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« En temps de crise l’extrême droite a pour stratégie de tenter des rapprochements avec l’autre bord de l’échiquier politique. Nous en appelons donc à la vigilance, afin qu’aucune passerelle ne soit établie entre nos mouvements et des courants antisémites, racistes, antiféministes, nationalistes, conspirationnistes, etc., etc., et les personnes qui pourraient être complaisantes à leur égard. » [1]
C’est par ces mots qu’il y a dix ans les animateurs des éditions L’Échappée - Cédric Biagini, Guillaume Carnino et Patrick Marcolini - répondaient aux critiques qui leur avaient été faites quant à la présence d’un proche d’Alain Soral, Charles Robin, parmi les auteur·ices de leur recueil intitulé Radicalité, 20 penseurs vraiment critiques. Cet ‘appel à la vigilance’ sonnait alors comme une résolution sérieuse, et ferme.
De 2008 à 2013, le groupe anti-industriel Pièces et Main d’Oeuvre (PMO) a dirigé au sein des éditions L’Échappée la collection Négatif. Ce groupe, qui s’était fait connaître pour son opposition aux nanotechnologies, va, autour des années 2013-2014, intensifier ses prises de positions ouvertement antiféministes et transphobes. Celles-ci seront suivies de déclarations islamophobes et de collaborations régulières avec des publications proches de l’extrême-droite telles RageMag, Le Comptoir, ou Limite.
Le développement violemment antiféministe et raciste de PMO, qui dès 2004 attaquait le « popullulationnisme » des « techno-lesbiennes » [2], devint emblématique des glissements réactionnaires potentiels du courant anti-industriel, qui trouvent un terrain propice dans ses tendances à l’essentialisation positive de la « Nature » et sa négation de la pluralité des rapports de domination au profit d’une seule critique, celle du « techno-totalitarisme » des « technocrates » qui menacerait une humanité indifférenciée.
Il aurait été concevable que le courant anti-industriel (qui a émergé au cours des années 1980 avec la revue post-situationniste l’Encyclopédie des Nuisances devenue ensuite maison d’édition), dont de nombreu·ses membres se revendiquent de l’anarchisme, se distingue de ces offensives réactionnaires en leur sein et en produise une critique émancipatrice. Ni l’un ni l’autre n’est arrivé.
PMO a continué à évoluer sans encombre au sein du mouvement anti-industriel [3]. Et PMO a essaimé. Des initiatives sont nées, se revendiquant de leur héritage réactionnaire, comme le podcast Floraisons, ainsi que les Éditions Libre et la branche française de Deep Green Resistance (DGR), toutes deux co-fondées par Nicolas Casaux et Kevin Haddock, qui revendiquent une transphobie assumée.
Paul Cudenec, un « anarchiste » transphobe, antisémite et antiféministe
En novembre 2022 est sorti le deuxième numéro de Brasero, la revue des éditions L’Échappée coordonnée par Cédric Biagini et Patrick Marcolini. Au sommaire de la revue, où l’on retrouve des habitué·es de la maison tel·les qu’Anne Steiner et François Jarrige, un article intitulé « Pour la loi de la nature » est signé par un personnage peu connu des lecteur·ices français·es : Paul Cudenec.
Paul Cudenec est présenté par les éditeurs comme un « journaliste, essayiste et romancier anglais, installé depuis 2013 dans les Cévennes, auteur d’une dizaine de livres, [et participant] aux sites Winter Oak et Organics Radicals. »
Paul Cudenec est en effet un essayiste connu en Angleterre pour ses prises de position anarchistes et spiritualistes proches du primitivisme. Winter Oak et Organic Radicals ressemblent quant à eux plus à des blogs personnels qu’à des projets collectifs, de même que Network23 et le Substack à son nom, tous republiant les mêmes articles.
Mais c’est peu dire sur Paul Cudenec que de s’arrêter à cela. Un rapide coup d’œil, à l’aide d’un moteur de recherche, à la production littéraire de ces dernières années de Cudenec interpelle par ses titres évocateurs : Le nouveau visage du Fascisme : Exposer le Great Reset (2021), Qui se cache derrière le gang vacciniste de la fausse-gauche ? (2021), Klaus Schwab et son Great Reset fasciste (2020) [4].
En quelques clics Paul Cudenec nous apprend donc que « Klaus Schwab est un enfant de l’Allemagne d’Adolf Hitler », que George Soros et l’« élite mondialiste » financent le « fascisme pro-technologie » et « vitaphobe » du « transgenrisme » et du « féminisme intersectionnel », tout en controlant Black Lives Matter et les antifascistes, et qu’« Israel est l’un des principaux défenseur du Great Reset ».
Un peu plus loin il dénonce « le totalitarisme du putsh Covid mondial », et les « soi-disant anarchistes » qui auraient soutenu « le confinement fasciste et le port du masque compulsif » qui nous « musèle » et « nous mène droit vers l’enfer transhumaniste » [5]. Cudenec publie également des articles très enthousiastes sur les Convois de la Liberté organisés par l’extrême droite canadienne et les manifestations antivax françaises de l’été 2021, dont des reportages photos [6] mettant à l’honneur des pancartes associant le pass à l’étoile jaune, ou promouvant les réseaux antisémites La Rose Blanche et Réinfocovid [7].
Dans la même veine, il a également publié un éloge du pamphlet de Julien Coupat [8] acclamé par les réseaux néonazis internationaux, le Manifeste conspirationniste (Seuil, 2022). En Allemagne, une version a été publiée en décembre 2022 par une maison d’édition d’extrême droite [9] qui nous informe sur leur site que la traduction « a été établie en étroite collaboration avec la maison d’édition parisienne et les auteurs, qui ont apporté un certain nombre de compléments à l’édition allemande ».
En juillet 2022 dans une interview publiée par le principal groupe anti-industriel italien Resistenze al Nanomondo, Paul Cudenec, entre deux attaques contre le « culte transgenre » et « l’arnaque intersectionnelle », et un appel à libérer « notre sens du sacré », nous raconte son parcours qui l’a conduit de l’anarcho-primitivisme jusqu’à son récent coup de cœur pour les anti-industriels français citant notamment Miguel Amoros et Renaud Garcia.
Se réclamant des penseurs traditionnalistes et fascisants René Guénon et Ernst Junger, Paul Cudenec invite les anarchistes à rejeter les « théories matérialistes » en retrouvant « la sacralité du vivant ». « Le but de la vrai spiritualité », nous dit-il, est « de prendre conscience de [notre] appartenance cosmique » et « de nous permettre de servir de véhicule à l’organisme universel dont nous ne sommes qu’une partie » [10].
En 2013, les éditeurs avait expliqué la présence d’un auteur néofasciste dans leur recueil en ces mots : « Cet auteur, Charles Robin, nous avait été recommandé par une personne de confiance […]. Notre erreur aura été de ne pas nous renseigner sur Charles Robin (nous ne l’avons même pas googlisé !) ».
Matthieu Amiech et les éditions La Lenteur
Si les éditions L’Échappée sont un bastion incontestable du mouvement anti-industriel, une autre maison d’édition en est l’héritière principale : les éditions La Lenteur fondées en 2006 par Nicolas Eyguesier et Matthieu Amiech [11], et diffusées, tout comme les Éditions Libre, par Hobo diffusion.
Matthieu Amiech, également membre du Groupe Marcuse et d’Écran Total (groupe contre la numérisation créé en 2013), y a récemment publié L’industrie du complotisme, un livre qui selon la recension enthousiaste de la librairie Quilombo accorde « autant de place à l’instrumentalisation étatique de l’anti-complotisme qu’à la montée du complotisme » [12].
En 2016 Matthieu Amiech avait brièvement pris la lumière médiatique en publiant dans Le Monde une tribune intitulée « Contre l’islamisme, ni “Causeur” ni “Crieur” », dans laquelle, se positionnant nettement du côté des « républicains fervents et martiaux » contre les « amis des musulmans », il reconnaissait aux premiers « un discours relativement lucide sur le péril islamiste, la volonté de sécession d’une fraction des musulmans et la nécessité d’un front le plus large possible pour faire barrage aux revendications identitaires risquant d’aboutir à la dislocation de la société. » [13]
En mars 2021, dans une interview pour Mediapart où il comparait la crise sanitaire à la victoire nazie en juin 1940, Matthieu Amiech faisait part de ses inquiétudes à propos de « la focalisation obsessionnelle sur une vaccination improvisée, biotechnologique et aux effets radicalement incertains » face à ce qu’il décrivait comme « un coronavirus de dangerosité modérée » [14].
En mars 2021 cela faisait plus de 5 mois que l’on comptait en moyenne 300 morts par jour du Covid-19 en France. Morts dont la proportion a toujours été beaucoup plus importante parmi les classes populaires et racisées [15]. Et dès 2020 un nombre considérable de personnes de tous âges rapportaient déjà des séquelles à long terme suite à une infection, même d’apparence « bénigne ».
La pandémie de Covid est devenue un sujet important du mouvement anti-industriel et notamment des éditions La Lenteur qui vont publier une série de mini-brochures dont Souriez, vous êtes soignés de Pierre Bourlier (12/2020), Où est passé la colère ? La politique prétendument sanitaire et ses conséquences de Écran Total (01/2021), et Ceci n’est pas une crise sanitaire de Matthieu Amiech lui-même (09/2021).
Dès le début de son texte Pierre Bourlier nous invite à « remettre en cause la gravité de l’épidémie ». Selon lui la pandémie de Covid-19 est « une peste imaginaire » qui sert une « offensive totalitaire ». Et « l’obligation du port du masque est le symbole de ce muselage ». Amiech quant à lui suit la même ligne tout en intensifiant le propos antivax, affirmant qu’ « il n’y a pas de rupture profonde dans l’état de santé de la population depuis mars 2020 à cause du Sars-Cov 2 » et que « les vaccins bio-technologiques achèvent de transformer notre monde en un vaste laboratoire hors-contrôle ». Cette « terreur » exercée à travers l’imposition de « vaccins génétiques » par l’« oligarchie mondiale » aurait pour but « l’informatisation "totale" du monde ».
Pas un mot ne sera consacré aux profondes inégalités d’accès nationales et internationales à un médicament préventif qui réduit drastiquement les formes graves de la maladie et diminue les risques de séquelles. La principale source « scientifique » mobilisée par ces textes est Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS devenu un fervent promoteur de Didier Raoult et de ses traitements dangereux, et qui en octobre 2020 a co-fondé le principal réseau de désinformation médicale français Réinfocovid. Lors de la parution du texte d’Amiech, en septembre 2021, l’implantation de Réinfocovid au sein de l’extrême-droite radicale et antisémite est amplement établie et documentée.
Enfin dans son texte Amiech qualifie les prises de position antifascistes comme celle de Sud Education de « sinistre » et d’« anti-populaire ». Le seul clivage politique qui importe est avec ou contre la « technocratie ». Ainsi, selon Amiech « le souci de défendre les plus fragiles face à l’épidémie dissimule mal [...] une approbation des transformations proposées par la technocratie, seringue et smartphone à la main. » Et tout comme dans son interview avec Mediapart, Matthieu Amiech y fait la promotion du groupe raciste, transphobe et antiféministe Pièces et Main d’Oeuvre.
Sans surprise Laurent Mucchielli, co-fondateur de Réinfocovid donc, fit une promotion enthousiaste sur les réseaux sociaux de l’ouvrage de Matthieu Amiech, L’industrie du complotisme.
Écran Total et la revue l’Inventaire
Le groupe Écran Total annonce la couleur dès la première page de sa brochure, se vantant de ne pas respecter collectivement les pratiques de réduction des risques. Plus loin iels déclarent : « Nous appelons donc à désobéir au protocole prétendument sanitaire ; ce que nous faisons chacun à notre manière dans notre groupe. Cela signifie prendre le risque de tomber malade nous-mêmes, et que d’autres tombent malades, y compris les plus fragiles. »
Mais les éditions La Lenteur ont également publié une autre brochure, que Matthieu Amiech présenta en octobre 2022 à la fête des Faucheurs Volontaires : Basculement de Paul Kingsnorth, dont le titre original est The Vaccine Moment. Kingsnorth y déploie sa version de ce qu’il nomme « l’apartheid vaccinal », affirmant que « tout le scénario de la pandémie a été répété dans un wargame moins d’un an avant que cela n’arrive » et que « la pandémie de covid s’est avérée être l’expérience contrôlée parfaite pour le déploiement de la prochaine étape de l’évolution de la Machine ».
Matthieu Amiech présente Paul Kingsnorth comme un « écologiste anglais » oubliant de dire que Kingsnorth est un chrétien orthodoxe prosélyte qui dès 2008 se définissait lui-même comme « nationaliste » [16], montrant ensuite un véritable enthousiasme pour le Brexit et la victoire de Donald Trump [17]. Il a depuis pris des positions ouvertement antiféministes et anti-trans, et collabore régulièrement avec des média d’extrême-droite.
Les brochures d’Écran Total ont bénéficié d’une diffusion par l’intermédiaire de la revue L’Inventaire. La revue L’Inventaire, éditée par La Lenteur, est la principale revue du mouvement anti-industriel. Créée en 2014 et comptant aujourd’hui 12 numéros. On peut lire dans ses éditoriaux que « l’islamisme est un problème majeur » (n5/2017), ou qu’« on ne peut qu’éprouver gratitude et respect pour la laborieuse accumulation d’éléments permettant de reconstituer notre arrière-monde » par Pièces et Main d’Oeuvre, mais aussi qu’« il est important de pouvoir souligner partout que la dénonciation du “complotisme” sert d’abord à décourager la réflexion et la recherche d’information » (n11/2021).
À l’automne 2022, L’Inventaire livre dans son n°12 plusieurs « Recensions autour du Covid ». Raphaël Deschamps, membre du comité de rédaction de la revue, commence en nous invitant à lire les essais pandémiques de Giorgio Agamben (qui après avoir dénoncé « l’invention d’une épidémie » a comparé les non-vacciné·es aux « juifs sous le fascisme »), celui du chroniqueur du FigaroVox Matthieu Slama, ou L’idolâtrie de la vie du fasciste Olivier Rey.
Puis il dédie sa recension à tresser les louanges d’Alexandra Laignel-Lavastine et de son essai Le Covid-19 et le Culte de la vie par-dessus tout. Raphaël Deschamps oublie lui aussi de situer le propos de Laignel-Lavastine, raciste militante qui depuis des années multiplie les tribunes dans Valeurs Actuelles et le FigaroVox contre le « fascisme islamique » et la « sphère islamo-gauchiste » [18]. Le magazine libertarien-conservateur Atlantico, a publié des extraits de ce pamphlet contre le « sanitairement correct », promouvant « un essai puissant sans masque ni œillères », quand le Figaro se contente du qualificatif « brillant » [19]. Deschamps termine son texte en nous invitant, avec Laignel-Lavastine, à retrouver « le souci de l’âme » que « le monde de la technique s’est employé à marginaliser ».
Ces recensions se concluent sur un éloge dithyrambique s’étalant sur 6 pages que Raphaël Deschamps consacre à La Doxa du Covid, le recueil de Laurent Mucchielli. Dans ce recueil en deux tomes, Mucchielli réunit tout ce que la France compte de fans de Didier Raoult et d’habitué·es du blog trumpiste FranceSoir, ainsi que des auteur·ices de la maison d’édition radicalement climatonégationniste et identitaire, L’Artilleur [20]. Raphaël Deschamps quant à lui loue le « courage » de « Mucchielli et ses comparses » qui, en « scientifiques », ont « esquissé les contours d’un rapport moins frelaté au réel et à la vérité ».
Le numéro 13, annoncé pour septembre 2023, comprendra une note de lecture du best-seller anti-trans Dommages irréversibles d’Abigail Shrier et une « clinique » du film Petite fille par la psychanalyste Bénédicte Vidaillet.
Ce numéro s’ouvrira avec un article sur l’« écofascisme », signé par Paul Kingsnorth.
Bertrand Louart et le site Sniadecki
Cet article de Paul Kingsnorth intitulé « La vérité sur l’écofascisme » [21] a déjà fait l’objet d’une publication en janvier 2023 sur le principal site internet du mouvement anti-industriel, le site Sniadecki édité par Bertrand Louart [22]. Bertrand Louart est auteur de deux ouvrages aux éditions La Lenteur, qui publient également sa revue Notes & Morceaux choisis, mais aussi contributeur de L’Inventaire et animateur de l’émission Racine de Moins Un sur Radio Zinzine, quand il n’est pas occupé à harceler des gens sur Twitter sous le pseudonyme verlanisé de ‘Tranbert Harlou’.
Dans ce texte sans aucune consistance intellectuelle, Kingsnorth fait un amalgame complet entre l’usage de la notion d’« écofascisme » promu par des éditorialistes comme celleux du Figaro et de Valeurs Actuelles pour disqualifier toute remise en cause du productivisme industriel, et la conceptualisation de l’écofascisme portée par une partie de la gauche révolutionnaire pour analyser l’appropriation de thématiques écologistes par l’extrême-droite et les glissements fascisants d’une partie du mouvement écologiste.
Pour Kingsnorth « il est difficile de trouver un seul éco-fasciste dans le monde réel ». D’ailleurs « fasciste » est seulement une « injure gratuite et passe-partout », et l’« écofascisme » n’est qu’un moyen de faire taire « la mauvaise catégorie de défenseurs de l’environnement, c’est-à-dire à ceux qui nous offrent une vision de l’humanité et de la nature qui implique les racines, les traditions, la taille réduite, la simplicité, et un retour à des modes de vie antérieurs ». Vision qu’il fait sienne sans réserve. Comme pour Amiech, toute position écologiste qui refuserait cette approche est réduite par Kingsnorth à une allégeance à la « technocratie » portée par des « Verts-Machine ».
Ce texte de Paul Kingsnorth a été traduit par Annie Gouilleux, traductrice de plusieurs ouvrages aux éditions La Lenteur et d’articles pour L’Inventaire. En note, Annie Gouilleux nous informe que le texte orignal de Kingsnorth a été publié sur le site anglais UnHerd qu’elle présente ainsi : « "Unherd" signifie "inédit" ou ce qu’on ne vous dit pas ailleurs ; quotidien sur Internet dans lequel Kingsnorth publie des "week-end essays" ».
La réalité est que UnHerd, où Kingsnorth est donc chroniqueur, a été fondé par Tim Montgomerie, un militant libertarien-conservateur influent, un temps conseiller de Boris Johnson, et supporter du dirigeant antisémite Viktor Orban [23]. Contrairement à ce que laisse entendre Kingsnorth les partisans du Brexit comme Montgomerie ne sont pas des partisans du « local » mais de la dérégulation économique, environnementale et sanitaire, ainsi que de politiques patriarcales et racistes.
UnHerd, qui selon une stratégie typique de l’extrême-droite cherche à recruter des voix perçues comme venant de la gauche, a développé une ligne nationaliste-libertarienne qui publie des textes favorables au masculiniste pro-viol Andrew Tate, des interviews de Robert Kennedy Jr pour qui le Covid a été « ethniquement ciblé » pour épargner les Juif·ves, ou des articles ayant pour titre Le grand mensonge du changement climatique ou Le changement climatique n’est pas une catastrophe. Les attaques contre les personnes trans et contre les politiques de santé publiques sont des piliers de UnHerd [24].
Bertrand Louart a publié un autre texte de Paul Kingsnorth, traduit lui aussi par Annie Gouilleux : « L’abolition de l’homme (et de la femme ) ». Ce texte violemment transphobe, que Louart a rangé dans la catégorie « Transgenrisme » de son site, affirme notamment que « le concept “d’enfants trans” » est « une stratégie visant à reprogrammer la société » promue par « les médias, les élites culturelles, et un tas d’ONG généreusement financées » ainsi que « nombres de milliardaires ». Pour soutenir son propos Kingsnorth s’appuie sur le théologien conservateur Carl Trueman et l’éditorialiste de UnHerd Marry Harrington, qui a représenté le magazine aux conférences National Conservatism qui réunissent les grandes figures du néofascisme international, de Peter Thiel à Giorgia Meloni.
La présence d’un pamphlet anti-trans sur le site de Bertrand Louart n’a rien de surprenant. Celui-ci a multiplié les collaboration avec les militants anti-trans de DGR/Éditions Libre et Floraisons qui soutiennent ouvertement Dora Moutot et Marguerite Stern. Moutot et Stern sont deux militantes anti-trans reçues chaleureusement à l’Assemblée par la macroniste Aurore Bergé, qui s’affichent avec des fascistes tel que Julien Rochedy ou sur la chaîne youtube de l’équipe de campagne d’Eric Zemmour, Livre Noir. Alors que leur antiféminisme et leur transphobie étaient de notoriété publique, Jacques Luzi, Matthieu Amiech et Aurélien Berlan n’ont pas hésité à donné plusieurs heures d’entretiens au podcast Floraisons. Bertrand Louart est lui visible dans des extraits d’un film « co-produit par Floraison et Le Partage ». Deux média que Louart invite régulièrement dans son émission sur Radio Zinzine. Le Partage est un site animé par Nicolas Casaux, co-fondateur de DGR France et des Éditions Libre, connu pour sa transphobie virulente. C’est ainsi que le texte transphobe de Paul Kingsnorth est directement suivi sur le site de Louart d’une traduction par Nicolas Casaux d’un pamphlet anti-trans de Jennifer Bilek, ancienne de Deep Green Resistance passée à l’extrême-droite, qui promeut les théories antisémites du militant néonazi Keith Woods sur de prétendus liens entre « Transhumanisme et Judaisme » [25].
Quelques mois auparavant, en octobre 2022, Bertrand Louart publiait une recension élogieuse du Manifeste Conspirationniste signée par Nicolas Bonanni [26]. Si le livre est bâti sur la thèse que le virus est avant tout une « fiction », ou qu’il est parsemé d’affirmations sur les vaccins « aux effets secondaires si prometteurs », ou sur les personnes atteintes de Covid Longs qui « en vertu de l’effet nocebo, sont littéralement malades de solidarité » et donc somatiseraient leur maladie, ou bien qu’il nie purement et simplement l’antisémitisme qui a prospéré au sein du mouvement antipass/antivax ; tout cela, pour Nicolas Bonanni, « n’enlève rien aux qualités d’analyse du texte ». Il se félicite même que Coupat se soit enfin approprié les thèses de Pièces et Main d’Oeuvre, et conclu en s’inquiétant des capacités du pouvoir à « conquérir nos âmes ».
Nicolas Bonanni, contributeur de la revue L’Inventaire, est un des animateurs des éditions Le Monde à l’Envers qui a co-édité, avec La Lenteur, un livre du groupe Écran Total, et a également édité plusieurs figures du mouvement anti-industriel présentes sur le site Sniadecki comme Matthieu Amiech, TomJo ou le Groupe Grothendieck.
Le Monde à l’Envers avait également publié, en 2014, La reproduction artificielle de l’humain d’Alexis Escudero, un ouvrage qui avait eu un grand succès dans les rangs de la Manif pour Tous.
Jacques Luzi et Resistenze al Nanomondo
« Nous avons pris l’initiative, en 2014, de publier en feuilleton La reproduction artificielle de l’humain, dont nous avons réuni la documentation ; formulé le titre ; mâché les idées et les raisonnements ; que nous avons corédigé ; diffusé par voie électronique – avant la parution en livre dont nous avons également imaginé la couverture à la Andy Warhol. La seule chose que nous n’ayons pas faite dans ce livre étant de le cosigner » nous informent PMO dans leur contribution au numéro de la revue Écologie et Politique sortie à l’automne 2022, et intitulé Les Enfants de la Machine.
Ce numéro, dédié à la gestation et aux techniques afférentes, revendique fièrement son inscription dans la ligne définie par PMO et Escudero. Il a été coordonné par Mathias Lefebvre et Jacques Luzi (contributeur de L’Inventaire et auteur chez La Lenteur), qui sont les premiers à avoir introduit en France, dans les pages d’Écologie et Politique, des écrits de Paul Kingsnorth. Pour réaliser ce dossier Luzi et Lefebvre ont réunit les contributions d’Aurélien Berlan, Bertrand Louart, Michela Di Carlo et PMO, mais aussi de Renaud Garcia, Mélanie Guyonvarch, Gaëtan Flocco, et Silvia Guerini.
Dans leur introduction Lefebvre et Luzi dressent le tableau : « les technologies de PMA doivent être resituées dans le cadre général des recherches biomédicales qui, de la FIV à l’utérus artificiel et au clonage, en passant par les manipulations génétiques, s’évertuent à étendre à la reproduction les principes usuels de la domination industrialiste ». Contre l’industrialisme et son « geste totalitaire » il faut viser « l’émancipation de l’ensemble du genre humain de la cage d’acier formée par les macrosystèmes technologiques aliénants et destructeurs, plutôt que l’égalité des identités (nationale ou genrée ou ethnique). »
Mais qui est à la manœuvre pour intensifier ce totalitarisme ? Qui en constitue l’avant-garde ? Tou·tes les contributeur·ices semblent s’accorder : ce ne sont plus seulement les « technolesbiennes » que PMO pointait en 2004, mais plus largement les mouvements féministes et LGBTQ+.
Selon Silvia Guerini, figure importante du groupe Resistenze al Nanomondo, « les intérêts et les revendications du mouvement LGBTQ+ et du transféminisme en matière de reproduction convergent avec ceux du système technoscientifique et transhumaniste qui veut franchir l’une des dernières étapes pour s’emparer du processus de naissance et parachever son contrôle sur le vivant ».
Silvia Guerini a récemment approfondi son enquête en se demandant « Qui finance le mouvement LGBTQ ? » dans un article éponyme [27]. La réponse vient dès la première ligne : « Le financement du mouvement transféministe LGBTQ provient de certaines fondations et organisations, comme l’Open Society Foundations de George Soros ». Mais ce n’est pas tout, elle nous informe également que la fédération américaine des Planning Familiaux, en plus de faire du « commerce de tissus et d’organes » [28], a « lancé une campagne visant à remodeler les récits culturels sur la sexualité et la santé reproductive sur la base de la reproduction artificielle de l’humain. »
Elle conclut : « Ce n’est pas un mouvement populaire, c’est un projet d’élite, beaucoup d’argent est investi dans la promotion d’une condition corporelle dissociative qui nous détache de notre corps sexuel. La cause LGBTQ+ figure désormais en bonne place dans l’agenda des puissants. »
Resistenze al Nanomondo (RaN), qui comme Cudenec conseille la lecture d’Ernst Junger, anime le lieu La Piralide de Bergame ainsi que le journal L’Urlo della Terra (auquel PMO contribuent régulièrement), et ses liens avec les milieux néofascistes ont déjà été soulignés [29]. En avril 2021 RaN publiait un communiqué de soutien intitulé « Quand un tas de fumier est positif » [30]. Ce texte venait appuyer une action menée deux jours plus tôt : un tas de fumier avait été déversé devant l’entrée du centre social autogéré Paci Paciana, de Bergame également, une pancarte « Complices de la dictature sanitaire » plantée dedans.
RaN dans son texte de soutien à cette action, nous en donne les raisons, nous apprenant qu’elle était une réaction au fait que « le centre social Paci Paciana a lancé une campagne pour réaliser des tests de dépistage Covid gratuits dans son propre espace ». Ce qui pour RaN est éminemment problématique car « le but de cet étrange test appelé écouvillon va certainement au-delà de la recherche de la présence du SARS-CoV-2. On a affaire à de vrais grattoirs qui peuvent attraper, quoi ? l’ADN pour entamer le suivi du programme lié à cette pseudo pandémie. Tous enregistrés avec leur propre identité numérique qui va de pair avec notre code génétique et qui aura besoin de la technologie 5G pour permettre sa lecture. » Et puisque « maintenant c’est nous qui sommes ces épis de maïs OGM, [...] il est important d’indiquer clairement qui est complice et soutient ce techno-monde cybernétique et transhumaniste et, de fait, soutient et promeut haut et fort cette dictature sanitaire, surtout lorsque ces complicités proviennent d’une cyborg-gauche progressiste libérale arc-en-ciel. »
Mélanie Guyonvarch et Gaëtan Flocco, qui ont aussi écrit un article pour le numéro Les Enfants de la Machine, publiaient avec d’autres, à l’été 2022, un hommage au mouvement antivax de l’été 2021 dans la revue en ligne Terrestres, revue qui publie régulièrement des plumes du mouvement anti-industriel (Matthieu Amiech, François Jarrige, Raphaël Deschamps, Aurélien Berlan, Écran Total...). Ce pamphlet antivax et antimasque qui s’intitulait « Retour sur le passe vaccinal et son monde » était illustré par Terrestres d’une photo de troupeau de moutons, et prenait pour référence Laurent Mucchielli, dont Mélanie Guyonvarch, Gaëtan Flocco et Fabrice Colomb sont de fervents soutiens [31] et signataires de plusieurs de ses tribunes, dont « Une nouvelle religion vaccinale est née en Occident » (2021). Deux mois plus tard Terrestres publiait son propre éloge du Manifeste Conspirationniste, sous la plume d’un certain Bernard Aspe, qui tout en renvoyant dos à dos déni de cette « maladie de gravité modéré » que serait le Covid et déni « des effets secondaires de la vaccination », reconnaissait un « mérite à l’extrême-droite » tout en mettant en garde contre « les mouvements féministes ou décoloniaux » et leur « piège identitaire ».
Le contenu de ce numéro d’Écologie et Politique est si brutalement sexiste, transphobe et réactionnaire que des membres du comité de rédaction de la revue Écologie et Politique ont jugé bon de s’en distinguer en en publiant une critique dans Terrestres [32].
Paul Cudenec, présent à l’évènement de lancement des Enfants de la Machine, s’est scandalisé de ces critiques adressées à ses camarades. Il a donc publié une réponse, sous le titre « La Voix du Système », dans un magazine où il tient une chronique : Truthtalk, un site qui diffuse régulièrement des vidéos de Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump et chef de file de l’internationale néofasciste [33].
Renaud Garcia et les éditions L’Échappée
Paul Cudenec n’est pas le seul à s’être élevé contre les critiques émises sur ce dossier d’Écologie et Politique. Jacques Luzi, coordinateur du dossier, a donné une interview à la revue Le Comptoir en réponse à la critique parue dans Terrestres. Dans cette interview, Jacques Luzi soutient notamment que « l’identité féminine se définit à partir de la capacité reproductive des femmes », mais aussi que « le Planning familial répand le lexique trans selon lequel le sexe est un “construit social” et “mâle/femelle”, “masculin/féminin”, sont des mots à bannir ». La critique émise par ses camarades du comité de rédaction est quant à elle qualifiée de procédé de « censure » typique de la « gauche industrialiste » et des « enragés transactivistes » [34].
Le mouvement anti-industriel a ses propres relais médiatiques. Le plus évident est le mensuel La Décroissance dirigé par le catholique Vincent Cheynet, et dont les positions profondément réactionnaires sont connues de longue date [35]. La Décroissance est très lié aux éditions L’Échappée : Cedric Biagini y est chroniqueur, de même que François Jarrige ; Patrick Marcolini et Guillaume Carnino y interviennent régulièrement, et Pierre Thiesset journaliste titulaire à La Décroissance est directeur de collection chez L’Échappée. La Décroissance donne donc régulièrement la parole au milieu anti-industriel, à PMO et aux auteur·ices de La Lenteur.
Mais si les protagonistes du mouvement anti-industriel sont également mis en avant dans Reporterre, ou des publications anarchistes plus confidentielles comme Réfraction ou À contretemps, c’est un autre hebdomadaire qui lui offre sa plus grande publicité hors des espaces militants. Il s’agit ici du magazine Marianne, dirigé par Natacha Polony, dont la ligne éditoriale polarisée par la dénonciation de « la tyrannie des minorités » a rendu son contenu indistinguable de celui de Valeur Actuelles [36]. Jacques Luzi, Matthieu Amiech, Aurélien Berlan, Bertrand Louart, mais aussi Cedric Biagini et Patrick Marcolini ont notamment eu les honneurs de ce magazine qui s’est fait le héraut de la lutte contre « les obsédés de la race, du sexe, du genre, de l’identité » et le porte-voix des campagnes anti-trans. Le Comptoir, qui est également un relai actif du mouvement anti-industriel, a d’ailleurs été fondé par Kevin Boucaud-Victoire - rédacteur en chef de la rubrique débats et idées de Marianne et ancien chroniqueur de la revue Limite - avec certains de ses camarades de Ragemag, webzine qui s’éteignit au bout de 2 ans « après avoir explosé toutes les limites de la décence, sexiste, raciste, islamophobe et antisémite » [37].
Renaud Garcia, contributeur actif de PMO et auteur phare des éditions L’Échappée (ainsi que membre d’Écran Total et auteur chez La Lenteur et L’Inventaire), semble être particulièrement apprécié par Le Comptoir et Marianne. Cela paraît logique tant à sa lecture on peine à trouver ce qui le distingue de la prose d’une Natacha Polony et de son combat contre les « nouveaux inquisiteurs » [38] que seraient les militant·es féministes, antiracistes et antifascistes.
En 2021 les éditions L’Échappée ont réédité Le désert de la critique de Renaud Garcia. Un livre initialement paru en 2015 où Garcia se livrait à un exercice de shadow-boxing assez gênant contre des figurines en papier mâché confectionnées à son usage : les « déconstructionnistes ». La nouvelle édition est agrémentée d’une préface inédite, et c’est tout le vocabulaire de Polony que l’on retrouve sous la plume de Garcia qui s’en prend lui aussi aux « nouveaux inquisiteurs » de « la nouvelle doxa de la lutte contre toutes les oppressions », comparant « les milices néoféministes actuelles » à la police politique stalinienne et les luttes antiracistes au totalitarisme orwellien de 1984. Partageant l’obsession de la directrice de Marianne pour les personnes trans, il assène que « l’accusation de transphobie est un cheval de Troie permettant à des hommes trans de prendre le contrôle de groupe de femmes », et se gausse du « souci de ne pas “mégenrer” les gens, autrement dit commettre une erreur d’identification en se fiant à l’évidence de sa perception. »
Dans Les Enfants de la Machine Renaud Garcia prolonge son propos dans un texte qu’il introduit ainsi : « Cet article développe une thèse avancée dans la préface à la réédition de mon livre Le désert de la critique, selon laquelle les militants [...] qui se rassemblent sous l’étiquette LGBTTQQIAAP, seraient les “agents d’acceptabilité sociale” du parti technologiste : les partisans d’un monde intégralement bureaucratisé, en accélération constante, dirigé par la caste de l’avoir, du pouvoir et du savoir ». Plus loin Garcia fait siennes les positions de Colette Chiland, psychiatre anti-trans qui en 2011 comparait le travail théorique de Judith Butler à l’idéologie nazi [39]. Enfin, se revendiquant d’un « matérialisme organique et vitaliste » il conclue lui aussi que « la technoscience » constitue « le front principal à dénoncer, par-delà la polarisation médiatique extrême droite réactionnaire vs gauche transgressive. »
Pour appuyer son propos Renaud Garcia évoque également un autre auteur important des éditions L’Échappée : Anselm Jappe. Ce chef de file de la ‘critique de la valeur’ a publié en avril 2021 un pamphlet contre la PMA intitulé « Le droit à l’oncle » [40]. Selon Jappe « la PMA, dans toutes ses variantes, depuis la “simple” insémination artificielle jusqu’à l’implantation d’un embryon génétiquement modifié dans un utérus “loué” (gestation pour autrui), la greffe d’utérus, et jusqu’à l’utérus artificiel encore en voie d’élaboration, appartient au même monde que les centrales nucléaires et les pesticides, le clonage des animaux et l’amiante, la dioxine dans les poulets et le plastique dans les océans ». Ce texte, dans lequel Jappe trace un trait d’union entre le transhumanisme et la PMA qu’il rebaptise « zoologie médicalement assistée », a été salué par PMO qui, le qualifiant de « fidèle résumé » de leur propres positions, lui ont fait l’honneur de le republier sur leur site.
Mais ce n’est pas le seul point commun qu’Anselm Jappe partage avec PMO. En 2022 Jappe a vu l’un de ses écrits réfusé par la principale revue allemande de la ‘critique de la valeur’. La revue Exit !, dont il était un contributeur régulier. Dans cet article intitulé « Vous avez dit "dictature sanitaire" ? » [41] l’auteur de L’Échappée se livre à une charge azimutée contre l’« hystérie vaccinale », nous prédisant que bientôt le rappel vaccinal « sera administré chaque semaine, ou bien nous serons directement reliés à une perfusion continue. Et tout cela dès l’âge de cinq ans ». Pour Jappe cette dictature sanitaire représente « la plus grave restriction des libertés depuis 1945 ». De façon plus étonnante, Anselm Jappe ne se contente pas d’affirmer que « l’utilisation fanatique de la vaccination [...] vise essentiellement à créer un climat de soumission », d’apporter son soutien à Didier Raoult, ou de nier ouvertement le fait que les populations africaines n’ont quasiment pas eu accès aux vaccins, mais va jusqu’à soutenir que « le virus se moque de toutes les mesures et même de l’absence de mesures ». Ce qui le conduit à rejoindre le choeur de ses camarades anti-industriels, relativisant l’implication structurelle de l’extrême-droite dans les mouvements anti-prévention et répétant lui aussi que « l’accusation de théorie du complot est devenue un élément central du discours officiel et vise à étouffer dans l’œuf toute discussion sur les vérités étatiques et médiatiques. » Comme dans son texte sur la PMA, les points de vues contraires à celui qu’il soutien sont affublés des habits du « stalinisme ».
Les deux auteurs de L’Échappée semblent pleinement d’accord sur ce point. Renaud Garcia affirmant à Boucaud-Victoire, sur Le Comptoir, que le « militantisme “woke” » est une « une résurgence totalitaire, dans le style des organisations de jeunesse staliniennes » [42]. Un point de vue partagé par les édition L’Échappée qui, pour présenter l’ouvrage de Garcia en quatrième de couverture, usent de mots qui rappellent étrangement les éléments de langage des chroniqueurs de CNews : « Les théories de la déconstruction, aujourd’hui portées par la culture “woke”, créent un climat de suspicion et d’intimidation inédit. Elles prospèrent sur le désert humain de la tyrannie des identités. »
Paul Cudenec est encore plus direct, intitulant un de ses récents articles :
« Woke is fascism »
Histoire de dix ans
Il y a dix ans la publication par les éditions L’Échappée du fasciste Charles Robin parmi les auteurs de Radicalité, 20 penseurs vraiment critiques avait suscité un large mouvement de réprobation au sein des espaces de luttes. Mais bien que la réponse de la maison d’édition – intitulée « Les Éditions de L’Échappée appellent à la vigilance » [43] - se soit concentrée uniquement sur la présence de cet individu, les critiques émises à la sortie de cette publication pointaient des problèmes bien plus larges, comme la ligne générale de l’ouvrage et le pedigree des auteurs sélectionnés pour ce petit panthéon « radical », ainsi que celui de certains contributeurs.
De nombreuses personnes s’étaient étonnées que cette sélection de « penseurs radicaux vraiment critiques » par une maison d’édition se revendiquant du mouvement libertaire comporte un certain nombre d’auteurs très difficilement situables dans le camp révolutionnaires. Le profil de certains d’entre-eux retenait particulièrement l’attention, et il peut-être intéressant de voir ce qu’ils sont devenu depuis cette année 2013.
Guillaume Carnino, co-fondateur de L’Échappée, livrait un papier sur Dany-Robert Dufour. En 2013, Dufour est un ancien directeur de programme au Collège international de philosophie qui s’est spécialisé, comme une bonne part des ‘radicaux’ sélectionnés par L’Échappée, dans la critique du « libéralisme culturel », présenté par lui comme un « totalitarisme antiautoritaire » imposant la « désymbolisation » de la « religion du Marché », qui mène notamment au « transexualisme ». Son livre L’individu qui vient, paru en 2011, contient des pages d’une rare violence mysogine, homophobe et transphobe. Cette « critique du libéralisme culturelle » lui a valut des hommages appuyés de la part du néofasciste Alain de Benoist dès 2006 [44]. Dans les années 2010 Dufour a endossé le costume de l’intellectuel qui ne-peut-plus-rien-dire alors que ses ouvrages étaient réédités en poche chez Gallimard, se plaignant en 2017 auprès de Boucaud-Victoire d’être « classé parmi les néoréactionnaires » [45].
Plus récemment, en 2020 et 2021, Dufour a donné des conférences au Cercle Aristote, un thinktank « souverainiste » mené par Pierre-Yves Rougeyron, animateur à la webtv fasciste TVLiberté et président de l’association "Les Amis d’Eric Zemmour". En 2021 il a également publié Fils d’anar et philosophe chez la maison d’édition néofasciste R&N, un livre biographique basé sur des entretiens menés par Thibault Isabel, ancien rédacteur en chef de Krisis et ancien collaborateur d’Éléments, deux revues néofascistes fondées par Alain de Benoist. C’est d’ailleurs dans les colonnes d’Éléments que Dufour a donné une interview pour promouvoir son récent pamphlet anti-trans Le phénomène trans. En 2013, dans les notices biographiques de Radicalité on pouvait également prendre connaissance du fait que Dany-Robert Dufour était alors le directeur de thèse de Charles Robin.
Le texte sur Pier Paolo Pasolini avait quant à lui été confié à Olivier Rey, philosophe et mathématicien. Olivier Rey était en 2013 déjà connu pour son implantation dans les milieux catholiques conservateurs et traditionalistes. Il avait publié dans la revue catholique Étvdes, fondée par la Compagnie de Jésus, des articles au titres évocateurs comme « L’homme originaire ne descend pas du singe », il avait également donné un prêche anti-trans lors de la Conférence de Carême à Notre-Dame de Paris en mars 2011, et il était membre d’honneur de l’association Cosette et Gavroche créée en octobre 2012. « Dès le début d’octobre 2012, l’association Cosette et Gavroche a lancé une grande manifestation à Lyon le 17 novembre qui a été le point de départ du mouvement français La Manif Pour Tous », peut-on lire sur le site de l’association.
Mais c’est peut-être la lecture d’ Une folle solitude, Le fantasme de l’homme auto-construit, publié en 2006 par Olivier Rey, qui avait décidé cette maison d’édition anarchiste a inviter cet auteur. Dans ce vibrant plaidoyer en faveur de l’autorité et de la tradition on peut en effet lire que « dans un cosmos hiérarchiquement ordonné, prendre place dans une hiérarchie, fût-ce au plus bas degré, n’était pas uniquement servir : c’était également s’inscrire dans le monde, participer à son ordre, ainsi “il faut de tout pour faire un monde” : des puissants et des humbles, jouant chacun leur partition, participant à la plénitude ordonnée du cosmos social ». En septembre 2013, deux mois avant la parution de Radicalité, Olivier Rey publiait lui aussi dans la revue Krisis d’Alain de Benoist [46].
Conférences pour le Cercle Aristote ou pour le lobby anti-IVG Alliance Vita, apparitions sur TV Liberté, contributions aux magazines Éléments et Krisis, préfaces pour les éditions R&N… Il serait impossible de recenser toutes les collaborations d’Olivier Rey avec des organes néofascistes depuis 2013 tant elles sont nombreuses. Relevons-en simplement quatre : en 2017 Olivier Rey fera partie du comité de rédaction de L’Incorrect, magazine dirigé par Jacques de Guillebon, co-fondateur de Limite et proche de Marion Maréchal-Le Pen, et financé par le thinktank néofasciste L’Avant-Garde [47]. L’Incorrect, L’Avant Garde, Marion Maréchal et tous ceux qui constitueront la base de la campagne électorale d’Eric Zemmour organiseront en 2019 la « Convention de la droite » : Olivier Rey y donnera une conférence intitulée « Seuls les peuples enracinés résistent à l’effondrement ». En 2021 et 2023 Olivier Rey inteviendra au colloque annuel du thinktank néofasciste l’Institut Iliade. Enfin, en 2022, Oliver Rey participera à un débat organisé par la revue Éléments à propos du « Grand Remplacement », en tête à tête avec le principal promoteur de cette théorie, Renaud Camus.
Cette trajectoire politique marquée par la constance et dépourvue d’ambiguïté n’a en rien empêchée Bertrand Louart de publier plus d’une dizaine de textes d’Olivier Rey sur son site entre 2014 et 2019, ni le collectif Technologos, proche du mouvement anti-industriel, d’inviter Olivier Rey a donné une conférence intitulée « La décivilisation numérique » lors de leurs assises annuelles de 2017. Cette journée d’assises était introduite par François Jarrige et les vigilants éditeurs de L’Échappée, Guillaume Carnino et Cédric Biagini.
Beaucoup à la sortie de Radicalité se sont étonné·es du fait que les éditeurs ne semblaient pas se poser une seconde la question de ce qui avait permis à un texte rédigé par un fasciste d’être validé par leur soin, ni sur le ‘penseur’ à qui ce texte était consacré - Jean-Claude Michéa - qui était loin d’avoir une place marginale dans le livre, en en constituant au moins une boussole [48]. Et c’est la présence de Michéa lui-même qui ne laissait pas d’interroger, indépendamment du fait que sa présentation ait été faite par un fasciste. Cette incompréhension était-elle simplement dû au fait que des personnages comme Marine Le Pen ou Eric Zemmour présentait déjà à l’époque Jean-Claude Michéa comme leur auteur de chevet ? Ou bien à celui que Michéa avait dès 2001 co-signé un livre - Les Valeurs de l’homme contemporain - avec Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner, et, à la manière de Renaud Garcia, se saisissait de la moindre occasion pour couvrir de mépris la « lutte contre toutes les discriminations » ?
Peut-être les éditeurs de L’Échappée n’avaient-ils pas eu le temps de lire le dernier ouvrage de Michéa paru en mars 2013 – Les Mystères de la gauche - dans lequel il faisait dépendre « toute culture authentique » des « frontières géographiques », et le « véritable internationalisme prolétarien » de « ses fondements patriotiques et communautaires ». Peut-être la lecture de L’Empire du moindre mal paru en 2007, où Michéa faisait de l’« extrême gauche » et du Réseaux Éducation Sans Frontière l’avant-garde du Capital et de ce qu’il appelle son « sans-frontiérisme », était quant à elle trop lointaine [49].
Prenons-donc un ouvrage ni trop proche ni trop loin de 2013 dans la littérature éminemment rébarbative de Jean-Claude Michéa : Le Complexe d’Orphée, paru en 2011. Dans ce livre, qui a pour base sa thèse répétée ad nauseam que le Capital serait bâtit sur la symbiose du libéralisme économique de la droite et du libéralisme culturelle de la gauche (bref de la droite du travail et de la gauche des valeurs), Michéa consacre l’ensemble de l’ouvrage à attaquer l’« illimitation » et le « refus du passé », proprement « libéraux », de « la gauche et de l’extrême-gauche » [50].
C’est ainsi qu’il attaque une gauche coupable selon lui de combattre « tous les signes d’une vie collective enracinée dans une culture particulière » et de « célébrer à l’infini la transgression de toutes les limites morales et culturelles léguées par les générations antérieures ». « L’univers liquide dont rêvent Badiou, le Medef et les “sans-frontiéristes” » conduirait, toujours selon Michéa, au « déracinement généralisé » et à une « conception désincarnée (ou transgenre) de l’universel ». Il défend donc la vision d’« une société socialiste décente » qui devra « maintenir un secteur privé et, par conséquent, un nombre, probablement important, d’entreprises privées », pour lutter contre « le capitalisme sans frontières – machine dont les élites déracinées, incultes et perpétuellement mobiles s’emploient, depuis maintenant des décennies, à dissoudre la prodigieuse diversité des civilisations existantes ». Cela l’amène à consacrer plusieurs pages à la défense d’Eric Zemmour face à ce qu’il nomme « la police de la pensée ».
Sa thèse majeure, celle d’une gauche congénitalement « libérale », repose sur une source principale, citée dès la première page de l’ouvrage : une « étude magistrale », d’un certain Marc Crapez, paru en 2009, dans la revue Krisis. Celle d’Alain de Benoist.
Comment un Charles Robin ne serait-il pas à son aise dans une pensée aussi furieusement nationaliste et saturée de schèmes antisémites ? Mais surtout, comment cette pensée raciste et patriarcale a pu se diffuser autant et devenir matricielle au cours des années 2000 dans certains milieux anarchistes, alors que la seule chose que Michéa ait en commun avec l’anarchisme est l’usage du mot dans le titre d’un de ses livres ?
Dans les années qui suivirent, Kevin Boucaud-Victoire déclarera dans les colonnes de Limite que « Le livre Radicalité : 20 penseurs vraiment critiques publié par L’Échappée en 2013 est presque une Bible pour nous ».
Alain de Benoist confiera que « dans le paysage intellectuel français, celui dont je me sens le plus proche, c’est quand même Jean-Claude Michéa ».
Et Charles Robin écrivit pour la revue Krisis un papier intitulé La sagesse anarchiste.
Faire face à nos responsabilités
Vous en conviendrez aisément, cette histoire n’a que trop duré. La tâche étant des plus pénibles, elle ne pouvait être réalisée à moitié. Concluons cette traversée d’un naufrage en compagnie de celui qui l’a inaugurée, le contributeur de la revue Brasero, Paul Cudenec, qui quelques semaines à peine après la sortie de la revue des éditions L’Échappée publiait un nouvel ouvrage intitulé Les Ennemis du Peuple : les Rothschilds et leur Empire Global corrompu [51].
En juillet 2023 PMO invitent leurs lecteur·ices à se rendre aux rencontres estivales annuelles de leurs ami·es de Resistenze al Nanomondo [52]. Du 27 au 29 juillet des conférences et animations sont programmées lors de ces « trois jours contre la techno-science ». Vincent Cheynet, Jacques Luzi et Paul Cudenec y sont programmés comme conférenciers. Le samedi 28 Jacques Luzi fait donc un exposé sur « Biotechnologie, PMA et eugénisme » tandis que Vincent Cheynet se demande s’il « existe une matrice du "phénomène trans", du transhumanisme, du transsexualisme ? » [53].
La veille ils ont pu assister à la projection d’Infertilité : un plan diabolique, un « documentaire » réalisé par la star historique des mouvements antivax Andrew Wakefield, et produit par Robert Kennedy Jr, figure importante du mouvement antisémite Qanon et candidat libertarien à la présidentielle américaine, ayant reçu le soutien public des milliardaires Jack Dorsey et Elon Musk. Ce « documentaire » diffusé par le lobby Children’s Health Defense, dirigé par Kennedy, affirme qu’après que l’OMS « sous le couvert d’un programme de vaccination contre le tétanos, a conduit à la stérilisation de millions de femmes en Afrique », désormais « les vaccins génétiques contre le Covid-19 sont susceptibles de provoquer la stérilité des femmes dans le monde entier. »
Paul Cudenec, quant à lui, donne une conférence intitulée « Faire la lumière sur le climat de manipulation ». Dans celle-ci il développe la thèse que, selon lui, « le fait que les mouvements pour la “justice climatique” et les “droits des trans” soient des faux drapeaux pour les intérêts financiers des entreprises n’est pas une coïncidence, mais fait partie d’un plan systématique et de grande envergure ». Il ouvre son propos en avançant qu’il est difficile de trancher entre la position d’une certaine Cory Morningstar « selon laquelle le changement climatique d’origine humaine est bien réel, mais qu’il a été systématiquement exploité à des fins nettement non écologistes par le capitalisme mondial », et celle de « l’affable scientifique anglais » Piers Corbyn qui « affirme qu’il n’y a pas de réchauffement climatique provoqué par l’homme » [54].
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Ces dix dernières années ont vu progresser de manière fulgurante l’extrême-droite internationale et les dynamiques réactionnaires et autoritaires, propulsées par les ravages de l’offensive capitaliste néolibérale. Tout en maquillant leur antisémitisme constitutif sous un anticapitalisme de pacotille et les artifices langagiers anciens de l’« élite mondialiste » ou de l’« oligarchie mondiale », les fractions d’extrême-droite de la bourgeoisie ont capitalisées pendant des années sur l’intensification de l’islamophobie extérieure et intérieure. Réussissant ainsi à capter une partie des angoisses d’une classe moyenne blanche en voie de paupérisation.
La pandémie de Covid-19 a été l’occasion d’élargir considérablement leur audience bien au-delà des sympathisants sensibles de prime abord aux discours racistes, tout en revitalisant un antisémitisme et un eugénisme décompléxé. À travers certains de leur représentants à la tête de puissances capitalistes mondiales comme Trump, Bolsonaro, Modi ou Johnson, mais aussi par la construction d’une miriade de mouvements fascisants comme Réinfocovid, iels se sont battu pour promouvoir l’infection de masse, pour l’abandon des personnes vulnérables, sureprésentées parmi les classes populaires et racisées, pour que prévale « la loi de la nature » et du profit, pour retrouver l’ancienne normalité. Appuyant ainsi le programme porté par le néolibéralisme de destruction continue des systèmes de solidarité et de toute forme d’autodéfense populaire.
Une fois les dommages de la pandémie invisibilisés et naturalisés par les néolibéraux grâce aux outils forgé par l’extrême-droite libertarienne, les fractions d’extrême-droite de la bourgeoisie, fortes d’arrivées nombreuses dans leurs rangs, ont relancé de nouvelles offensives. Certaines de ces offensives se sont concentrées d’abord sur les personnes trans, selon la stratégie typique de l’extrême-droite de s’en prendre d’abord aux personnes les plus fragilisées socialement. À travers les personnes trans c’est l’ensemble des minorités de genres et de sexualités, le mouvement féministes, et les droits reproductifs qui sont visés pour y opposer l’orde supposément « naturel » de la famille. En témoigne les violentes vagues d’attaques, en France et à l’international, contre le Planning Familial et le droit à l’avortement au cours de l’année 2022. Ces attaques ont été portées par l’extrême-droite historique ainsi que par la multitude de nouveaux satellites créent dans les premières années de la pandémie.
Enfin cette campagne contre les personnes trans et le féminisme, qui reprend bien des éléments de l’antisémitisme (le mythe de la minorité privilégiée, celui du « Lobby » tentaculaire, quand ce n’est pas directement des listes de personnes juives), a trouvé à se prolonger dans l’offensive plus générale et continue de l’extrême-droite contre les luttes d’émancipation, cette fois-ci affublée des oripeaux d’un vocable tout droit emprunté aux forces néofascistes américaines : le « wokisme ». Derrière l’épouvantail du « wokisme » agité par les partisans autoritaires de la reproductions des hiérachies sociales, c’est l’éternelle opération d’étouffement des luttes populaires contre les dominations capitalistes, coloniales et patriarcales, qui se rejoue (pour les épisodes précédents voir « islamo-gauchisme », « politiquement correcte », « dictature des minorités »).
Dans un contexte mondial où s’entrelacent crises écologiques, économiques, pandémiques et géopolitiques, l’ordre suprémaciste, patriarcal et eugéniste vendu par l’extrême-droite internationale qui a déjà conquis de larges pans de la bourgeoisie séduit des secteurs importants de la classe moyenne qui espèrent retrouver l’ancienne normalité. Hier comme aujourd’hui les fractions d’extrême-droite de la bourgeoisie recrutent en ouvrant des fronts, en menant des offensives, en surjouant la révolte. Une révolte pour enraciner et renforcer de l’ordre dominant.
⁂ ⁂ ⁂
Comme nous l’avons vu, et aussi hallucinant que cela puisse paraître, depuis plusieurs années le mouvement anti-industriel a relayé chacune de ces offensives au sein même des espaces de luttes. Comme nous l’avons vu également, Pièces et Main d’Oeuvre, loin d’avoir été marginalisé·es par leurs sorties racistes, anti-trans, homophobes et anti-féministes sont au contraire reconnu·es et valorisé·es par l’ensemble de ce mouvement. PMO n’est pas l’exception mais la norme.
Le refus d’analyser et combattre la multiplicité des systèmes de domination qui structurent le capitalisme au profit d’une vision indigente opposant un sujet soi-disant unifié – les humain·es ou les vivant·es – face au « technototalitarisme » produit un terreau hautement favorable à la naturalisation des hiérarchies sociales. D’autant plus quand cela croît dans une atmosphère d’essentialisation et de fascination pour « la Nature », désormais vendu sous l’emballage du « Vivant ». Nous n’avons nul besoin de ces impasses essentialistes et autoritaires pour mener une critique conséquente du capitalisme industriel.
Quand des acteur·ices se révendiquant de l’anarchisme et des luttes populaires travaillent activement a importer des logiques autoritaires et réactionnaires au sein des espaces de luttes, alors même que l’extrême-droite devient chaque jour plus hégémonique, cela provoque une porosité avec le pire, des divisions dans les collectifs de lutte, et mène à un affaiblissement général porteur des plus grands dangers.
Tout cela devrait constituer un signal d’alarme fort et pousser l’ensemble des acteur·ices des luttes populaires d’émancipation à ne pas seulement « appeler à la vigilance » mais à s’organiser concrêtement pour qu’aucune passerelle ne soit établie entre nos mouvements et des courants antisémites, antitrans, racistes, validistes, antiféministes, nationalistes, et les personnes qui pourraient être complaisantes à leur égard.
De toute urgence, il nous faut élever des digues.
Chacun·e doit faire face à ses responsabilités.
Bibliographie
[Podcast] Bilan critique du courant anti-industriel, Zoom Ecologie, novembre 2022, paris-luttes.info [https://paris-luttes.info/podcast-bilan-critique-du-courant-16402]
Sur la dérive réactionnaire de certain·es "compagnon·nes", Des anarchistes, août 2021, mars-infos.org [https://mars-infos.org/sur-la-derive-reactionnaire-de-5879]
Ce que les queers ont à dire de la technique. Repenser la technocritique à partir d’expériences minoritaires, Cy Lecerf Maulpoix, octobre 2022 Revue du Crieur 21 [https://www.cairn.info/revue-du-crieur-2022-2-page-108.htm]
Masculinisme : Quand les femmes « oppressent » les hommes, Anaïs et Benoit, mai 2020, UCL [https://www.unioncommunistelibertaire.org/Masculinisme-Quand-les-femmes-oppressent-les-hommes]
· Pièce et Main d’Oeuvre
Pièce et main d’oeuvre, dérive à l’extrême droite, décembre 2021, labogue.info [https://labogue.info/spip.php?article1139]
Le coming out masculiniste de Pièces et main d’oeuvre, Collectif Stop-Masculinisme, janvier 2015, infokiosques.net [https://infokiosques.net/spip.php?article1741]
Critique radicale du collectif Pièces et main d’œuvre. A propos du texte « Ceci n’est pas une femme (à propos des tordus queer) », mais 2021, lepoing.net [https://lepoing.net/critique-radicale-du-collectif-pieces-et-main-doeuvre-a-propos-du-texte-ceci-nest-pas-une-femme-a-propos-des-tordus-queer2/]
Dossier sur « le glissement de PMO vers des positions homophobes, anti-féministes et réactionnaires », Timult 8, septembre 2014 [https://timult.poivron.org/08/]
Contre PMO et son monde, juin 2022, Indymedia Lille [https://lille.indymedia.org/spip.php?article34769]
· Sur l’ouvrage Radicalité, ses contributeurs et Jean-Claude Michéa
Commentaires sur l’ouvrage collectif "Radicalité, 20 penseurs vraiment critiques", Max Vincent, mars 2014 [http://lherbentrelespaves.fr/index.php?post/2014/03/19/Commentaires-sur-l-ouvrage-collectif-Radicalit%C3%A9%2C-20-penseurs-vraiment-critiques]
A propos du réac Jean-Claude Michéa (alias Nietzschéa), des Editions l’Echappée et de leur "vigilance"... en carton pâte, novembre 2013, mondialisme.info [https://web.archive.org/web/20210512120834/http://www.mondialisme.org/spip.php?article1990]
Conversation sur les spécialistes radicaux des penseurs radicaux, Radio Vosstanie, novembre 2013 (retranscription février 2014) [https://vosstanie.blogspot.com/2014/02/conversation-sur-les-specialistes.html]
Contre la récupération de l’écologie par l’extrême droite (sur Olivier Rey), mai 2020, paris-luttes.info [https://paris-luttes.info/contre-la-recuperation-de-l-13536]
L’union radicale conservatrice et ses limites, Ève Gianoncelli, septembre 2020, Mots [https://journals.openedition.org/mots/26632]
Au nom du peuple. J-C. Michéa réécrit l’histoire, Isabelle Garo, janvier 2015, Contretemps [https://www.contretemps.eu/au-nom-du-peuple-j-c-michea-reecrit-lhistoire/]
Critique radicale de Michéa : glorification de la valeur d’usage, critique tendancieuse du libéralisme culturel, récupération par les rouges-bruns, Benoit Bohy Bunel, mai 2017 [http://benoitbohybunel.over-blog.com/2017/05/critique-radicale-de-michea-glorification-de-la-valeur-d-usage-critique-tendancieuse-du-liberalisme-culturel-recuperation-par-les-ro]
« Vous connaissez Michéa ? » : quelques rappels fondamentaux à propos de l’idéologie du site Ragemag, Noe Clectic, octobre 2021, Lignes de crête [https://www.lignes-de-cretes.org/vous-connaissez-michea-quelques-rappels-fondamentaux-a-propos-de-lideologie-du-site-ragemag-ragemag-episode-1/]
· Sur l’offensive anti-trans
L’offensive anti-trans est un cheval de Troie contre les droits des femmes, Toutes Des Femmes, Nous Toutes et Le RAAR, novembre 2022, tribune médiapart [https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/171122/l-offensive-anti-trans-est-un-cheval-de-troie-contre-les-droits-des-femmes]
Planning familial : les anti-trans, "cautions progressistes" des réacs, Pauline Bock, septembre 2022, Arrêt sur images [https://www.arretsurimages.net/articles/planning-familial-les-anti-trans-cautions-progressistes-des-reacs]
[Video] Comment la droite réactionnaire construit une "question trans" ?, Toutes de Femmes et XY Media, juin 2022 [https://toutesdesfemmes.fr/comment-la-droite-reactionnaire-construit-une-question-trans/]
Comment l’extrême-droite transforme les féministes en fascistes, Jude Ellison S. Doyle, traduction juillet 2022, Blog des Potates [https://blog.potate.space/comment-lextreme-droite-transforme-les-feministes-en-fascistes/]
Trans n’est pas transhumanisme, Alex B, octobre 2018, Infokiosques.net [https://infokiosques.net/spip.php?page=lire&id_article=1805]
L’éradication des « abstractions talmudiques » : l’antisémitisme, la transmisogynie et le projet nazi, Joni Alizah Cohen, juin 2019, Contretemps [https://www.contretemps.eu/antisemitisme-transmisogynie-nazisme/]
Compte-rendu de Dommages irréversibles d’Abigail Shrier, mai 2022, Blog des Potates [https://blog.potate.space/review-livre-transphobe-shrier/]
· La Décroissance, Floraisons, DGR, Editions Libre, Paul kingsnorth, Le Comptoir…
La Décroissance : quand le « journal de la joie de vivre » courtise la fachosphère, Aude Vidal, avril 2021, blog médiapart [https://blogs.mediapart.fr/audevidal/blog/300421/la-decroissance-quand-le-journal-de-la-joie-de-vivre-courtise-la-fachosphere]
La Décroissance, ce journal que nous n’achèterons pas, juillet 2019, rebellyon.info [https://rebellyon.info/La-decroissance-ce-journal-que-nous-n-20957]
Pas d’éco-terfs dans nos luttes ! Floraisons et DeepGreenResistance ne viendront pas à la Maison de l’écologie, ni ailleurs !, novembre 2022, rebellyon.info [https://rebellyon.info/Pas-d-eco-terfs-dans-nos-luttes-24294]
Nicolas Casaux et la transphobie par Peter Gelderloos, novembre 2019, rebellyon.info [https://rebellyon.info/Nicolas-Casaux-et-la-transphobie-par-21327]
Deep Green Resistance, des réactionnaires à l’assaut de l’écologisme français, janvier 2019, Revolutionnary Democracy [https://revolutionarydemocracy.wordpress.com/2019/01/24/deep-green-resistance-des-reactionnaires-sinfiltrant-dans-le-mouvement-ecologiste-francais/]
L’imposture Deep Green Resistance, juillet 2022, le-social.club [https://www.le-social.club/limposture-deep-green-resistance-partie-1-un-reseau-meconnu/]
Pourquoi Expansive suspend la publication des articles proposés par Deep Green Resistance, janvier 2022, expansive.info [https://expansive.info/Pourquoi-Expansive-suspend-la-publication-des-articles-proposes-par-Deep-Green-3049]
Les mensonges de la terre, Contre l’écologie völkisch de Paul Kingsnorth, Collectif Out of the Woods, mars 2017, traduction publiée en 2023 dans L’utopie maintenant !, éditions Présence(s) [texte original :https://libcom.org/article/lies-land-against-and-beyond-paul-kingsnorths-volkisch-environmentalism]
Écologie transphobe et proto-fascisme (de Paul Kingsnorth), John Halstead, mars 2023, cric-grenoble.info [https://cric-grenoble.info/analyses/article/ecologie-transphobe-et-proto-fascisme-2891]
· Réinfocovid
Qui sont les animateurs de Reinfocovid ?, juin 2021, La Horde [https://lahorde.samizdat.net/Qui-sont-les-animateurs-de-Reinfocovid]
Lettre à propos de ReinfoCovid, mai 2021, paris-luttes.info [https://paris-luttes.info/lettre-a-propos-de-reinfocovid-15012]
À propos de la projection du film « Tous résistants dans l’âme », février 2023, iaata.info [https://iaata.info/A-propos-de-la-projection-du-film-TOUS-RESISTANTS-DANS-L-AME-5698.html]