Agir contre les prédateurs de la protection animale, oui c’est possible !

Pourquoi dénoncer les harceleurs et pervers dans le milieu de la protection animale renforce cette cause : exemples avec les blogs « Balance ton pourri », « Le Pornifieur » ou maintenant « Plus jamais dans la PA ».

Pourquoi des blogs comme « Balance ton pourri », « Le Pornifieur » ou maintenant « Plus jamais dans la PA » existent ? Parce qu’il faut parler des prédateurs qui sévissent dans un milieu où 80% des militants sont en fait des militantEs ! Et malgré cette proportion écrasante de femmes, trop peu nombreuses sont encore les exclusions et les mises en garde publiques ! Car oui, les prédateurs peuvent compter sur les solidarités masculines (mais pas que…) pour étouffer les témoignages des victimes et continuer à sévir dans les mêmes associations. Parfois, ils sont écartés, mais dans l’omerta la plus complète. Devenus indésirables dans l’association A, ils vont juste se faire oublier quelques mois puis revenir, ou aller dans l’association B et recommencer.

Nous utilisons des images chocs d’abattoirs ou d’élevages pour que les gens ne puissent plus détourner les yeux, leur montrer l’insoutenable vérité qu’ils prennent soin d’ignorer et que le complexe agro-industriel tait ! Mais quand il s’agit de dénoncer les bourreaux dans nos propres rangs, c’est le silence ! Les victimes feraient du mal à la cause, l’affaibliraient en donnant des arguments à nos adversaires, ou seraient carrément des agents à la solde de l’agrobusiness ! Bref, faire culpabiliser les victimes plutôt que d’agir contre les personnes qui s’en sont prises à elle !

En voulant donner droit au respect et à la vie aux animaux non-humains, on finit par remettre en cause les droits et la vie d’une partie de l’humanité : les femmes, mais aussi toutes les minorités. Ce ne sont pas les victimes qui font du mal à la protection animale, ce sont les prédateurs qui en ont fait leur terrain de chasse : les violeurs, les violents, les harceleurs… Et leurs crimes ne doivent pas être tus. Alors que nous voulons un monde plus égal pour toutes et tous, humain-e-s et non-humain-e-s, c’est la culture du viol qui fait des ravages dans nos rangs !

Comment faire avancer notre cause, quand nous sommes incapables de créer un climat de confiance et sûr pour nos membres ? Les pressions pour se taire viennent des prédateurs et de leurs complices, adeptes de la culture du viol, mais elles viennent aussi des responsables de groupes et d’associations. C’est pourtant leur première responsabilité de s’assurer que les personnes qui donnent leur énergie (et qui sont même parfois brutalisées pendant des actions) sont en sécurité entre elles, qu’elles peuvent faire confiance à la personne à côté d’elles. Et plus largement, c’est un devoir moral de s’assurer qu’un prédateur ne continuera pas s’attaquer à de nouvelles proies.

Le monde de la PA est divers : de celleux qui veulent simplement mettre un terme à la cruauté envers les animaux à celleux qui veulent mettre fin au spécisme. Tout le monde ne s’entend pas toujours parfaitement. Les groupes sont aussi éclatés géographiquement, parfois très locaux, d’autres organisés à l’échelle nationale voire internationale. Une partie des responsables, quand ils finissent par agir contre les prédateurs, se contentent de les virer d’un groupe précis (parfois juste d’un groupe Facebook d’ailleurs) et ont l’impression d’avoir fait leur part. Libre aux prédateurs d’aller agresser juste un peu plus loin, là où personne n’est au courant (ou ne parlent) de leurs agissements. Pour nous, c’est une faute ! Nous sommes horrifiées de voir à quel point la plupart des prédateurs que nous affichons ou dont on nous rapporte les agissements (patience, leur tour viendra) commettent leurs crimes depuis des années, dans différentes associations ou groupes plus ou moins officiels.

LA SOLUTION EST DE LES DÉNONCER PUBLIQUEMENT !

QU’ILS NE PUISSENT PLUS JAMAIS AGIR !

Enfin un #MeToo dans la protection animale ?

Témoignages et échanges avec des militantes et militants dénonçant les harceleurs et pervers dans le milieu de la protection animale.

« Balance Ton Pourri », « Le Pornifieur » : deux sites pour lancer l’alerte et dénoncer les harceleurs et les pervers sexuels qui ont fait des milieux militants de la protection animale, antispécisme et véganisme inclus, leur terrain de chasse. Les personnes qui animent ces différents sites, aujourd’hui suspendus, ont accepté de partager leurs points de vue sur la situation actuelle.

Les deux projets n’ont pas la même finalité et la même histoire. Le plus ancien, « Balance Ton Pourri » a été lancé au début de l’année 2019 et a multiplié l’identification de prédateurs sexuels : violeurs, harceleurs, agresseurs, y compris des policiers comme le dernier identifié en date : Michaël Dumas. Le second, « Le Pornifieur » a été créé à l’été 2019 et a connu plusieurs fois les affres de la censure, obligeant ses créatrices et créateurs à le déplacer à de nouvelles adresses. Il semblerait que le principal visé, William Burkhardt, fondateur de DxE France et de Red Pill, n’ait pas apprécié l’initiative !

Le constat partagé de la domination masculine

Les auteurs et autrices des deux sites partagent de nombreux points communs. Tout d’abord, celui d’un même « ras-le-bol », car les hommes incriminés savent parfaitement que « le milieu de la protection animale est majoritairement composé de femmes », notent les personnes des deux sites. « Ils savent que cette cause est l’un de leurs meilleurs camouflages, car la cause mobilise un certain altruisme qu’on ne rencontre nulle autre part ». Les gestionnaires du « Pornifieur » soulignent d’ailleurs que sous prétexte de « drague lourde, d’érotisme, de liberté sexuelle (!!!) », certains usent de leur influence. Ils jouent ainsi des clichés misogynes, en faisant passer celles qui refusent et les dénoncent pour des « frigides, castratrices, mal baisées, etc : la liste habituelle des machos ».

Dans les deux cas, la mobilisation vient de la rencontre et du partage des expériences vécues. Le collectif « Balance Ton Pourri » évoque « la haine » ressentie en prenant connaissance des témoignages des victimes et ce que leur ont fait subir leurs bourreaux. Conscientes de la faiblesse des réponses (ou de leur totale absence !) apportées par les autres militants et responsables d’organisations, les personnes mobilisées ont décidé d’« être plus punitives et de vraiment protéger de potentielles victimes, tout en réunissant les témoignages des personnes qui pensent êtres seules dans ce que les pourris leur ont fait subir ».

Le groupe à l’origine du « Pornifieur » préfère, lui, se baser sur ce qui est déjà présent en ligne. Cette manière de faire est justifiée par la volonté d’éviter que les personnes qui ont parlé puissent être identifiées et subir des pressions, et d’éviter le « parole contre parole » en utilisant du concret (notamment les nombreux « clichés et vidéos dégradants, symbolisant la domination phallocrate » que William Burkhardt vend sur des sites pornographiques). En outre, cela leur a permis de mettre en évidence la trajectoire de ce type de personnages, qui ont déjà sévi dans d’autres milieux. Avant la lutte pour les droits des animaux, le terrain de chasse de William Burkhardt était par exemple le judo au Brésil, où il se présentait comme photographe.

Malheureusement, les mises en garde du « Pornifieur » n’ont pas empêché William Burkhardt de continuer ses sévices. En décembre 2019, une jeune militante (à peine majeure) a dénoncé les viols subis pendant plusieurs jours, lors d’une action au Danemark.

Désigner sans ambiguïté les coupables…

Les deux projets pratiquent le « name and shame », c’est-à-dire désigner nominalement les agresseurs et déballer les actions qui leurs sont reprochées en place publique (sur le web donc). « C’est à la fois pour remettre les compteurs à zéro en disant « on ne passe plus rien » et de tenir informer des potentielles victimes ou des victimes qui préfèrent se taire car elles ont honte ou qu’elles pensent nuire à la cause avec ce qui leur est arrivé. Des fois, on ne les croit même pas ! », nous explique l’équipe du « Pornifieur ».

De même, pour « Balance Ton Pourri » : rassembler les témoignages, les croiser, sortir les victimes de leur isolement pour faire basculer la peur dans l’autre camp : celui des prédateurs. Au minimum, les créatrices et créateurs du site espèrent que les victimes seront prévenues.

Là où « Balance Ton Pourri » veut nettoyer les écuries d’Augias en établissant ad nauseam la longue liste des pervers sexuels, l’autre site fait le choix de se concentrer sur une seule personne : William Burkhardt, aka « Le Pornifieur », pour mettre en évidence « la culture du viol banalisée qu’il incarne ».

« Nommer le mal ouvre la porte des analyses systémiques », juge l’équipe de « Balance Ton Pourri ». Les deux approches s’avèrent complémentaires : l’une fait apparaître les similarités entre les prédateurs, tandis que l’autre en choisit un et montre en quoi il est un archétype de manipulateur sexuel qui s’épanouit dans le milieu de la protection animale, y compris antispéciste.

…et la tartuferie de leurs complices

Pour celles et ceux qui gèrent ces projets, le but est aussi de mettre en évidence « l’hypocrisie » dont font preuve les dirigeants et sympathisants des associations de protection animale, en faisant mine de ne pas voir qui sont vraiment les gens avec lesquels ils collaborent, leur « duplicité ».

A propos du dernier « pourri » identifié, Michaël Dumas, le collectif de « Balance Ton Pourri » fait part de sa « stupéfaction à la collaboration la plus totale de l’organisation « C’est Assez » avec Michaël Dumas pour qu’il continue d’avoir le droit de gérer l’antenne « C’est Assez Provence » et d’organiser des évènements en toute liberté », malgré tout ce qui a été mis en évidence.

Même constat dans le cas de William Burkhardt, « ceux qui avaient l’habitude de travailler avec lui ont plutôt tendance à faire profil bas, notamment chez les référents. Aucun mea culpa public ». Les auteurs et autrices critiquent en particulier L214 (notamment Sébastien Arsac, co-fondateur) et DxE (fondé par Wayne Hsiung, aux Etats-Unis et qui a adoubé William Burkhardt en France), et relèvent que malgré l’écrasante majorité féminine, « ce sont toujours des mecs qui le plus souvent dirigent les groupes antispécistes, symptôme d’un patriarcat encore bien implanté dans toutes les têtes ». « Or, si les leaders n’ont pas une parole forte sur ce sujet, rien ne bougera. Les militantes seront dégoutées, et pour certaines, c’est déjà le cas ».

Un futur meilleur est-il possible ?

Les deux collectifs veulent tout de même garder espoir : « on constate que plusieurs personnes ont changé de point de vue en général, d’autres qui sont passées de défenseuses de pourris (activement ou passivement) à militantes contre leurs agissements et leur existence dans la PA ». Reste que les agresseurs peuvent encore compter sur l’« omerta du milieu » et « le harcèlement des fans clubs de plusieurs pourris dénoncés, c’était notamment le cas de Mickaël Krireche ». Dans le cas du « Pornifieur », le site initial a été mis hors ligne plusieurs fois, probablement après la plainte de William Burkhardt et des « fans du pornifieur » auprès de différents hébergeurs, estiment celles et ceux à l’origine du projet.

« On attend impatiemment le jour où l’on n’aura pas à diviser nos énergies militantes », nous confie l’équipe de « Balance Ton Pourri ». « Les victimes ont le droit à un environnement bienveillant pour parler, témoigner ! Ce n’est pas elles qui sont en faute mais les pervers narcissiques et ceux qui ne veulent pas les condamner. Ne quittez pas le mouvement. C’est à eux de partir ! », appellent celles et ceux qui se battent contre « Le Pornifieur ».

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