Tout a commencé autour de 10h30 - 11 heures ce matin, heure à laquelle rendez-vous était donné en bas de la Canebière, pour un départ en manifestation. Et ce qui ressemblait au départ à ce qui aurait pu être un triste cortège (de la Canebière à la Préf’, ça fait pas bézef - même si ça rime) s’est vite transformé en une manifestation sauvage, joyeuse et déterminée.
Vers 11 heures, une centaine de personnes réunies derrière une banderole ’Jeunes 13 énervés’, composé de lycéen-ne-s, d’étudiant-e-s, de précaires, de moins jeunes aussi, prend la tête de la manifestation officielle dès le départ, sans trop attendre l’accord du SO de la CGT (qui semble-t-il voulait la jouer profil bas après avoir gazé des lycéen-ne-s lors de la manif’ du 31 mars). Celui-ci a d’ailleurs laissé faire, bien content de nous laisser partir devant et advienne que pourra.
Libres de tout drapeau (mais pas dépourvu-e-s de bon sens politique), nous avons parcouru les 200 mètres de la manifestation officielle pour arriver devant la Préfecture, où attendaient des casqués. Théoriquement, ça devait être la fin de la manif’. Mais l’énergie collective que l’on pouvait sentir nous a amené-e-s naturellement à continuer, à décider qu’on n’avait pas que ça à faire de s’arrêter dans le quartier pour regarder les flics dans le blanc des yeux. Alors on est alors reparti-e-s par la rue Saint-Férreol, à grand renfort de slogans hurlés à pleins poumons : "Loi, travail, retrait des deux !", "Grève, blocage, manif’ sauvage !", les classiques "Khomri, si tu savais..." et sa variante "...sur la Cane Canebière", ceux contre la police toujours aussi sympathiques. Avec un bémol toutefois à cause de certains slogans sexistes et homophobes : nous ne comprenons pas pourquoi certains s’acharnent à traiter nos camarades gays ou lesbiennes de flics, c’est quand même horriblement insultant, inutile et blessant pour beaucoup de gens qui luttent chaque jour, dans ces manifs et en-dehors. Et pour que les prochaines fêtes et manifs soient donc plus belles encore, il faudrait que l’on entende plus du tout ces slogans. Un peu d’inventivité, que diable !
Nous arrivons donc de nouveau sur la Canebière, deuxième fois de la journée, pour redescendre et reprendre la rue Breteuil, avec l’idée de remonter de nouveau en direction de la Préfecture et d’aller faire un coucou à ces chers "camarades" du Parti Socialiste. Selon la Provence,"La police peine à suivre les déplacements de ce groupe", ce qui n’est pas faux. En attendant, le cortège officiel est arrivé à ladite Préfecture et y reste sur la place, sans bouger.
En arrivant à la hauteur de la rue Montgrand, le cortège énergique prend subitement à droite, toujours précédé par la banderole de tête, tandis qu’on peut voir sur la gauche le rassemblement sur la place de la Préf’. Et là, pas mal de gens y ont exprimé leur ressenti, par l’intermédiaire de projectiles remplis de peinture, de graffitis, rejoints ensuite par un certain nombre d’affiches collées sur la devanture. On peut sans trop s’avancer dire qu’ils en ont vu de toutes les couleurs ! Et tout le monde approuvait ce petit ravalement de façade.
Photo tirée de La Marseillaise.
Photo trouvée sur 13 en lutte.
En continuant d’avancer, en manif’ sauvage donc, les cortèges de la CNT et de Solidaires, notamment et entre autres, rejoignent le cortège dynamique, faisant grossir considérablement le nombre de personnes qui y participaient pour aller gentiment dépasser le millier. C’était vraiment chouette de voir tout ce monde motivé à aller de l’avant malgré la "fin" officielle, pour semer une joyeuse pagaille dans le traffic automobile marseillais. Regroupé-e-s sur le Cours Puget, nous sommes donc remonté-e-s le long de la rue Paradis en direction de Castellane, avec dans l’idée d’aller rendre une visite au siège du Front National pas loin. Celui-ci étant très largement défendu par des rangées de flics (ce qui ne nous étonne pas tellement), et comme nous n’apprécions pas vraiment leur compagnie, nous sommes redescendu-e-s sur la Place Castellane. Tout au long de ce parcours, des poubelles sont renversées afin de bloquer les accès des rues adjacentes, histoire d’éviter une arrivée trop rapide de la police par ces voies-là. Certain-e-s disent (sur le Vieux Port) que c’était le Mistral qui était avec nous et assez fort pour les renverser toutes.
Ayant en tête ce qui s’était passé lors de la dernière manif’ sur le Prado, le cortège a décidé de s’engouffrer dans la rue de Rome, bloquer les tramways et se rediriger vers la Canebière (pour la troisième fois de la journée). D’autant plus que les bleus se mettaient en position autour de Castellane, place qu’ils affectionnent tout particulièrement pour le contrôle des fins de manifestation. Sur le trajet, quelques tags fleurissent (’Ni loi, ni travail’, par exemple). La manifestation est remontée le long du Cours Belsunce, en continuant à hurler des "Marseille, Soulève-toi", "Belsunce avec nous" et autres "Si on chante, si on chante, c’est qu’on est debout ! Le patronat déchante, cassons-lui les genoux" (sur l’air de ’Se Canto’). On est encore pas mal de monde et on est remonté-e-s par la porte d’Aix, en faisant un maximum de bordel avec les palissades de chantier, pour finalement arriver en face de la fac Saint-Charles et d’un choix draconien : à gauche pour l’autoroute ou à droite pour la gare ?
C’est finalement le blocage de l’autoroute qui conquiert le coeur des foules (entre autres du fait que plein de keufs étaient à la gare), et la manifestation l’a investie en courant, prenant au dépourvu la RG du coin et créant un bel élan d’enthousiasme. Il est environ 13 heures.
Le Mistral, là encore, place des poubelles en travers des voies, et la banderole est là aussi. Le drapeau rouge a été hissé sur une grande barrière de sécurité, à l’image de la bonne ambiance générale au sein du cortège. Finalement ce blocage aura créé un bouchon de presque deux kilomètres à l’entrée de Marseille et tout le parcours improvisé juste avant dans les rues de la ville ont cassé pour un moment le quotidien des fluxs de circulation. Souvenons-nous qu’en bloquant la logistique, nous interrompons le cours normal de l’économie, et c’est entre autres par cela que l’on crée du rapport de force. D’abord l’autoroute, ensuite le monde !
Photo tirée du site de La Provence.
Après un quart d’heure, vingt minutes, les CRS sont arrivés en descendant le long de la rampe d’accès à l’autoroute, tandis que d’autres camionnettes de police nationale arrivaient de l’autre côté en remontant le bouchon. Tout le cortège s’est alors déplacé sur l’autre voie, à la fois pour s’éloigner des CRS et pour ralentir les véhicules qui arrivaient, mais est resté compact derrière la banderole.
Et la banderole a eu son rôle à jouer dans le face-à-face qui s’est alors créé. Nous étions déterminé-e-s à rester bloquer un maximum l’autoroute, et la banderole renforcée a bien résisté à la première charge policière, et ce malgré les gaz à tir tendu et les coups de matraque qui pleuvaient. Cela a permis de protéger le reste du cortège grâce aux personnes qui ont tenu bon avec cette banderole, et de pouvoir reculer ensemble sans trop de casse. Une personne a tout de même été blessée à la tête. Mais ça nous prouve aussi qu’il est possible de résister aux charges de la police, en restant solidaires et prêt-e-s à se défendre. Pendant ce temps, une multitude de projectiles (pierres, bouteilles, peinture, oeufs) tombaient par ailleurs sur les flics, ce qui a aussi contribué à les faire ralentir. Et le fait que tout le monde soit resté présent a été là encore très important.
Quand on est collectivement capables de mener des actions offensives et défensives, d’attaquer et de se défendre, on gagne en confiance et en force. Quand on réagit collectivement face à la police, nous prouvons que la peur qu’ils inspirent peut être dépassée. Et comme le disait le slogan italien : "On part ensemble, on revient ensemble".
Les flics visent délibérément la tête avec leur flash-ball. Photo trouvée sur 13 en lutte.
Une vidéo de cet épisode est trouvable ici.
La manifestation repart par l’avenue Camille Pelletan après avoir reculé petit à petit. Mais sur l’avenue, les flics chargent de nouveau et là encore, la banderole a servi - cette fois à l’arrière - à protéger les gens des coups de matraque et à rester groupé-e-s en posant une barrière entre la police et nous, jusqu’à ce que nous arrivions sur la Porte d’Aix. Pas mal de baqueux ont alors pointé le bout de leur sale nez et l’ambiance commençait à se tendre. Mais les slogans continuaient de résonner dans les rues, et l’énergie était toujours là. Alors que nous nous dirigions pour la quatrième fois de la journée vers la Canebière, une arrivée imprévue de renforts de CRS en travers de la rue d’Aix a poussé tout le monde dans le quartier de Belsunce, où de nouvelles charges ont eu lieu, divisant le cortège en deux pour quelques secondes, puisque celui-ci s’est regroupé quelques rues plus loin en remontant vers la gare. Et les poubelles fleurissaient encore.
A la gare, un énorme dispositif policier est présent, un peu pour rien puisqu’on allait ailleurs, et le cortège a redescendu les marches de Saint-Charles vers le boulevard d’Athènes, pour remonter ensuite le boulevard de la Liberté et redescendre par la rue de la Grande Armée. Entretemps, les flics ne comprennent pas grand chose et bloquent même des endroits par lesquels on ne passe pas du tout. Et le Mistral, toujours lui, ce sacré farceur, continue à renverser systématiquement toutes les poubelles et conteneurs en travers de la route. La manifestation finit par remonter par Longchamp et la rue Saint-Savournin pour aller se disperser sur La Plaine et le Cours Julien.
Aucune arrestation à déplorer lors de la manifestation, ce qui est assurément une bonne chose, d’autant plus qu’il s’est passé plein de trucs dans le cortège !
Si vous avez assisté à une arrestation, contactez la legal team au 07.52.34.01.46.
En résumé, il nous semble que si un sentiment a été partagé par tous et toutes aujourd’hui, c’est que cette journée de lutte a été réussie. Manifs imprévisibles, blocages, résistance et solidarité, le tout avec une belle énergie tout au long du parcours, qui semblait ne pas vouloir s’arrêter.
Cette manifestation confirme notre détermination dans la lutte pour en finir avec le capitalisme et l’exploitation, l’Etat et la hiérarchie. Soyons autonomes, offensifs et déterminé-e-s.
Bien que nous ayons quitté l’autoroute, nous savons que des journées telles que celles-ci ouvrent de multiples chemins. Et ces chemins, nous sommes impatient-e-s de les parcourir !