TW : propos transphobes, eugénistes, putophobes et essentialistes
Le weekend prochain à Lyon devait se tenir un événement organisé par les membres de DeepGreenResistance (DGR) et Floraisons à la Maison de l’écologie (MDE), le jour du Transgender Day of Remembrance (TDOR), jour international de commémorations de nos mort‧e‧s victimes de la transphobie [1]. Le choix de cette date n’est pas un hasard et est symboliquement porteur d’une violence inouïe. Nous, membres de collectifs, écologistes, féministes et queer, nous sommes mobilisé‧es contre la tenue de cet événement porté par des groupes qui diffusent des idées transphobes, putophobes et eugénistes, et qui blanchissent les luttes écologistes et féministes, et nous avons gagné !
La MDE, une fois alertée, a réitéré son soutien aux luttes transféministes, et nous offre la possibilité de créer un évènement alertant sur les dérives des courants se disant "(éco)féministes" anti-trans, proches de l’extrême-droite. Ces derniers temps, ces mouvements tentent de légitimer leurs idées et leur présence dans les milieux féministes. Iels se disent "radicales", "critiques du genre", parfois même "femellistes" et font le jeu des réactionnaires : nous les appelons les TERFS (Trans-exclusionary radical feminist).
Bien que minoritaires dans le milieu écologiste français, leur idéologie contamine déjà, et Floraisons/DGR en sont les principaux porte-paroles. Attiré par le glamour d’un écoféminisme anticapitaliste et radical, se positionnant contre la civilisation industrielle, il est facile de céder aux paniques morales et de finir par croire aux discours trompeurs, présentant les femmes trans comme une menace à combattre. Comment les membres de Floraisons peuvent-ils prétendre vouloir abolir "le genre" tout en s’évertuant à diaboliser et enfermer dans des catégories essentialisantes et biologisantes celles et ceux qui ne veulent rien d’autre que vivre leur vie en paix ? Floraisons instrumentalise une lecture matérialiste du patriarcat, qui théorise une opposition entre "classes de sexe", sans prendre en compte l’apport des 50 dernières années de recherches et de luttes trans & queer. Iels ignorent volontairement des outils d’analyse comme ceux de la "transmisogynie" (Julia Serano), à savoir le fait que les femmes trans’ subissent en plus de la misogynie, une transphobie structurelle, au profit d’un discours confus et biaisé, cherchant à renforcer la pseudo "naturalité" de la supposée distinction entre "mâles" et "femelles".
Iels invitent également des groupes anti-féministes, transphobes, masculinistes et eugénistes comme Pièces et Mains d’Œuvre et affichent un soutien indéfectible aux transphobes internationalement connues, malgré leurs proches affinités avec l’extrême-droite chrétienne. Évidemment, iels tiennent aussi des positions putophobes claires, considérant toutes les travailleureuses du sexe comme des victimes de la traite humaine, et les quelques organisations défendant leurs droits, notamment le syndicat du travail sexuel (Strass), comme des dangereux proxénètes qui tortureraient des femmes. Comment ces groupes peuvent-ils se dire "féministes" ?
La liste des incohérences est longue. Peut-on vraiment sortir de la "civilisation industrielle", sans défendre le droit à la santé, à la justice reproductive et la justice environnementale pour tous·tes ? S’opposer, par principe et sans nuances, aux outils créés et développés pendant l’industrialisation, que ce soient les vaccins, les hormones, la PMA ou d’autres avancées médicales et techniques qui sauvent tous les jours des vies, est du validisme et une forme d’eugénisme. Les éco-terfs n’hésitent pas à mentir et nier les milliers de témoignages intimes et politiques, à cracher sur nos combats en nous associant aux pratiques de stérilisations forcées et à la sélection prénatale. L’histoire des luttes trans et handie est pourtant marquée par des mobilisations contre ces pratiques que l’Etat français exigeait il y a encore peu, et impose toujours aujourd’hui pour les personnes intersexes, ainsi que les luttes contre l’IMG [2] , et les entraves à l’handiparentalité. Où sont ces éco terfs quand on parle de validisme ou des interventions médicales sans consentement sur les enfants intersexes ?
Ces dernières semaines furent éprouvantes pour nos communautés. Le déni organisé et volontaire de la pandémie de COVID désinforme dangereusement en sacrifiant sans scrupules les vies des personnes dont on juge que la vie ne mérite aucune mesure de protection collective . La multiplication d’événements transphobes renforce l’abjection actuelle, de l’inauguration du nouveau média d’extrême-droite Omerta à l’exclusion des hommes trans, non binaires et/ou intersexes du droit à l’IVG dans la Constitution (sous prétexte de lutter contre "l’invisibilisation des femmes"). Ce sont bien deux figures de la transphobie à la française, Dora Moutot et Marguerite Stern, à qui l’on permet de réécrire un article de la Constitution avec la bénédiction d’Aurore Bergé. La confusion, la théorie du complot, s’allier sur leur droite et séduire sur leur gauche en reprenant nos luttes sans y participer : ce sont leurs modes opératoires. Ces positions sont une voie royale vers l’éco-fascisme.
Le cœur de leur méthode c’est d’asséner leur obsession pour un ennemi intérieur et gangréner nos luttes par la peur et la haine. Il ne s’agit pas de lutter contre les gens qui ont le pouvoir, mais de conserver un pouvoir sur plus opprimé‧e que soi. Daisy Letourneur disait pour XY média « Quand une féministe parle avec des nazis, elle finit toujours par répéter leurs idées à eux, mais eux ne deviennent pas plus féministes » .Quand on tape sur une minorité, les autres suivront bientôt. Aussi en appelons-nous à une vigilance collective et à la diffusion massive du travail militant de veille antifasciste, trans et handi-féministe que l’on s’échine à tenir depuis des années [3] .
Ces éco-opportunistes ne sont pas l’avant-garde intellectuelle de notre époque. Ils ne prouvent rien d’autre que leur méconnaissance des luttes trans, TDS et anti validistes, qui sont les premières à questionner la place du genre, de la psychiatrisation et de la médecine dans nos sociétés capitalistes [4]. S’opposer à l’auto-détermination et à l’autonomie des personnes, notamment des jeunes personnes trans, à qui iels veulent empêcher l’accès aux bloqueurs de puberté, ne sert qu’à renforcer le contrôle des corps, au profit des dominants. Pour nous, résister c’est lutter pour exister ; pour eux c’est collaborer à nous éliminer.
Nous le réaffirmons : il n’y a rien de radical à exclure les personnes trans, intersexes, handies, TDS, non-blanches et précaires des luttes. Nous nous opposons à la relecture occidentale et blanche de l’écoféminisme, qui cherche à théoriser les liens entre exploitation de la terre et exploitation des femmes, sans considérer la réalité des femmes non-occidentales, comme celles empoisonnées aux pesticides, par le chlordécone aux Antilles ou par l’agent orange au Vietnam, celles dont on vole et pollue terres et corps. Ce qui est radical, c’est de construire des espaces d’émancipation pour tous‧tes, de promouvoir une écologie décoloniale et inclusive pour toutes ces personnes, qui sont en première ligne face aux changements climatiques [5] et aux crises socio-politiques qui les accompagnent.
Enfin, c’est la solidarité et le courage de créer un monde où chacun‧e a droit à disposer librement de son corps qui est radical. L’entraide est une pratique nécessaire dans n’importe quel climat politique, mais est d’autant plus importante lorsque les droits des minorités sont attaqués et que le futur semble incertain. Nous ne discuterons que lorsque nous serons considéré‧e‧s comme des sujets libres de se déterminer. Nous avons toujours existé et nous existerons toujours.
Nous ferons face aux possibles rejetons pourris de cette initiative portée par DGR et Floraison, qui ne feront du terme "écoféministe" une coquille vide ni ici, ni ailleurs [6].
Sources :
Sur les TERFS :
- Cartographie du milieu transphobe par @journal_rupture
- Comment l’extrême-droite transforme les féministes en fascistes
- Planning familial : les anti-trans, "cautions progressistes" des réacs
Sur DeepGreenResistance :
- Pourquoi Expansive suspend la publication des articles proposés par Deep Green Resistance
- Deep Green Resistance, des réactionnaires à l’assaut de l’écologisme français
- L’imposture Deep Green Resistance – Partie 1 : Un réseau méconnu
- Contre Deep Green Resistance
- Brûle DGR
- Nicolas Casaux et la transphobie par Peter Gelderloos
- Comment l’extrême-droite transforme les féministes en fascistes
- https://earthfirstjournal.org/newsw...
- DGR and Transphobia
Sur PMO (Pièces et Mains d’Œuvres) :
- Le coming out masculiniste de Pièces et main d’oeuvre
- Trans-Exclusionary Feminisms and the Global New Right
- Critique du collectif Pièces et main d’oeuvre (PMO). A propos du texte « Ceci n’est pas une femme (à propos des tordus queer) », par Benoît Bohy-Bunel
- 2ème partie du podcast de Zoom Ecologie, "Bilan critique du courant anti industriel", relatif aux positionnements transphobes et masculinistes de Pièces et Mains d’Oeuvre : Bilan critique du courant anti-industriel Floraison donne explicitement du crédit aux positions de PMO, en consacrant une série de podcast "Face au monde-machine".