Que s’est-il passé au Centre Bourse le 5 décembre ?

En fin de manifestation contre la réforme des retraites, le Centre Bourse a été occupé en partie pendant quelques dizaines de minutes. A la sortie, la police en a profité pour tabasser quelques personnes.

C’est au compte-gouttes que des participant-e-s à la manifestation contre la réforme des retraites du 5 décembre investissent le hall principal du Centre Bourse, peu après 16h. La police avait fait fermer les portes donnant sur la Canebière, mais toutes les autres restaient ouvertes.

Une fois un nombre de personnes suffisant atteint, et alors que la sécurité voyait d’un œil perplexe et inquiet l’arrivée de pas mal de gens qui restaient dans le hall sans vraiment faire quoi que ce soit, un cercle se forme et des slogans sont chantés contre la réforme, le capitalisme, la répression. Une bonne partie des enseignes tire alors le rideau (par peur de pillages ou d’on ne sait quoi).

Les vigiles du Centre Bourse commencent alors à fermer tous les rideaux de fer des portes d’accès au centre commercial, enfermant celles et ceux qui restent à l’intérieur. Ce qui constitue déjà en soi une flagrante mise en danger de la vie d’autrui en cas d’incendie ou de problème.

Sentant que la manœuvre vise à livrer tout le monde à la police (gagné, c’était le but !), les manifestant-e-s parvienne à s’engouffrer dans la porte donnant sur la rampe au-dessus des ruines du port antique, non sans devoir pousser les vigiles qui tentaient de maintenir tout le monde à l’intérieur.

Véritable goulot d’étranglement, seule une moitié des personnes présentes a pu atteindre la rue avant que la police ne vienne bloquer la sortie et qu’une autre troupe arrive depuis l’intérieur du Centre. Les policiers, très véhéments à l’encontre des manifestant-e-s bloqué-e-s, les poussent violemment par petits groupes pour les évacuer en direction de la rue. L’un d’entre eux, qui, semble-t-il, en a marre de se faire bousculer par les CRS, en aurait repoussé un, sans que cela n’entraîne évidemment aucune blessure.

Mais cela lui coûte cher : les CRS se jettent sur lui, le frappent, le mettent à terre. Une fois tou-te-s les autres évacué-e-s, ils le relèvent. Sa tête est couverte de sang. Pour que cela ne se voit pas, les policiers rabattent la capuche du jeune homme sur son visage, jusqu’à sous son menton, l’empêchant par la même occasion de respirer. Comme il essaye de la relever, de respirer, de se faire voir, les CRS finissent par lui plaquer sur le visage et à la transporter comme un cadavre, un à chaque membre, et le sortent comme ça alors que lui tente de hurler qu’il a des droits, qu’il est un citoyen et que la police n’a pas le droit de faire ça. Les seuls gaz lacrymogènes sont sortis à ce moment-là, quand des gens tentent de s’approcher pour l’aider. Il a ensuite été embarqué et placé en garde-à-vue, reconduite ensuite.

Des témoins étaient présents le long des grilles qui donnent sur la rampe. Si vous lisez ceci et que vous avez des images ou des témoignages de ce moment, contactez la Legal team afin d’aider ce manifestant à pouvoir se défendre contre cette répression et les procédures judiciaires qui lui seront probablement intentées.

Par ailleurs, un autre manifestant a été entraîné par des agents de la BAC dans le parking à côté et tabassé, roué de coups notamment au thorax et aux jambes, puis relâché après cette agression totalement gratuite.

Le groupe restant est alors remonté sur le cours Belsunce, où une autre arrestation a eu lieu, puis s’est éloigné.

Si la police et la répression essayent de faire profil bas pendant les cortèges syndicaux, il semble que la violence que nous avons connue ces derniers mois et années continue de s’exercer vertement dès que l’on sort de ces cadres. Quelles conclusions en tirer ?

Après un an de manifestations des gilets jaunes, ou contre le mal logement et la mairie de Marseille en ce qui concerne le local, et dont la plupart des cortèges étaient sans étiquette ou en tous cas non-affiliés à un syndicat ou un parti, le gouvernement retrouve pour la première fois depuis longtemps une opposition syndicale. Celle-ci, depuis toujours, est plus mesurée et fait partie des partenaires sociaux, qui négocient les réformes.

Le gouvernement a donc tout intérêt à modifier sa stratégie de maintien de l’ordre pour réaffirmer les organisations syndicales en tant que "bons manifestants", raisonnables, et donc à les préserver pour éviter un plus grand embrasement. A travers ça, cela repousse toutes les autres formes de manifestation dans la case des "mauvais manifestants", contre qui la répression pourra d’autant plus s’abattre qu’ils ont été recatégorisés du côté de la "mauvaise façon de manifester".

Alors que ce n’est pas à ceux qui nous dirigent de décider la meilleure manière de lutter. C’est à nous d’apprendre de l’Histoire récente et plus lointaine, d’analyser les situations et les contextes, pour déterminer nous-mêmes ce que nous jugeons être la meilleure façon de lutter. Et toutes les dernières victoires, même petites, des dernières années (abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes, les milliards obtenus par les gilets jaunes, etc...) l’ont été en-dehors des négociations syndicales.

Maintenant que les syndicats ont retrouvé une forme de combativité que l’on ne leur connaissait plus depuis longtemps, gardons cela en tête, et voyons comment l’usage de la diversité des tactiques, de la grève syndicale aux blocages sauvages, des manifestations massives aux actions directes lors des cortèges, peuvent s’accompagner pour rendre la situation explosive et enfin, espérons, remporter une autre victoire dans la lutte contre le capitalisme et le néolibéralisme.

Alors solidarité avec toutes les personnes blessées lors des manifestations, émeutières ou non.
Coulons Macron et ensevelissons-le sous les ruines du capitalisme.

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