L’affaire qui émeut actuellement l’université Toulouse 2 Jean-Jaurès date de mai 2018, mais les documents qui permettent de l’établir n’ont été révélés que cette semaine. En mai 2018, personnels administratifs, étudiants et enseignants de l’université toulousaine sortent d’une longue bataille (victorieuse) contre la fusion de leur établissement, menée en parallèle de la lutte contre la loi ORE. Après plusieurs mois de blocage du campus, finalement levé manu militari par les forces de l’ordre, l’université réouvre enfin ses portes.
C’est alors que Michelle Saint-Jean, directrice de l’UFR de sciences économiques et sociales et enseignante en science de l’éducation, suggère, par un mail envoyé au directeur général des services (DGS) Alain Miaoulis, d’interdire l’accès à certaines salles à des enseignants et personnels administratifs au regard de leur engagement dans le blocage de l’université. Pour ce faire, elle propose de modifier les droits d’accès de leurs badges électroniques et conclut son mail par une liste de 25 personnes déjà fichées dans son UFR. « Excellente idée », répond le DGS, qui en informe aussitôt son adjoint, François Pelisset, lui demandant de recueillir le même genre de liste auprès des quatre autres directeurs et directrices d’UFR. Si on ne sait pas si ceux-ci ont donné suite à la demande de l’adjoint, on sait en revanche que le président de l’université de l’époque, Richard Laganier, en copie de ces mails, était informé de ce fichage politique. Nommé à titre provisoire à la tête de l’université toulousaine suite à la démission de l’ancien directeur, il est actuellement recteur de l’académie de Nice.
« A l’époque, quand on avait demandé pourquoi nos badges n’ouvraient plus certaines portes, il nous avait été répondu que c’était dû à un bug informatique », témoigne un administratif qui faisait partie de la liste de Michelle Saint-Jean. Face à cet évident abus de pouvoir, une intersyndicale a interpelé cette semaine Emmanuelle Garnier, la présidente de l’université, évoquant « des pratiques de délation dignes des plus tristes heures que notre pays aient connues dans les années 1940 » et demandant que des mesures conservatoires soient mises en place « avant la saisine du conseil de discipline pour les personnels incriminés. » La présidente a répondu vendredi soir qu’elle avait adressé une saisine auprès de la ministre de l’enseignement supérieur afin qu’une mission d’inspection soit diligentée.