Aix-Marseille Université : socialement baillonnée ...

Suite à un message du président de l’Université suite à l’évacuation policière les personnels ont tenu une AG et ont décidé de lui répondre.


Communiqué écrit suite à l’AG du jeudi 30/5 ---------------------------

Conflits armés, racisme, libertés académiques : élevons le débat !

Le mercredi 22 mai, des étudiant·es ont décidé d’occuper une salle du site St Charles, pour protester contre l’offensive israélienne contre Rafah et répondre aux interdictions systématiques d’exprimer leur solidarité avec le peuple palestinien à l’université, ainsi qu’aux censures du discours scientifique sur la Palestine. Après 24h d’une occupation pacifique, la présidence a répondu en envoyant la police, qui a fait évacuer rapidement la salle de conférence, les étudiant·es n’opposant pas de résistance. Les membres de la Coordination de la jeunesse du sud pour la Palestine ont fait part à l’Assemblée Générale des étudiant·es et personnels de violences subies par des étudiant·es racisé·es, et dénoncé la participation d’AMU à leur fichage par les services de police.

Le vendredi 24 mai, l’AG a voté le départ d’une manifestation à la présidence d’AMU, au Pharo, pour protester contre cette intervention policière et exiger des explications. Quelques membres ont été reçus en délégation. La présidence a invoqué les plaintes "d’étudiants juifs" craignant pour leur sécurité sans fournir d’élément probant et a laissé entendre qu’il pensait que les mobilisations pour la Palestine suivent les directives nationales d’organisations politiques. L’une des membres de la direction a déclaré au cours de cet échange que les occupant·es ressemblaient à des "jeunes de cités", allégation méprisante et discriminante, d’autant qu’un autre membre de la direction s’est empressé de renchérir sur leur ressemblance avec des trafiquants impliqués dans des "règlements de compte".

Dans la foulée, la présidence nous a gratifié d’un nouveau communiqué appelant à l’Unité, une unité conquise de force bien plus que de gré, au prix de la censure, de l’autoritarisme et du mépris. "Ne cédons pas aux pressions de l’actualité et aux intérêts politiques qui contribuent à importer les conflits au sein de notre communauté universitaire", écrit-il. C’est accorder bien peu de crédit aux libertés et aux compétences de la "communauté universitaire". Lui est-il donc impossible d’imaginer que des étudiant·es et des personnels soient tout simplement profondément affecté·es par la situation au point de ressentir le besoin d’en parler sur leur lieu d’études et de travail ?

En outre, en invoquant des cas d’antisémitisme, le président d’AMU laisse également entendre que la lutte contre l’antisémitisme justifierait l’interdiction de toute dénonciation des crimes de guerre israéliens, et notamment la destruction ciblée du système d’enseignement gazaoui. Il nourrit ainsi les amalgames qu’il prétend par ailleurs dénoncer. Aussi, en rappelant sa détermination à recevoir des enseignant·es-chercheur·ses (programme PAUSE) et exempter les étudiant·es palestinien·nes de droit d’inscription, le président donne la désagréable impression de vouloir se donner bonne conscience et nous faire oublier la censure et la fermeture de nos espaces d’expression.

L’Assemblée Générale des personnels et étudiant·es rappelle son attachement à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Elle s’inquiète des actes discriminatoires et des incitations à la haine contre les minorités ethniques et religieuses, et demande à la présidence de publier des informations précises permettant d’en mesurer l’étendue. Nous regrettons que l’Université ne soit plus conçue comme un lieu permettant d’élever le niveau du débat.

Nous rappelons que l’université AMU vit d’abord de ses étudiant·es et de son personnel, et considérons que le désert intellectuel véhiculé par la communication présidentielle ne les représente pas. Les prises de position d’AMU devraient refléter l’étendue de nos connaissances, respecter la diversité de nos sensibilités, et faire honneur à notre aspiration commune à l’intelligence sur les débats et enjeux cruciaux de l’époque. Notre devoir en tant qu’universitaires est d’abord de laisser entendre la parole de spécialistes, qui ne manquent pas à AMU, pôle majeur des recherches sur la Méditerranée, le Moyen-Orient et les mondes musulmans. L’intersyndicale d’AMU a déjà alerté la présidence le 22 mars 2024 contre la censure d’événements scientifiques et le risque qu’il y a à laisser le champ libre à la bêtise et à l’extrémisme. En ne répondant pas à son devoir, elle incite à la polarisation des camps politiques et porte une funeste responsabilité dans les potentiels discours de haine qui circulent dans la communauté universitaire.

En outre, en invoquant un supposé "devoir de neutralité", la présidence semble confondre la neutralité axiologique qui doit guider la quête de l’objectivité avec une neutralité qui restreindrait le choix des sujets d’étude et qui s’apparente ici à une neutralisation de la parole et des libertés académiques. Bien qu’affecté·es par les précédentes censures, nous continuons de nourrir l’espoir d’un sursaut de déontologie et de modestie de la présidence. Nous exigeons la garantie de pouvoir organiser des manifestations scientifiques, sans besoin d’en justifier le sujet.

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