monologues sans queue ni tête. On se souvient pourtant de l’apéro chez Valls et de la possibilité, y compris depuis nos solitudes métropolitaines autocentrées, de prendre une décision au pied levé et de foncer à plusieurs milliers chez le Premier ministre. Que le gouvernement s’acharne à ce point à nous laisser sans points de repères et de retrouvailles, dit à quel point il est urgent de nous en doter.
Vers l’infini et l’au-delà
Nous l’avons dit, les contours du mouvement sont en train de devenir pré-insurrectionnels. Chaque jour, les blocages se multiplient et les actions s’intensifient. La journée de jeudi sera donc décisive. Du pur point de vue de la réforme, si les manifestations de jeudi débordent massivement, Macron sera acculé. Soit il prendra le risque d’un samedi noir partout dans le pays, c’est-à-dire la gilet-jaunisation qu’il craint par dessus tout, soit il reculera dès vendredi en invoquant le risque de débordements majeurs et incontrôlables.
Tout se joue donc maintenant, et au-delà. La gauche est en embuscade, prête à vendre un échappatoire électoral, une illusion référendaire, voire la construction de la 4e Internationale. Il s’agira en tous cas pour elle d’invoquer la patience et le retour à la normale. Pour que le mouvement perdure et esquive la récupération autant que la répression, il lui faudra se confronter au plus vite à la question centrale de tout soulèvement : comment déployer les moyens de son auto-organisation ? Certains se demandent déjà comment vivre le communisme et répandre l’anarchie.