« Je suis un homme trans. J’ai fait une transition médicale et depuis que je suis en accord et à l’aise avec mon corps, je nourris le désir de porter mon enfant plus tard. Mon corps me permet de donner la vie et ce serait pour moi magnifique de pouvoir avoir cette chance sans pour autant être en désaccord avec mon identité de genre » (S.)
Pourtant, après la décision de la commission le 11 septembre, le projet de loi bioéthique présenté à l’Assemblée et qui sera voté le 24 septembre, cela sera impossible. Un homme transgenre, possédant donc le système biologique nécessaire pour porter un enfant, sera mis face à un choix : avoir un enfant ou assurer sa sécurité. Car l’exclusion des hommes transgenres et non-binaires de la PMA ne concerne que ceux qui auront décidés de faire un changement d’état civil et auront le fameux M sur leur carte d’identité. Mais dans la société actuelle, changer son état civil peut-il réellement être considéré comme un choix ? Au quotidien, avoir une apparence physique qui diffère de son état civil est purement et simplement dangereux. C’est être forcer d’expliquer sa transidentité à toute autorité que l’on croise, qu’elle soit administrative ou médicale. Combien de fois des personnes transgenres se sont vus refusées des emplois ou des soins sur le simple fait que leur état civil les marquait comme hors-norme.
Bien sûr il y a là de la discrimination légalement reconnue et qui laisse la possibilité de porter plainte mais le vrai problème réside dans l’incapacité de la société française à accepter la divergence à la norme, à accepter que certaines personnes ne répondent pas à la binarité et aux normes de genres, à accepter qu’un homme puisse porter son enfant. Car là est sans équivoque l’argument phare de la commission pour le rejet de cet amendement : Agnès Buzin s’exprime sur le rejet par « cela signifierait qu’un homme à l’état civil devienne mère, ce qui est compliqué ». Mais qu’est ce qui peut bien être compliqué ? Car ce n’est pas plus compliqué pour un homme trans de porter son enfant après une PMA que ça ne le serait pour une femme cisgenre (une personne non transgenre, dont le genre assigné à la naissance correspond à son identité de genre). Ce qui est compliqué c’est donc de briser les petites habitudes de la France traditionnelle qui n’a juste pas envie de sortir dans la rue et de voir un homme, heureux, porter son enfant. Alors, parce qu’elle le peut, elle l’interdit, et tout est bien qui finit bien. Mais une décision comme celle-ci n’est pas un simple acte législatif, c’est une discrimination purement basée sur le genre. Pour ce gouvernement qui se félicitait d’enfin parler de la « PMA ouvertes à toutes », les hommes transgenres sont-ils donc des citoyens inférieurs dont les droits n’ont plus d’importance ? Une décision comme celle-ci brise des vies.
« Je suis stérile et je viens d’apprendre que je ne pourrais pas avoir d’enfants alors que je n’imagine pas du tout ma vie sans, que mon rêve c’était littéralement d’avoir ma petite famille posée dans ma maison mais que non ça ne se réalisera jamais. Merci la France. Je n’ai pas choisi d’avoir une hormone « anormale » qui m’a rendu stérile. Je n’ai pas non plus choisi d’être trans. Par contre depuis toujours je rêve d’avoir un enfant et cette nouvelle-là elle m’a vraiment fait du mal, c’est un sentiment horrible que de voir ses droits basiques bafoués. » (C.)
Les seules options qui nous restent après cette exclusion de la PMA sont ridicules : ne pas changer notre état civil et nous mettre en danger quotidiennement, tenter une adoption tout en sachant pertinemment que cela n’aboutira pas, aller à l’étranger et payer des sommes astronomiques dans l’espoir de pouvoir enfin construire une famille.
« Le fait que la PMA me soit inaccessible si j’ai effectivement recours à un changement d’état civil me met en danger car je ne souhaite renoncer à aucun de ces deux projets [changer d’état civil ou porter son enfant. Mais si cette décision est à prendre j’ai bien peur de n’avoir d’autres choix que de risquer ma vie pour en créer d’autres » (A.)
« Lorsque j’ai appris le premier refus de l’amendement à ce propos, même si ce n’est certes pas surprenant j’ai été très affecté. Je me suis demandé comment j’allais faire. Est-ce que je vais devoir aller à l’étranger, payer cher juste pour pouvoir être père comme je l’entends ? Et où est-ce qu’on m’autorisera à le faire ? J’envisageais de commencer les démarches pour changer mon état civil parce que j’en ai marre d’y être ramené à chaque démarche administrative, marre de subir la transphobie des médecins qui se rendent compte de ma transidentité à cause de mes papiers. J’ai toujours peur avec ces papiers car je sais qu’à tout moment je peux être exposé à de la violence. Mais maintenant le seul moyen pour moi d’avoir accès à la PMA en France c’est de garder ce « F » sur ma carte pendant plusieurs années, et donc de ne pas pouvoir apaiser cette angoisse. Et encore, dans ce pays si je fais des démarches avec ces papiers, les médecins ne vont-ils pas me rire au nez au vu de mon expression de genre masculine ? Quoiqu’il en soit je me sens pris au piège, contrôlé dans mes désirs et ma transition par les gens d’en haut qui n’ont aucune conscience de nos réalités quotidiennes. » (S.)
Comment peut-on, sereinement, rejeter un amendement de la sorte, en sachant ce que cela implique ? Et bien probablement aussi car Agnès Buzin comme beaucoup d’autres membres de la commission qui ont voté ce rejet n’ont aucune connaissance de la transidentité au-delà du simple fait que voir « un homme devenir mère » parait impensable. Car oui, un homme transgenre, comme un homme cisgenre, ne deviendra jamais mère. Par contre, un homme transgenre à la possibilité de porter son enfant et d’en être le père biologique au même titre qu’une femme cisgenre. Agnès Buzin commence son discours avec fracas en utilisant tous les termes possibles pour prouver sa méconnaissance du sujet : elle parle d’une « femme transgenre qui décide de changer de sexe et devient un homme ». Un homme transgenre est un homme assigné femme à la naissance, une femme transgenre est une femme assignée homme à la naissance.
Mais si l’on se replonge plus sérieusement dans le texte pur qu’est ce projet de loi on ne passe que trois alinéas avant d’arriver sur cette phrase : « cet accès [à la PMA] ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement ». Quelle fut donc ma surprise d’apprendre que la commission ne considère pas l’exclusion textuelle d’un groupe de personnes, qui plus est constitué sur la base du genre, n’est pas une différence de traitement.
« Je ne comprends pas sur quelles bases on se permet de refuser le droit à la PMA aux hommes trans, c’est tout simplement injuste, on peut être des parents comme les autres. Je sais que je serais un bon père, parce que j’ai très envie d’avoir des enfants, j’ai beaucoup d’amour à donner et de savoirs et valeurs à transmettre » (Ci.)
Si l’on se réfère à la loi, l’exclusion des hommes transgenres de la PMA constitue purement une discrimination au sens du code pénal (Article 225-1§1) : « toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de […] leur apparence physique, […] de leur caractéristique génétique ». Alors non, Mme Buzin, voir un homme enceint ne serait pas compliqué et devrait être purement son choix. Il est temps que la France accepte la diversité de sa population et qu’elle reconnaisse l’existence des personnes transgenres. Il est temps qu’elle fasse respecter leurs droits et qu’elle assure le respect de ces principes d’égalité qu’elle tient en si haute admiration. Et pendant ce temps, nous, hommes transgenres mais aussi la communauté transgenre à part entière, n’arrêterons pas de nous battre. De dénoncer les injustices comme celle qui a été commise aujourd’hui. Et de crier toujours plus fort jusqu’à ce que l’on nous entende et que l’on nous voit, pleinement, tel que nous sommes.