L’intersyndicale appelait à se retrouver dès 10h30 autour du Vieux-Port pour battre de nouveau le pavé du centre-ville, en passant par le Cours Lieutaud et pour finir à Castellane, comme d’habitude. Mais comme d’habitude, beaucoup de gens ne l’ont pas entendu de cette oreille.
Un autre rendez-vous courrait pour se retrouver à 10 heures devant le lycée Montgrand, qui comme d’habitude avait été en partie bloqué, et reconstituer un cortège libre, jeune et autonome en tête de manifestation, malgré les menaces proférées par la police et par le SO de la CGT, qui a pour l’occasion sorti les grands moyens et rameuté encore plus de gros bras qu’à son habitude. Rappelons (sans s’y attarder, juste pour mémoire) que ceux-ci avaient gravement merdé lors de la manifestation du 12 mai, en attaquant et gazant les jeunes qui voulaient continuer en manif sauvage derrière eux.
Aux alentours de 10h30, le cortège jeune se met en branle et remonte sur le Cours Lieutaud, derrière deux banderoles renforcées : la désormais fameuse "Jeunes 13 énervés", toujours présente et marquée des explosions des grenades des manifs précédentes, et une autre venue en renfort, "En Grève comme jamais". Une fois arrivé-e-s sur le Cours, le cortège de FO, qui a décidé de faire bande à part et de partir tout seuls comme des grands, arrive pas loin derrière. Pour les laisser passer et faire leurs histoires, le cortège jeune (qui est désormais en tête) est remonté en direction du Cours Julien pour redescendre par la suite une seconde fois sur Lieutaud et se rendre au croisement Lieutaud / Canebière, histoire d’attendre le cortège syndical (sans FO, té !) guidé par la CGT et son SO renforcé.
Pendant que le cortège de tête est en attente, les CRS et la BAC redescendent du Cours Julien derrière. Le cortège les traînera tout le long de la manifestation et les fera plus tard tourner en bourrique et mourir de chaud dans leurs armures. Encore tout chauds depuis jeudi, des représentants du SO CGT (enfin, SO "intersyndical" du fait des pressions et des menaces proférées par l’UD CGT contre les autres syndicats) craignent que le cortège les attende pour en découdre et régler des comptes. Manque de bol, personne ne leur donnait cette importance et pas grand-monde ne s’intéressait à eux. Il s’agissait simplement de continuer la manif’ ’ensemble’, et à nombreux-nombreuses.
Une fois le corège syndical assez proche, le cortège autonome de tête repart de nouveau sur Lieutaud, en attendant bien pour ne pas trop se faire distancer. Ce qui n’empêchera pas la CGT (en tout cas ceux qui guident la marche et choisissent le rythme), une fois que le cortège de tête repart de nouveau vers le Cours Julien, de s’arrêter pour bien faire passer les camions de CRS derrière et remettre les gens dans la merde. Comme quoi ils ne changent pas les bonnes vieilles habitudes. Bref, le cortège jeune repart vers le Cours Julien et reprend exactement la même route que lors de la boucle précédente pour redescendre une troisième fois en direction du Cours Lieutaud et retomber sur les cortèges CNT et Sud et fin de manif, entre slogans, chansons et applaudissements. Quelques personnes qui buvaient un pastis au bar du coin sont médusés par la scène.
Et le cortège jeune repart une troisième fois sur le Cours Lieutaud. Aujourd’hui, on aime bien faire des boucles. Ca fait les mollets, et ça nous servira pour plus tard ! Parce qu’un peu plus loin, alors que la CGT et le PCF continuaient leur long fleuve tranquille de manifestation en direction de Castellane, les banderoles renforcées du cortège libre déboitent à gauche dans la rue des Bergers, parce qu’on est pas des moutons et qu’on a pas que ça à faire de finir à Castellane, comme l’annonçait d’ailleurs un tract diffusé au cours de la manifestation. Plus d’un millier de personnes suivent, dont de nombreux et nombreuses syndiqué-e-s, et ça y est, c’est la manif sauvage (en plus des deux passages sur le Cours Julien, certes), qui est en train de s’imposer comme une petite habitude locale. Le cortège sauvage part donc dans la rue Fontange pour redescendre dans la rue Saint-Pierre, où des tags fleurissent ("Le printemps sera chaud", et effectivement il fait chaud).
Maintenant, il s’agit d’atteindre l’objectif, et de faire tourner un maximum les flics pour les fatiguer. La manif sauvage passe dans les petites rues derrière La Plaine, rue de Bruys puis rue Benoit Malon et de repartir croiser Chave en passant par la rue Louis Astruc. Les flics commencent à se déployer sur le boulevard Chave entre le cortège et la Blancarde. Le cortège les contourne en redescendant un peu la rue du Camas par la gauche puis en repartant en direction de la rue George pour reprendre Chave et foncer sur le boulevard Sakakini, grosse artère de circulation à Marseille, d’autant plus lorsqu’il y a des grèves dans d’autres secteurs des transports. Ce qui le rend d’autant plus stratégique lorsque l’on parle de blocage. Et c’est ce qui se passe. Plein de choses sont mises en travers du boulevard et incendiées, histoire de provoquer les plus gros retards possibles dans l’après-midi de production qui s’ouvrait. Les retards au travail, ça touche aussi l’économie ! Et on voit arriver un hélicoptère de la gendarmerie. Aujourd’hui, ils ont sorti le portefeuille pour "protéger le droit de manifester" (fin de citation). L’hélicoptère en manif, ça faisait un bout de temps.
Et comme les flics se font un peu pressants, tout le monde se presse d’arriver sur la gare de la Blancarde, véritable objectif de cette manifestation sauvage. En arrivant juste devant, les flics arrivent par derrière et par la gauche et commencent à balancer des lacrymogènes, les premiers de la manif, pour tenter d’empêcher les gens de rentrer. Mais c’est raté, pas mal de gens sont déjà à l’intérieur et envahissent les voies, qui représentent entre 20 et 30% du trafic ferroviaire sur la ville. Ce qui provoque un nouvel assaut à base de grenades lacrymogènes, déchirant la manifestation en trois branches : deux à l’intérieur de la gare, une à l’extérieure. Et petit détail croustillant, les grenades lacrymogènes vont mettre le feu aux plantes du terre-plein de côté, provoquant un départ d’incendie alimenté de pneus (dont certains étaient posés en travers des voies). Au final, assez peu de présence physique sur les voies (heureusement d’ailleurs, parce qu’un train a fini par arriver malgré les avertissements adressé au PC sécurité). Entre une et deux heures de blocage effectif au final, et un sacré bordel dans la circulation.
La suite se poursuit notamment du côté des gens qui ne sont pas rentrés à la gare. Cette partie du cortège continue ensemble pour revenir en direction du centre collectivement, toujours suivie par la police. Arrivé-e-s sur Jeanne d’Arc, tou-te-s les manifestant-e-s encore présent-e-s à cet endroit-là se retrouvent pris-es dans une nasse policière. La majorité des arrestations de la journée se fait à cet endroit-là, entre la rue et un petit parc à côté.
Une petite heure plus tard, les flics repartent, en embarquant donc quelques personnes. Et laissant une cinquantaine de personnes dans le coin, qui décident de repartir en manif jusqu’à la Plaine et rebloquer un peu la circulation, histoire de terminer sur une note un peu plus sympathique.
Finalement, plusieurs assemblées ont lieu un peu partout, les camions de garde mobile vont se placer devant Saint-Charles où une réunion était prévue, et un rassemblement a lieu devant le commissariat de Noailles, puisqu’à priori, huit personnes ont finalement été arrêtées aujourd’hui. Solidarité avec les personnes arrêtées, on ne lâche personne face à la répression.
On en est déjà à deux gares de bloquées, il en reste encore quelques-unes !
Et dès demain, on continue sur les piquets de grève (entre autres !).