Ils ont peur de la liberté

Lettre des six personnes ayant reçu le foglio di via (interdiction de séjour) de Vintimille suite aux événements de la nuit entre le 9 et le 10 août à la frontière de Ponte San Luigi.

Il y a un peu moins d’une semaine, on dansait à Ponte San Luigi. Ce n’étaient pas des danses de joie mais la réponse déterminée aux déportations d’une centaine de frères qui luttaient pour leur propre liberté.

La frontière du haut de Vintimille est un lieu scandaleux. Chaque jour, dans le sud de la France, des dizaines de migrants sont stoppés uniquement à cause de la couleur de leur peau, ils sont identifiés et renvoyés en masse, sans état d’âme, vers l’Italie en passant par ce lieu. Uniquement sur la première semaine d’août, ils ont été 830.

Dans la nuit de dimanche, quelque chose a changé. Plus de 100 migrants sont montés dans un train, conscients qu’ils seraient certainement arrêtés. A la gare de Menton Garavan, ils n’ont pas répondu aux "invitations" de la gendarmerie à descendre du train. Tirés de force dans les containers, ils ne se sont pas résignés au destin que la police frontalière avait décidé pour eux et ils ont continué à protester.

De l’autre côté des "enclos", à un certain moment, des blancs sont arrivés mais sans uniforme. Entre eux, il y avait Nous. Nous sommes restés tous ensemble jusqu’à la fin des déportations, y compris la nôtre. Nous frappions dans nos mains, hurlions et dansions. Il semble que cela fasse peur qu’on agisse tous ensemble, que l’on soit unis comme si les barrières, les policiers ert les camionnettes ne méritaient aucune attention.

En fin de nuit, après que la quasi totalité des migrants soient repoussés en Italie, une vingtaine de blancs ont passé la nuit aux commissariats, les italiens en Italie et les français en France. Pour six d’entre eux n’ayant pas accepté le racisme de cette Europe, le commissariat a décidé le "rapatriement" dans leurs communes de résidence respectives.

Pendant trois ans, nous ne pourrons plus remettre les pieds dans la ville de Vintimille.

Voilà, aujourd’hui nous écrivons à nos frères et sœurs, pour dire clairement que nous sommes encore là-bas.

Nous avons appris à penser à notre liberté de façon différente par rapport aux pouvoirs mis en place. L’interdiction d’accéder à un lieu ne nous empêche pas de continuer notre lutte.

Aujourd’hui, nous sommes ensemble, nous exilés, et avons la sensation d’être avec vous dans le camp. Nous voulons vous dire que nous nous reverrons bientôt, que nous continuerons à rester aux côté de ceux qui voyagent, de Lampedusa à Calais, de Kos à Ceuta et Melilla. Nous serons dans les lieux où l’infamie raciste et policière, arrestations et déportations, continue. Nous serons où l’exploitation des migrants fait suite au régime des contrôles imposés aux "sans papiers". Nous serons là où nous penserons que notre contribution à cette lutte puisse servir.

Ils ont peur de la liberté et nous sommes persuadés que l’on doit mettre en évidence l’impuissance de leurs actions administratives. Qu’il soit clair que ni les déportations des migrants, ni les papiers d’expulsion ne pourront arrêter les solidaires.



A bientôt compagnons de voyage,

de Vintimille, on ne revient pas en arrière, on part.

Ans, Davide, Elisa, Giulia, Daitone, Rafael

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