Qu’est-ce que l’impérialisme ? La phase suprême, ultime du capitalisme. Une phase où le monopole et la concurrence dominent et où les contradictions sont de plus en plus aiguës.
La concentration du capital détermine le centralisme politique : plus les forces productives entrent en collision avec les anciennes relations sociales et donc avec les classes qui détiennent le pouvoir par leur État, plus cette tendance historique se manifeste de façon accélérée.
L’impérialisme est synonyme de guerre, la guerre est synonyme de militarisation, nus utilisons le terme "fascisation" de la société.
Il ne faut donc pas tomber dans l’erreur grossière d’associer mécaniquement les mouvements fascistes à la fascisation. Les fascistes sont et ont été une tendance née dans un contexte historique spécifique qui répondait à certains besoins de la bourgeoisie (considérons qu’ils étaient également l’expression directe d’États qui devaient accélérer face à la concurrence inter-impérialiste). La fascisation est une tendance continue du capitalisme à son époque impérialiste. Il est évident que la « démocratie » est la meilleure enveloppe du capitalisme comme l’écrivait Lénine et pas seulement pour la domination de classe. C’est la meilleure enveloppe pour le développement de la classe dirigeante, c’est-à-dire pour le développement du capitalisme et de sa loi de concentration. La "démocratie" est la forme directe qui favorise et n’entrave ni la centralisation et la concentration du capital, ni la dynamique de l’impérialisme, mais elle perd sa signification historique grâce aux contradictions mêmes du capitalisme.
Pendant la Première Guerre mondiale, Lénine (en 1916) a observé dans l’impérialisme que : "La différence entre la bourgeoisie impérialiste démocratique républicaine et la bourgeoisie impérialiste monarchique réactionnaire est en train de disparaître parce que les deux se décomposent tout en continuant à vivre"
Pour Lénine : « La réaction politique à tous les niveaux est une caractéristique de l’impérialisme », Lénine dit essentiellement qu’avec l’impérialisme, la démocratie est devenue réactionnaire. Par conséquent, c’est la "meilleure enveloppe" du capitalisme, ainsi nous l’appelons "fascisation". En aucun cas Lénine ne parle de la décadence de la démocratie ou de l’opposition entre la démocratie et la dictature directe, en effet, selon Lénine, la démocratie est la meilleure dictature pour la bourgeoisie impérialiste, réactionnaire à tous les niveaux.
La fascisation est un processus d’intégration (impliquant l’économie et la politique), il se répercute dans la classe à travers des politiques socio-culturelles-politiques, telles que l’organisation des syndicats dans l’État [1]. Mais ce processus n’est plus suffisant pour contenir les contradictions impérialistes, phase suprême et finale du capitalisme, qui produit une dé-intégration croissante au niveau social. L’Etat reste, ou plutôt se renforce, comme une forme de domination de classe militaire, à exercer sur le front extérieur et intérieur.
La nécessité d’une vie économique de plus en plus centralisée, comme celle d’une production menant au monopole, se reflète dans la nécessité du totalitarisme dans le domaine politique, résultat de la centralisation du pouvoir bourgeois dans l’exécutif, représenté par des marionnettes dociles aux ordres du Capital.
Par conséquent, le système dans son ensemble tend à supprimer efficacement l’activité de classe immédiate en cooptant les syndicats en « intérêts généraux », qui deviennent ainsi des courroies de transmission entre le capital et la force de travail. La perte de sens de la politique parlementaire pour les fractions bourgeoises est évidente. Tous participent à des tables rondes, des talk-shows, des forums grand public, pour discuter avec "égale dignité" ; ils conservent des petits excès verbaux et des excès de civisme, juste assez pour effacer l’ennui des élections et de la "politique". Il ne suffit pas de dire que cette sale institution du Parlement ne sert pas le prolétariat. En réalité, il ne sert plus à personne dans cette ligne de tendance.
Les contradictions battent le capitalisme actuel, cela se manifeste également dans la difficulté des États capitalistes à intégrer et à développer des politiques sociales, et cela se reflète dans la "courte" vie des classes politiques parlementaires elles-mêmes. Nous assistons à un mouvement magmatique et chaotique de capitaux (masse financière amplifiée qui domine le monde) qui se mangent les uns les autres comme des bêtes féroces, où les machines (travail mort) continuent de manger les travailleurs (travail vivant).
Cette accélération se reflète dans la durée de vie des différentes expériences politiques. Des "gros partis", nous sommes passés à des partis et mouvements "fluides" qui ont de moins en moins d’adhérence et de consensus sur le tissus social.
La fluidité de la politique bourgeoise ne doit cependant pas nous distraire de ce qu’est le monopole de la violence, qui reste ferme entre les mains des États bourgeois, d’intégration ou de dé-intégration.
L’utilisation de voies fortes par l’appareil d’État n’est qu’un des moyens de perpétuer l’oppression capitaliste. Ainsi, la relation entre l’agression et l’oppression est dynamique et elle n’est certainement pas statique et linéaire. Dans la véritable histoire sociale, la préservation de la domination, c’est-à-dire l’oppression d’une classe sur une autre, est souvent effectivement réalisée avec l’arme de l’intégration.
Ce qui échappe à la pensée réformiste, c’est le fait que l’accumulation est la fin, et que la fin, selon les circonstances, est poursuivie dynamiquement par l’arme de l’agression violente, ou par l’arme de l’intégration sociale (comme cette soit-disant redistribution des revenus et des garanties sociales plus importantes à certaines franges de la classe).
Nous avons souligné le terme arme, conçu comme un moyen de parvenir à une fin pour indiquer en premier lieu, le fait qu’à certains moments l’agression n’exclut pas l’intégration. En effet, très souvent, on peut voir la présence simultanée de ces deux aspects dans la même période historique et dans le même type de société, avec la prévalence tantôt de l’un, tantôt de l’autre. En ce sens, la relation se révèle dynamique et discontinue, se matérialisant, selon les phases historiques du conflit de classe, dans une prévalence plus ou moins grande d’intégration ou d’agression. L’intégration, au-delà de son apparence pacifique et démocratique, n’est qu’un outil et une arme pour perpétuer un système social basé sur la violence substantielle de la domination de classe. Le choix politique du réformisme social-démocrate, en embrassant l’arme d’intégration dominante avec ses implications parlementaires, est donc destiné à devenir un instrument objectif de l’oppression capitaliste. Certes, dans certains événements historiques, le réformisme a également utilisé l’arme alternative de l’agression violente sans problèmes de conscience (il suffit de penser au rôle de la gauche reformiste dans les années 70 contre les luttes prolétariennes).
La dé-intégration par la militarisation et le rétrécissement général des conditions de vie, qui se manifestent dans la perception d’un "pas d’avenir", sont les effets d’une polarisation qui non seulement érode les classes moyennes et l’aristocratie ouvrière, mais augmente l’armée de prolétaires sans réserve dans le monde entier. La fascisation de la première période d’intégration est aujourd’hui exclue. Au-delà des fleuves de mots, c’est la réalité qui a exécuté ceux qui parlaient de l’intégration du prolétariat au capital, alors que c’est le même capital qui aujourd’hui le dé-intègre [2]...
Ce processus ne doit pas être lu de manière catastrophiste, le capital à travers les guerres peut développer de nouveaux cycles d’accumulation, ce n’est pas un hasard si aujourd’hui la guerre devient permanente, même si elle est localisée et multiforme.
C’est pourquoi on parle de fronts extérieurs et de fronts intérieurs pour décrire les politiques gouvernementales en France et à l’étranger.
Dans cette dynamique, la substitution qui s’opère entre l’armée et la police apparaît plus clairement, un phénomène qui ne concerne pas que la France. Nous avons une police qui se militarise et une armée qui se conçoit comme une force de police. On réclame une augmentation du nombre de policiers, alors que l’armée devient de plus en plus spécialisée et chirurgicale [3] On assiste à une utilisation dans l’armée d’outils de plus en plus flexibles (drones, robor, lasers, etc.), tandis que la police fait appel à des chars et à des armes lourdes.
La militarisation de la police et la spécialisation de l’armée marquent la fin du concept de guerre populaire, avec une crise de la rhétorique de l’ancien nationalisme et patriotisme. Ils sont perçus et se perçoivent eux-mêmes (police et armée) comme des corps distincts de la société.
Leur ennemi intérieur et extérieur reste la population : les civils. Cette tendance sur le plan purement militaire n’est pas nouvelle, il suffit de penser à la différence entre la Première Guerre mondiale (guerre des armées, des tranchées) et la Seconde Guerre mondiale (destruction des villes, anéantissement de la population) [4].
La frontière entre la sphère militaire et la sphère civile devient de plus en plus floue. Même un smartphone peut se transformer en arme : via une application, un civil peut signaler la présence de l’ennemi et ainsi aider à guider les tirs d’artillerie sur une cible. À cela s’ajoute le complexe industriel de guerre, composé d’entreprises privées (voir Starlink de SpaceX), d’universités et de laboratoires. Avec le développement des forces productives, dit Marx, le travailleur devient un appendice de la machine. Le travail mort domine le travail vivant, ce qui se reflète dans la manière de faire la guerre. Aujourd’hui, l’objectif n’est plus seulement de détruire les armes et les moyens de l’ennemi, mais d’en prendre le contrôle.
La militarisation et la répression se manifestent, dans la diminution des espaces d’agilité politico-socio-syndicale, dans la militarisation des forces de l’ordre, dans la perte de légitimité des instances démocratiques-bourgeoises liées au "mythe libéral", dans le monopole de l’information et dans la création du "monstre" de l’ennemi intérieur de l’intrus, on a déjà oublié la montagne d’âneries que l’État français a proférées contre le prétendu terrorisme islamique...
Fonctionnel au projet de l’État est le rôle joué par les médias, qui entreprennent ponctuellement des campagnes contre une pluralité d’organisations politiques, dans l’intention de préparer le terrain à l’action répressive du pouvoir politique institutionnel.
L’élément central reste cependant la criminalisation des classes sociales subalternes et leur diabolisation, mêlant des éléments sociaux et raciaux.
Un autre élément est la prison, où l’État poursuit deux objectifs : isoler les personnes détenues pour des raisons politiques et les utiliser comme une forme de chantage contre la classe, pour la diviser et lui faire croire que les projets révolutionnaires ne peuvent pas être réalisés. La répression vise particulièrement les situations qui sont imperméables à toute tentative de les ramener sur un plan de compatibilité.
Il est clair qu’il s’agit là des pointes de l’iceberg, en même temps que l’on assiste à une répression visant les militants syndicaux, les activistes sociaux, etc. L’avalanche de balles de matraques et de gaz policiers est une conséquence directe "en aval" de ce mécanisme vu du "sommet".
La répression est le " contrôle " du prolétariat - en voie de précarisation, ou déjà précarisé - des processus de restructuration économique/politique dans les métropoles impérialistes, mais aussi de ceux entre les processus de restructuration du centre et de la périphérie (dont l’exploitation est de plus en plus scientifique), de leur connexion avec la redéfinition des arrangements économiques, politiques, militaires et de renseignement à l’échelle mondiale (fluctuations des rapports de force et des institutions, élargissement de l’OTAN à l’Est, protocoles internationaux de coopération " anti-terroriste ", etc.)
Que faire contre la répression ?
La résistance aux actions répressives ne peut pas être un terrain central du travail de perspective politique : il n’y a pas de lien automatique et immédiat entre luttes-répression + luttes. Cela ne signifie pas qu’il faille renoncer à la bataille politique liée à la lutte contre la répression. Sur ce terrain, il faut avoir la capacité de créer des fissures dans le front ennemi et ne pas s’isoler.
Le travail politique d’une fraction de communistes n’est pas l’expression d’une sorte de victimisme de la part de ceux qui sont touchés d’une manière ou d’une autre, mais entend plutôt mettre en évidence la manière dont l’Etat s’organise pour empêcher le développement d’hypothèses révolutionnaires, en essayant de fournir des outils à la fois théoriques et organisationnels pour la poursuite de la lutte.
Comprendre et défendre les manifestations prolétariennes de revanche contre les violences policières est important mais pas suffisant. Si l’on analyse les récents riots, plutôt que de s’attarder sur les pillages, il faut souligner les capacités d’organisation de ces jeunes. Quand l’ennemi est fort et nous attaque, nous fuyons ; quand l’ennemi est faible, il fuit, et nous attaquons... dans la stratégie de guérilla de dispersion et de concentration.
Il s’agit donc de rompre avec le spectacle, avec la politique vécue comme "émotions", comme "communautés désirantes", de se réapproprier la science (les rapports de force réels et non rêvés...), la technique et la stratégie militaire (adaptées au présent !). Enfin, il nous faut mettre en relation cela avec l’art et le génie. Qu’est-ce que le génie ? C’est l’imagination, l’intuition, la prise de décision et la rapidité d’exécution....