A propos de la soirée du 28 octobre à Mille Bâbords

Le 28 octobre, une discussion était organisée dans les locaux de Mille Bâbords autour d’un texte paru dans l’été, Jusqu’ici tout va bien. Cette soirée a été perturbée par un groupe de personnes qui étaient contre le fait que cette discussion se tienne, et les locaux ont été en partie démolis (bibliothèque, vitre, tables, etc.) dans la bagarre qui s’en est suivie entre les deux groupes. Plusieurs personnes ont aussi été légèrement blessées dans l’altercation.
Des textes ont été rajoutés à la suite des premiers communiqués publiés.

Depuis, l’hostilité qui existait déjà s’est intensifiée en même temps que le champ du débat s’est rétréci.

En ce qui concerne le collectif MIA, nous pensons que les débats sur le racisme et l’antiracisme aujourd’hui sont importants et nécessaires, car ils traversent l’ensemble de la société, des villes où nous habitons, les collectifs dans lesquels nous nous organisons, et jusqu’à nos amitiés. Cependant, nous pensons aussi que les termes sous lesquels ces débats sont posés actuellement sont malsains et caricaturaux. Les « événements » de Mille Bâbords en sont en quelque sorte l’incarnation et illustrent l’impasse actuelle.
Si les positions au sein de notre collectif sont divergentes et variées sur le fond de la discussion, sans toutefois être figées, car nous nous nourrissons de nos désaccords (parfois profonds) et de nos évolutions, nous sommes toutefois d’accord sur le fait que nous ne nous alignons ni sur l’une des positions exprimées vendredi soir, ni sur l’autre.
Privilégier l’altérité à l’hégémonie, la complexité à l’idéologie et une certaine forme d’empathie au mépris permettrait peut-être de reporter le débat sur un terrain plus sain sur lequel avoir l’intelligence collective, les discussions et l’engagement nécessaires pour en finir avec le racisme qui, entre autres choses, gangrène l’ensemble du monde dans lequel nous vivons et évoluons.

Voilà pourquoi c’est à Mille Bâbords, qui a mille fois été un lieu de confrontation d’idées et qui a cette fois servi de champ de bataille et en a fait les frais, que nous portons notre soutien aujourd’hui.

Cela étant dit, voilà ci-dessous les communiqués que nous avons reçu de la part de certain-e-s participant-e-s à chacun des deux ’camps’ de vendredi (sachant qu’il existe un éventail de positions différentes dans chacun de ces deux ’camps’), par ordre de réception, afin que chacun-e puisse se faire sa propre idée :

Sommaire :
1/ Discussion publique autour de "Jusqu’ici tout va bien ?"
2/ Tract laissé sur place lors de la soirée du 28 octobre
3/ Tract signé par les organisateurs de la discussion du 28
4/ Communiqué de revendication de l’action du 28
5/ Texte ’C’est du délire’
6/ Communiqué de soutien à l’action du 28 octobre
7/ Pourquoi les "anti-racialisateurs" (mais aussi Mille Bâbords, MIA et celleux qui les soutiennent) font partie du problème... et non de la solution

Discussion publique autour de "Jusqu’ici tout va bien ?"

Le texte intitulé Jusqu’ici tout va bien ? est une prise de position minimale écrite cet été dans une dynamique de regroupement d’horizons politiques et géographiques variés. Il a été diffusé pour susciter discussions et prises de positions, pour servir de point de départ à l’expression large et ferme d’un clivage nécessaire et d’un refus commun indispensable pour rouvrir les perspectives révolutionnaires qui font particulièrement défaut en cette période.

L’analyse qui y est développée ne fait que se confirmer. De l’intérieur des milieux militants comme à travers l’idéologie dominante véhiculée par les médias ou les instances de pouvoir, le communautarisme et les identités se retrouvent promues comme antidotes face au manque partagé de perspectives, l’antisémitisme se normalise en même temps que l’excuse religieuse et communautaire à l’homophobie ou au sexisme. La ségrégation se présente comme l’alpha et l’omega de l’antiracisme. On fait délibérément table rase de ce qui a pu se construire dans les luttes de l’immigration depuis les années 70 — dont aucune ne fut « racialisée » ou « racialisante » — dans lesquelles l’autonomie passait aussi par comment se nommer et par le choix au moins partiel des terrains de lutte et des manières d’y mener bataille. Personne alors ne se considérait comme « racisé » ni ne défendait la religion en protestant contre « l’islamophobie ». Aujourd’hui un paternalisme dégoulinant règne dans les rapports aux migrants. Le fait qu’ils soient en lutte ou pas n’est même plus la question. On mythologise les « quartiers populaires » comme d’autres les diabolisent et on essaye désespérément d’atteindre ou d’enrôler ce qui est désormais considéré comme radicalement « autre », en se rangeant derrière des leaders auto-proclamés des « vrais jeunes de banlieue » auxquels quelques naïfs et beaucoup de politiciens accordent une légitimité aussi utile à la carrière des uns et des autres que réellement aberrante.

Alors que beaucoup se représentent et se comportent comme les « petits blancs » du cauchemar racialiste qu’ils contribuent à construire et à diffuser, il est de bon ton dorénavant de différencier systématiquement les « jeunes des quartiers » des « militants », comme si les militants ne pouvaient pas provenir des banlieues et comme si les habitants des banlieues ne pouvaient pas être militants, comme si la question se situait au niveau de ces identités faussement évidentes à prétention sociologique, dans une lecture aussi simpliste que fausse et stérile qui renvoie les uns et les autres à de pathétiques stéréotypes confits d’impuissances.

Dans cette pauvre époque, « le prisme de la race » prospère en même temps que la néo-bourgeoisie en mal d’ascension sociale et politique qui en fait la propagande, l’université devient le lieu privilégié d’inspiration des militants, des communicants en politique sont promus égéries de la révolution, des spectacles de stand-up pitoyables se font passer pour des moments d’élaboration subversive, les alliances les plus incongrues, y compris avec des officines de propagande religieuse comme le CCIF ou des associations d’entrepreneurs de banlieue comme les « Pas sans nous » semblent s’imposer comme nécessaires, les problématiques de la « discrimination », bien qu’intrinsèquement réformistes et internes au capitalisme et à l’État semblent être devenues le seul axe acceptable de critique de ce monde... et la confusion s’accroît.

Le texte Jusqu’ici tout va bien ?, qui n’a que l’ambition raisonnable d’initier débats, réflexions et discussions à poursuivre pour clarifier les positions, a été majoritairement refusé sur les différentes plateformes militantes pour des raisons aberrantes (quand les raisons ont été données). Nous invitons tous ceux qu’il intéresse à le diffuser par les moyens de leur choix, à s’en emparer et à le prolonger comme bon leur semble.

C’est pour poursuivre la proposition qu’un débat est organisé :
Vendredi 28 octobre à 19 h à Mille Bâbords. 61 rue Consolat, Marseille.

Face à l’atonie généralisée, il s’agit d’amorcer ici et là la discussion pour trouver comment refuser plus efficacement la logique racialiste qui ne peut, au mieux, qu’accompagner le devenir du capitalisme, et d’aider à tracer des lignes de démarcations pour ouvrir un champ d’intervention possible.


Une action par des personnes racisé-es

Une action par des personnes racisé-es, a eu lieu hier vendredi 28 octobre à Mille Bâbords, s’opposant à la discussion intitulée "s’opposer au racialisme". Voici le tract des intervenant-es.

ANTI-RACIALISATEURS ET ANTI-RACIALISATRICES STAY et PROTECT your HOME !

Anti-racialisateurs et anti-racialisatrices vous n’aurez jamais la parole, vous n’aurez jamais notre écoute parce que :

Le capitalisme se fonde sur le pillage, l’esclavage et le colonialisme.
« L’abolition de l’esclavage » et les « décolonisations » n’ont pas démoli le racisme structurel et ses répercussions pour le moins d’actualité.
Les privilèges des pays occidentaux impérialistes demeurent à un niveau international.
Nous refusons votre vision européano-centrée et réactionnaire de la lutte des classes.
Il vous suffirait de sortir de votre entre-soi confortable pour voir la réalité dans les rues de Marseille.
Nous refusons votre course à l’opprimé et votre incapacité à reconnaître vos privilèges de petits gauchistes blancs de classe moyenne.
Nous n’avons pas de temps à perdre avec les négationnistes.
Nous saboterons toutes vos initiatives.

Nous revendiquons notre autodétermination, notre émancipation, notre libération par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Nous n’avons pas besoin de votre validation quant aux termes que nous utilisons pour définir qui nous sommes, ce que nous sommes et ce pour quoi nous luttons.

En somme on vous chie dessus bande de racistes réactionnaires négationnistes néo-colons….
Finalement il va vous falloir assumer :
Vous n’êtes qu’un des bras armé (de vos claviers) de la république laïcarde qui nous fait gerber !

Vendredi 28 octobre se tenait sur Marseille,

dans le local militant « Mille Babords » une réunion publique autour du texte « Jusqu’ici tout va bien ? ». La discussion n’avait pas encore commencé lorsqu’un groupe d’une trentaine de personne a fait irruption dans le lieu. Ce groupe entendait empêcher la discussion prévue et à fait ce qu’il a pu, par des manœuvres aussi pénibles que ridicules, pour y parvenir.

Après l’encerclement de l’assistance sous forme de happening, dans un simulacre de nasse, des cris et slogans divers ont fusé : « Notre race existe », « Ce débat n’aura pas lieu », « Pas l’histoire vous ne referez », « Votre avis on s’en fout », « Regardez vos privilèges », « On reste, on existe », « Négationniste » (dont nous ne savons s’il s’agit d’une assignation ou d’un mot d’ordre). Le tout accompagné du lâché d’un court texte au format A6 (voir photo). Face à notre patience amusée, le premier acte de leur tragi-comédie n’ayant pas donné les résultats escomptés, la phase 2 a commencé. Aux insultes ont succédés les boules puantes, et des coups répétés, dont certains au visage avec arme, des chaises ont été jetés sur l’assistance, les tables ont été systématiquement jetées au sol, y compris sur une personne en béquille, du gaz lacrymogène a été répandu dans le local et des personnes ont été gazées au visage (yeux et bouche). Les tables de presse, la bibliothèque de Mille bâbords ont été saccagées, des revues et des livres jetés et piétinés. Et pour terminer, ils ont défoncés la vitrine du local.

Lors de l’agression, les « petit-e-s blanch-e-s » du racialisme « détenteurs-trices de leur privilège » attendaient dehors « en observation » pendant que les « tirailleurs » de l’identitarisme se présentant comme "racisé-e-s" étaient à l’intérieur à la manoeuvre. Si ce n’est pas le fruit du hasard c’est sans doute qu’on est jamais mieux racialisé que par soi-même.

Malgré cette attaque, une intéressante discussion a finalement pu se tenir, comme ce sera le cas partout et à chaque fois que cela s’avèrera nécessaire. Face à ces actes extrêmement graves, dont le but avoué est d’empêcher toute discussion critique sur le racialisme, chacun, politiquement et pratiquement, est appelé à prendre ses responsabilités.

N’hésitez pas à contacter Mille Babords pour leur apporter tout votre soutien.
Des organisateurs et des participants à la soirée


Communiqué concernant l’action anti-raciste

du 28 octobre à Mille Babord (Marseille).

Suite à l’appel d’une discussion intitulée « s’opposer au racialisme, les révolutionnnaires contre le racialisme et son immonde » accueillie par Mille Babords(1), vendredi 28 octobre 2016, nous avons décidé d’y mener une action directe.

Nous sommes 15 militant-es racisé-es majoritairement femmes, gouines, trans de différents horizons politiques marseillais. Nous sommes allé-es dans ce local non cagoulé-es et encore moins armé-es, en vue d’empêcher cette discussion. La nécessité de notre initiative vient de l’escalade de la violence et du mépris dans le « milieu gauchiste », à savoir :

  • L’apparition de blogs aux propos racistes, diffamatoires, négationnistes et anti-libertaires.
  • La publication de textes depuis un an ; sur des sites nationaux mais refusés dans plusieurs villes.
  • L’accueil de la discussion par le local de Mille Babords.

Nous sommes venu-es armé-es de notre tract(2), déterminé-es à visibiliser notre colère en scandant nos slogans :
« cette discussion n’aura pas lieu », « votre avis, on n’en veut pas », « vous ne referez pas l’histoire », « négationnistes » et « regardez vos privilèges ».
A l’écoute de nos slogans quelques personnes ont décidé de quitter la salle.

Étaient présent-es majoritairement une trentaine d’hommes blancs et cis(3) qui ont commencé à perdre leur sang-froid suite à notre riposte verbale. L’un d’entre nous a été empoigné par un personnage connu pour son virilisme et sa violence. En quelques secondes, des altercations physiques ont suivi et nous avons poursuivi notre autodéfense autant que nécessaire.

Dans l’altercation, nous avons pu entendre notamment :
« on vous a toujours accueilli »,
« on a sauvé vos parents »,
« vous êtes manipulé-es »,
« on lutte pour vous »,
« c’est qui les fachos ? ».

Au cours de l’action, des tables ont été retournées, des chaises ont volé, des brochures ont été balancées et nous avons récupéré l’affiche en soutien à Georges Abdallah.
Nous avons quitté les lieux en jetant des boules puantes.

Suite à notre départ, sur le trottoir, ce groupe frustré a déversé sa haine et sa violence sur d’autres opposant-es à la soirée jusqu’à menacer en brandissant une matraque télescopique. Puis dans la foulée, ils ont tabassé une personne au sol, à plusieurs.
La casse d’une vitre est une conséquence des événements, et n’a été à aucun moment l’intention de notre action. Nous n’en portons pas plus la responsabilité que les personnes à l’initiative de la soirée et l’équipe de Mille Babords.

Le lendemain, les personnes à l’initiative de cette discussion se sont permises de diffuser des sms et des tracts(4) de diffamations, de délations (appartenance à des groupes politiques), d’insultes et de menaces largement relayées par le milieu militant soi-disant libertaire et anti-raciste marseillais. Dans la nuit de dimanche 30 à lundi 31 octobre, Mille Babords publiait à son tour un communiqué(5), proche de la version des textes et sms diffusés.

Et c’est sans surprise que nous avons constaté le consensus et l’acquiescement silencieux de nombreuses personnes du paysage « politico-révolutionnaire ».

Des témoignages et des textes de réflexion sont à venir.

(1) http://www.millebabords.org/spip.php?article29999
(2) Pièce jointe 1 ou https://nantes.indymedia.org/articles/36052
(3) http://outrans.org/ressources/lexique-outransien/
(4) Voir 2/ ou http://www.hostingpics.net/viewer.php?id=521289image11.jpg
(5) http://www.millebabords.org/spip.php?article30041

Pièce jointe 1

C’est du délire

ce qui s’est passé vendredi 28 octobre avant le débat à Mille Bâbords [1]. Même si on peut se dire que, pour discuter du sujet de la "race" sur Marseille [2], on aurait pu se passer de partir d’un texte en particulier [3] et des intervenants qui se sont déplacés [4], rien ne justifie l’action prétendument antiraciste qui a eu lieu. Empêcher de s’exprimer les gens qui sont venus et avec lesquels on ne serait pas d’accord [5] les agresser verbalement et physiquement et saccager un local militant (vitrine pétée, mobiliers renversés, livres et brochures balancés, boule puante et lacrymo répandu...) qui sert à beaucoup d’initiatives collectives et intéressantes sur Marseille n’est pas acceptable et doit être dénoncé partout où c’est possible, que ce soit dans des médias, des assemblées, des collectifs, dans d’autres villes...il faut isoler ce genre de pratique, ne pas les rendre possible et se solidariser peu importe ses positionnements sur le fond du débat.

Je prends cette position-là évidemment car il ne fut pas question d’attaque sur un groupe d’extrême droite [6] comme un communiqué vantard [7] pourrait le laisser entendre et c’est quand même assez simple à comprendre même si on analyse que brièvement la situation. Des gens sont venus dire indistinctement [8] « vous êtes des racistes car vous n’utilisez pas le mot "race" » : cherchez l’erreur ! Surtout quand on sait qu’une partie d’entre eux ne considèrent pas le PIR [9] comme un groupe d’extrême droite anti-juif et en sont même proche politiquement [10]. Il n’y a pourtant pas besoin de faire des études pour s’en apercevoir. Par exemple il suffit de lire le titre [11] du livre écrit par une des plus grandes penseuses du PIR, Bouteldja, et intitulé Les blancs, les juifs et nous. Je crois que c’est assez clair et je me demande comment certain-e-s camarades peuvent encore s’organiser avec ce genre de personne car je sais de source sûre qu’il y avait plusieurs tendances qui sont venues saborder le débat, notamment des tendances communistes et anarchistes. Bref, à chaque personne ses propres démons.

Ce qui est aussi du délire, c’est le manque de solidarité extérieure envers les gens et le local agressés. Beaucoup de personnes essaient de couper les cheveux en quatre. Par exemple lors de l’assemblée du collectif Al Manba, le mardi suivant, il a été rétorqué [12] à une personne, pour des raisons foireuses, à mon goût, que c’était normal ce qui s’était passé, ou bien qu’on s’en foutait [13], quand a été posé la question de la solidarité, sans rentrer dans le fond du débat, avec le local de Mille Bâbords [14], et avec une personne du collectif qui s’est fait agressée en tant que soit-disant raciste. Ce collectif accepterait donc sans broncher qu’il soit dit que le local dans lequel il s’est réuni soit un local raciste, et attaqué comme tel, et que certaines personnes au sein du Manba soient racistes et attaquées comme telles ? Jusqu’à quand ce genre d’ineptie va t-elle être acceptée ? Faudra-t-il attendre que son nouveau local soit aussi attaqué sur la même base [15], faudra-t-il que certaines personnes qui y militent finissent aux urgences ou, pourquoi pas, à la morgue ?
Mais il ne s’agit que d’un exemple parmi d’autres car il y a en fait une quasi incapacité générale à s’extraire du fond du débat afin d’assurer le minimum vital ; ça fait peur de voir laisser Mille Bâbords et des gens agressés comme ça sans trop de réaction.

C’est toujours du délire quand on vient empêcher un débat sans savoir ce que les gens pensent afin de les assigner à UNE position politique commune [16]. Pour ma part, il n’est pas question d’utiliser les mots "race" et consorts, je les laisse aux autres. Les trois-quart de ma famille du côté de ma mère ne se sont pas faits exterminés il y soixante-quinze ans sous prétexte qu’ils étaient d’une race soi-disant différente et, pour le coup, inférieure, pour que moi je ré-emploie ce mot. Et oui je suis d’origine juive et j’emmerde les gens que ça dérange, tout autant que j’emmerde la religion juive, l’état d’Israël, ses colons et ses soutiens, mais tout autant que j’emmerde la Palestine, la religion musulmane et toute autre nation et religion.

Par contre, et contrairement à tout ou partie des gens qui ont organisé le débat à Mille Bâbords, je n’ai pas une lecture qui dit que les luttes contre le racisme ou encore contre le sexisme ou d’autres formes de domination n’ont pas lieu d’être, ou ne seraient que des luttes annexes à la lutte contre l’exploitation et le capital ; ni même qu’il s’agit de phénomène qui disparaîtront d’eux-mêmes après qu’une révolution ait fait chuter le capitalisme. Mais je pense effectivement que état et capital se servent et renforcent ces phénomènes qui existaient avant eux. Je pense aussi que nous-mêmes et nos espaces d’organisation sont traversés à différents niveaux par ce qui traverse la société. Et oui je constate, et je trouve cette situation plus que problématique, que les renoi, les rebeu et même les femmes ont des positions souvent inférieures aux autres dans nos collectifs, luttes et assemblées et des fois s’en barrent. Et je trouve aussi que certains espaces non-mixte raccordés à des espaces ouverts peuvent apporter des éléments intéressants et contribuent à pallier certaines limites. Et les gens, qui prennent le temps de discuter avec moi ou de me lire, le savent bien.

Mais, de toutes ces constatations, je me refuse d’en faire une idéologie ou d’en développer un esprit identitaire. Mais c’est peut-être pour tout cela que je suis raciste et qu’il est de bon ton de m’envoyer, dans un local militant, une table sur ma jambe encore blessée lors d’une manif antifascite [17] tout en me balançant à la gueule des bouquins alors que je restais assis sans broncher à côté de mes béquilles. Mais peut-être qu’il faudrait que je m’excuse de ne pas ressembler au top du top du top du sujet révolutionnaire, c’est-à-dire que non je ne suis pas une personne qui est noire, et trans, et prolo et homo, et handicapée, et... Que le parti me pardonne. Par contre je suis sur une approche révolutionnaire et j’essaie de m’organiser de manière autonome. Mais peut-être que ça ce n’est qu’un truc de blanc de petit bourgeois (au RSA !).

Ce qui est aussi du délire c’est le risque de l’escalade de la violence car, si à Mille Bâbords les personnes agressées ont été plutôt sympa, ça risque de ne pas être le cas si d’autres situations similaires se reproduisent, ici ou ailleurs. La pensée unique ça me débecte, mais il est clair que ce n’est que par la tyrannie qu’on l’obtient. Alors jusqu’où ira la connerie pour obtenir l’hégémonie politique ; jusqu’où les gens sont prêts à aller ?

Solidarité avec Mille Bâbords et avec les révolutionnaires du monde entier !
Solidarité contre TOUTES les extrêmes droites [18] et contre ce monde de merde !

CSH, Marseille, novembre 2016

[1] Cf Descente, tentative de mise à sac, coups, gazage et vitrine détruite à Mille Bâbords
[2] Et cela est une nécessité vu les tentions qu’il y avait déjà avant les agressions menées
[3] En occurrence Jusqu’ici tout va bien.
[4] Même si la rencontre était loin d’être inintéressante
[5] Comment le savoir sans discussion ?
[6] Contre lesquels ce genre de pratiques est, selon moi, justifiées
[7] Action antiraciste à Mille Bâbords, Anti-racialisateurs et anti-racialisatrices stay et protect your home !
[8] A qui ? On sait pas. Aux gens qui ont organisé, aux personnes qui sont venues discuter peu importe leur position politique sur la question, à celles qui étaient là plus ou moins par hasard, aux gens qui font vivre le local, à tout le monde... ?
[9] Parti des Indigènes de la République.
[10] Je le sais pour en avoir discuté avec certains d’entre eux
[11] Même pas la peine de perdre son temps à lire le reste, notamment si c’est pour y lire de la merde sexiste, homophobe, identitaire et autre connerie du genre.
[12] De la part des gens qui se sont exprimés.
[13] Car on avait soit-disant pas à prendre position sur la situation.
[14] Notamment parce qu’il a servi au Manba, et gratuitement, de lieu de réunion
[15] Car des gens disent déjà que c’est un collectif raciste. Là encore, cherchez l’erreur car, pour rappel, le Manba est plutôt positionné, en théorie comme en pratique, contre les frontières et pour le soutien des gens qui passent les frontières alors que ça leur est interdit
[16] En plus de les assigner à leur couleur de peau et à leur sexe
[17] Je vous rassure j’étais du même côté de la banderole que les gens qui l’ont organisé.
[18] Je pense aussi évidemment ici au PIR et à son idéologie.


Communiqué en solidarité avec l’action antiraciste à mille babords le 28 octobre 2016

Vendredi 28 octobre nos camarades racisé.e.s ont mené une action à Mille Babords pour empêcher la tenue d’une discussion raciste voir le tract et le communiqué [1].
Ielles ont été reçu.e.s avec une extrême violence et les communiqués du milieu libertaire depuis cette action sont nauséabonds, calomnieux, et se nourrissent de faux témoignages. Nous constatons une course à la victimisation des organisateurs de la discussion et des personnes de mille babords. Aucune responsabilité est prise par Mille Babords du fait d’avoir voulu accueillir une discussion dont la présentation contenait déjà des propos intolérables : racisme, négation de l’islamophobie, sabotage des luttes des personnes racisé.e.s. En somme des discours dignes d’une conférence de l’extrême droite. Bravo !
Les ’solidaires’ de Mille Babords prennent une posture moralisante qui nous fait gerber et que nous trouvons typique des personnes privilégiées auxquels on renvoie leur propre violence (le doigt est notamment pointé sur la forme, une vitrine cassée devient l’objet du scandale : voilà la stratégie, qu’ils n’ont d’ailleurs pas inventé, pour invisibiliser les contenus de la critique et de la lutte. Le paternalisme, l’infantilisation sont les outils d’une répression même pas dissimulée). Surtout aucune remise en question !
Dans ce contexte, on est aucunement surprises que les fachos relayent la nouvelle à la sauce de Mille Babords [2]. Le discours fachistoïde des « anti-racialistes » se démasque ainsi tout seul.
Nous avons d’ailleurs bien vu, que, ceux qui portent et relayent ces propos inacceptables, se sont déjà visibilisés dans le passé en tant que masculinistes, anti-queer, putophobes.
Cela est évident, ce ne sont pas nos camarades.
A l’heure où ce milieu joue le jeu de la fachosphère nous signifions notre profonde solidarité à nos copines racisé.e.s. Nous serons proches d’elleux à tout moment, pour les écouter, être solidaires et prendre nos responsabilités. Le racisme intégré dans notre milieu libertaire est le problème de tout.e.s.
écrit par des alliées blanches qui étaient sur place le 28.10
Notes
[1] https://iaata.info/Chronique-d-une-action-d-autodefense-a -Marseille-1657.html
[2] www.fdesouche.com/783939-marseille-une-association-de-gauchistes-attaquee-par-des-anti-racistes


Pourquoi les "anti-racialisateurs" (mais aussi Mille Bâbords, MIA et celleux qui les soutiennent) font partie du problème... et non de la solution

Depuis plus d’un an une campagne politique acharnée et réactionnaire est menée par les « anti-racialisateurs ». Diffusion de textes, brochures, émission de radio, collage, perturbations.
Ielles ont la prétention (et le culot) de se présenter en fins connaisseurs des mouvements politiques qui luttent contre le racisme et comme si ces questions politiques leurs tenaient vraiment à cœur.
S’autoproclamant comme les vrais révolutionnaires et les vrais anti-racistes, ielles sont parties en croisade pour défendre la pureté de l’idée révolutionnaire contre l’ « idéologie racialiste » (qu’ielles ont inventé de toute pièce), qui serait en train de s’infiltrer dans « les organisations et milieux politiques qui vont de l’extrême gauche jusqu’aux libertaires ».
Cette prétendue « idéologie » n’apporterait que du confusionnisme et serait le symptôme de la perte de perspectives révolutionnaires. Elle ferait infiltrer dans ces milieux des idées racistes (camouflées en progressistes), à travers l’utilisation de mots et catégories qui viennent du pouvoir (« race ») ou de leurs dérivés (comme « racisé-e », etc), et qu’on devrait donc rejeter en bloc si on est des vrais.
Ielles essaient de nous faire croire que toutes les personnes qui utilisent ces mots sont pareilles et défendent le même discours. Elles sont toutes racistes. Des ennemies à combattre et à éliminer des milieux qui se veulent révolutionnaires.
Mais tout n’est pas perdu, vu qu’ielles sont arrivées pour sauver et pour défendre ces milieux !
Alors vite, il faut faire comprendre à tout le monde qu’à cet endroit-là se situerait le point de rupture, autour duquel il y a urgence à se positionner, pour se donner la possibilité de rouvrir des vraies perspectives révolutionnaires.

Sans blague ?! Merci de nous protéger de ce grand danger, tout en essayant de nous apprendre la vie et la révolution. Bien essayé, mais raté.

S’ielles connaissaient vraiment les mouvements anti-racistes et décoloniaux et s’ielles s’intéressaient vraiment aux différents systèmes d’oppression, ielles sauraient sans doute que des débats et des questionnements existent déjà autour de l’utilisation de mots créés par le pouvoir pour parler du racisme structurel et pour analyser l’oppression qui va avec. Ielles sauraient aussi que des débats existent depuis des années dans certains milieux féministes sur l’équilibre à trouver entre la volonté de mettre fin aux oppressions et la volonté de nommer et d’analyser ces mêmes oppressions ; sur comment dépasser les catégories créés par le pouvoir (qui participent à entretenir les oppressions), tout en prenant en compte le fait que ces mêmes catégories permettent aussi de nommer et d’analyser ces oppressions. Parce que ça ne suffit pas de ne plus en vouloir et de ne plus les utiliser pour que ça fasse disparaître les effets et les conséquences concrètes qu’elles produisent dans la réalité.
Alors pas la peine de faire les messies qui apporteraient la bonne parole pour éclairer les pensées.
Personne vous a attendu-es pour réfléchir à ces questions. Et surtout, personne n’a besoin de votre avis ni de votre validation.
Ceci dit, je crois qu’il y a une différence fondamentale entre complexifier ou critiquer certaines applications des grilles d’analyse des oppressions et dominations, tout en voyant et en comprenant l’importance et la valeur de leurs apports, et le faire, à l’inverse, avec l’objectif de s’attaquer à ces grilles d’analyse dans leur totalité, pour les rejeter en bloc. Et c’est justement là qui se trouve le cœur du problème.

En effet, le problème politique le plus important par rapport aux « anti-racialisateurs » n’est pas leur ignorance autour de toutes ces questions, mais leurs intentions politiques.
C’est certes très désagréable et malvenu quand, en connaissant très mal ce dont elles parlent, ces personnes se sentent légitime non seulement de pondre des pages et de pages, faire des émissions de radio, des affiches, ect. Et, en plus, de le faire d’une manière super arrogante et méprisante.
Mais, qui plus est, ielles vont jusqu’à traiter de « racistes » toutes les personnes qui, pour lutter contre le racisme structurel, essaient d’analyser et de critiquer la « race » comme une construction sociale utilisée pour hiérarchiser les individues sur la base de marqueurs physiques/biologiques et/ou ethno-culturels.
À grands coups d’amalgames absurdes, de déformations des discours des autres, de raccourcis réducteurs, les « anti-racialisateurs » mettent dans le même sac toutes les personnes qui utilisent le mot « race ». De l’extrême droite au PIR, de la gauche anti-raciste aux mouvements dé-coloniaux, c’est toutes les mêmes. Aucune différence dans les idées, les analyses, les discours portés, les perspectives. Face à autant de confusionnisme, de manipulations et de mauvaise fois, on ne peut pas ne pas comprendre que leurs intérêts et intentions politiques sont toutes autres que celles qu’ielles affichent.
Il ne faut pas être dupes. Leurs crachats confusionnistes ne visent pas à s’attaquer au racisme, qu’ielles n’utilisent, en bon politicien, que pour redorer leur pilule. Ielles sont, en réalité, en train de s’attaquer à certaines visions politiques auxquelles ielles font parfois allusion mais qu’ielles ne nomment jamais explicitement.

Ce que les « anti-racialisateurs » sont en train de faire, c’est s’attaquer aux visions et analyses politiques qui, depuis des décennies, essaient de politiser toutes les sphères de la vie et du quotidien pour montrer que les rapports d’oppression et de domination ne se réduisent pas au seul champ économique, ni sont seulement véhiculés par l’État. Ielles sont en train de s’attaquer aux analyses qui considèrent ces rapports d’oppression et de domination comme quelque chose qui traverse tout le monde, que certaines personnes subissent en même temps que d’autre en bénéficient.
Par la même occasion, ils s’attaquent donc aussi aux implications politiques de ces analyses : comme le fait que les « ennemis » ne sont pas seulement les bourgeois, ni seulement « les autres », les caricatures du raciste ou du macho ; comme le fait que les milieux soi-disant révolutionnaires ne sont pas en dehors de la société mais qu’ils sont aussi traversés par tout ça ; comme l’idée que c’est aux opprimé-es, en tant que groupe social, de définir l’oppression qu’ielles subissent (et donc aussi décider de comment en parler) ; comme le fait que la non-mixité soit pensée comme un outil politique d’émancipation (sans oublier que ça relève tout simplement d’une logique autoritaire de se permettre de dire à d’autres comment ielles devraient s’organiser pour lutter).

Ces analyses sont des apports des luttes de libération et d’émancipation menées par des opprimé-es, qui ont dû se battre depuis des décennies (et ça continue encore) au sein des milieux révolutionnaires pour que leurs réalités et leurs vécus d’oppressions soient pris en compte comme quelque chose qui existe, qui est politique et qui a autant d’importance que les effets du capitalisme et de l’État. Comme une condition pour pouvoir exister entièrement dans ces mouvements révolutionnaires.
Ces luttes ont permis de prendre conscience et de mettre en lumière l’existence de ces oppressions, c’est à dire de voir l’oppression là où on ne la voyait pas avant, parce qu’on considérait l’état des choses comme normale, comme relevant de l’ordre naturel.
L’offensive des « anti-racialisateurs » n’est dans le fond rien de nouveau ni de très original, vu qu’elle n’est rien d’autre qu’un mouvement de « réaction », dans le sens de conservateur et réactionnaire, à l’émergence, à l’existence et au renforcement de ces visions politiques et de leurs implications. Pour ne pas devoir voir ni prendre ses responsabilités dans ces autres systèmes de dominations. Ou, pour certain-es, pour pouvoir continuer à bénéficier de ses privilèges sans avoir à se remettre en question et sans qu’on les fasse chier.
Alors non, ce qui est en train de se jouer n’est pas un débat, tout comme ce n’est pas une guerre de chapelle ou une bataille pour l’hégémonie. C’est insultant de voir les choses de cette manière.
Parce que vouloir nier ces oppressions, leurs effets et leurs implications, ou remettre à nouveau en question leur portée politique, n’est pas juste une opinion, mais participe pleinement de l’oppression elle-même.

C’est pour tout cela que je considère qu’il faut réagir à leur offensive et ne pas laisser de place aux idées réactionnaires qu’ielles essaient de diffuser.
Depuis quand, pour les révolutionnaires, tout serait discutable et entendable ?
Non, la soirée du 28 octobre à Mille Bâbords n’était pas un débat, mais la dernière étape de leur campagne politique nauséabonde.
Face à ces crachats insultants et méprisants qui véhiculent des idées à vomir et qui puent le moisi, ça me paraît donc tout à fait compréhensible et souhaitable que des gentes décident de ne pas laisser passer cet énième affront.

C’est pour tout cela que je comprends très bien la colère des personnes racisé-es qui sont venues à Mille Bâbords pour empêcher que la soirée ait lieu. Comme celle des autres personnes (dont je fais partie) venues pour s’opposer à ce pseudo-débat ou qui essaient de différentes manières de leur barrer le chemin.

C’est pour tout cela que je ne soutiendrai jamais les lieux et les espaces, physiques ou virtuels, qui permettent une existence et une visibilité à ces discours gerbants.
Parce qu’en faisant cela, ielles cautionnent ces discours. Parce qu’en faisant cela, ielles deviennent une partie du problème et non de la solution.

Plutôt que de jouer les victimes de violences incompréhensibles et de vous étonner naïvement que des conséquences vous tombent dessus, plutôt que jouer les défenseurs de la liberté d’expression et du débat démocratique et vous poser au dessus de tout le monde, plutôt que de vous cacher derrière vos chartes remplies de mots que vous videz de leur sens et de leur profondeur politique, prenez vos responsabilités et assumez les conséquences de vos choix.
Plutôt que de pointer la violence visible des personnes qui ripostent à une oppression, regardez déjà la violence « invisible » que vous véhiculez et dont vous ne vous rendez même pas compte tellement elle fait partie de la normalité.
Ce n’est pas possible de limiter les analyses de la conflictualité politique et de la violence au seul champ économique. Ni de les arrêter devant votre porte.

On ne vous laissera pas nous renvoyer dans le placard ou parmi les oublié-es de la révolution !

une personne blanche – novembre 2016

ps : Je ne me suis pas attardé dans ce texte sur les faits qui se sont déroulés dans la soirée du 28 octobre à Mille Bâbords. Le communiqué concernant l’action menée contre la discussion prévue ce soir-là décrit déjà assez bien ce qu’il s’y est passé, contrairement aux autres textes remplis de victimisme, de mensonges et de mauvaise fois.

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