Articlorama - l’art de la foire

Alimentée par des subventions publiques, soutenue par « La Compagnie Fruitière », elle même accusée d’épandage aérien de pesticides toxiques interdits en France. Le salon international d’art contemporain Marseillais Art-o-rama dont la masse salariale ponctuelle est composée uniquement d’auto-entrepreneur.euse a pour but de faire venir des collectionneur.euses en leur proposant des boissons gratuites.

Le salon international d’art contemporain Marseillais Art-o-rama est produit aujourd’hui et depuis 2016 par l’association Fræme. Cette dernière est le résultat de la fusion de Group et de Sextanetplus. Group était la première association créée par Jérôme Pantalacci en 2007 afin d’organiser Art-o-rama.
Financièrement, Fræme est alimentée par des subventions publiques, à savoir la région, le département, la ville, ponctuellement par la métropole Aix-Marseille, et enfin par la DRAC qui, comme chacun sait, est une antenne régionale du ministère de la culture.

Le principal mécène de l’association (à hauteur de 5%) est « La Compagnie Fruitière », une entreprise productrice de fruit exotique au Ghana, en Cote d’Ivoire, au Cameroun, en équateur et qui les revend en Europe. La Compagnie Fruitière est première productrice de fruits de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique et la première productrice au monde de bananes, en partie grâce aux politiques protectionnistes des anciennes puissances coloniales envers les état d’Afrique, dont elle bénéficiait jusqu’en 1993, dans un marché non concurrentiel. Jérôme Fabre, le directeur, fait parti des 500 plus grandes fortunes de France. En 2013, lors d’un reportage de l’émission française Cash investigation, diffusé sur France 2 en septembre 2013, la filiale camerounaise de la Compagnie Fruitière est accusée de nuire à la santé des populations locales, via l’épandage aérien de plusieurs pesticides toxiques, interdits en France entre 2000 et 2011. L’équipe d’investigation porte des accusations de corruption, et pointe une cascade de conflits d’intérêts avec des députés, d’anciens ministres camerounais, avec pour conséquences de multiples anomalies et problèmes qui s’ajoutent à la non-contribution au développement économique inclusif des communes où la société est implantée. Afin d’accréditer l’activité de la Cie Fruitière au sein du projet Art-o-rama, cette dernière organise des résidences d’artiste dans les pays où elle exploite les terres.

Dans ce salon il y a des galeristes qui exposent des artistes et des collectionneur.euses qui viennent acheter des œuvres. Il existe un comité de sélection qui est composé de 4 galeries et de 2 collectionneur.euses dont un qui est aussi directeur d’un musée à Bordeaux. Les collectionneur.euses, elles/eux, seront défrayé.e.s, pendant le weekend d’ouverture, des transports et de l’hébergement. Les galeries qui font partie du comité de sélection artistique motivent d’autres galeries à venir exposer. Les autres galeries paient leur emplacement une somme modique qui remboursera tout juste l’argent mis en jeux dans la masse salariale des technicien.nes qui construisent les cimaises. Cette masse salariale ponctuelle est composée uniquement d’auto-entrepreneur.euses, ce qui signifie que les trimestres de retraite ne sont pas systématiquement validés ainsi qu’une couverture sociale limitée, qu’ils ne cotisent pas pour le chômage, mais ce statut facilitera entre autre l’administration de l’association. Ielles participent donc à la normalisation d’une insécurité structurelle de l’emploi, avec de l’argent public. Embaucher un.e salarié.e coûte deux fois plus cher que de faire appel à un.e auto-entrepreneur.euse. La surveillance, et ce qui fait office de liant social pour les accrochages, sont assurés pendant trois semaines par des stagiaires, sous forme d’emploi dissimulé (35h à 2 euros 80 de l’heure sans réelle suivis).

La foire ne dégage pas de bénéfice direct mais permet à Jérôme et Véronique, les gérant.e.s de Fræme, d’avoir le salaire qu’ielles veulent ainsi qu’au 12 (dont deux apprentis) employé.e.s à l’année. Tout ce remue-ménage pour que Jérôme ait un emploi dans le milieu des galeristes d’art contemporain sans déménager, selon ses propres mots. En effet Jérome cherchait a continuer dans la même veine. Il a travaillé avec un galeriste avant de monter Group.

Quand les visiteur.euses nous demandent les prix, c’est parce qu’ielles trouvent jolis une peinture ou un tapis, nous ne sommes pas dans une exposition d’art, nous sommes dans un marché.

Le public est ciblé. C’est une foire, donc la population attendue se compose de collectionneur.euses qui connaissent déjà la plupart des artistes exposé.e.s. Jérôme me dit que tout les galeristes sont collectionneur.euses. Ils se connaissent ainsi toustes. L’exposition n’étant pas pensée pour des visiteur.euses spontané.e.s, le contenu demeure très inaccessible. De fait, le directeur me dit qu’ils n’ont pas de ligne directrice, ce qui est cohérent puisque c’est un marché. Ce n’est pas une exposition scénographiée, il n’y a pas de commissaire, il n’y pas de muséographe qui s’emploierait à faire coïncider le parcours de la visite et qui travaillerais en lien avec un.e scénographe ou un.e conservateur.trice. Objectivement l’offre proposée est d’une qualité médiocre et peu intéressante. Pas de cartel, pas d’explication ni de personnel informé. C’est une foire, pas une expo, une petite foire. A côté de ça, la marchandisation de l’art continue. Certains prix d’acquisition sont remis par une entreprise de fabrication de peinture, dénuée de compétences ou de légitimité pour décerner un tel prix. Les artistes vont alors chercher à avoir un prix qui augmentera leur notoriété et leur visibilité en allongeant la liste des récompenses obtenues. Cette année nous avons ainsi pu observer une nette augmentation de peintres, comparé aux années précédentes. Les choix artistiques sont clairement orientés.

Pour résumer, nous sommes en présence d’un évènement quasiment organisé qu’avec de l’argent public, à des intérêts privés. En effet, si normalement les subventions publiques dans le milieu de la culture servent à mettre en valeur des artistes, faire en sorte que toutes les classes sociales puissent s’intéresser à la culture, quelle soit abordable pas que dans son prix mais aussi dans sa compréhension (pour cela il serait nécessaire d’avoir une ligne directrice), il n’en est rien ici.

Aujourd’hui cette foire entasse des œuvres incohérentes les unes a coté des autres. Cet argent public participe allègrement à la gentrification de Marseille puisque l’évènement se passe dans un des quartiers les plus pauvres d’Europe. Sous prétexte d’une culture universelle, omniprésente et accessible à toustes, on déloge les habitant.e.s avec une structure qui ne les intéresse pas, qui ne cherche pas à être à la hauteur. Le but d’Art-o-rama est de faire venir des collectionneur.euses en leur proposant des boissons gratuites, en les nommant « VIP » afin qu’ils puissent acheter des œuvres à des galeries, la population visiteur.euse/exposant.e est clairement une élite blanche dominante. Il y aura eu 1000 personnes avec un ticket durant les deux semaines d’exposition contre 4000 VIP durant le weekend d’ouverture… Rappelons que cette exposition (en tout cas considérée comme telle par les visituer.euses) en plus d’être de piètre qualité et de son inclinaison à renforcer la précarité de l’emploi dans le secteur, est payante. 5 euros plein tarif / 3 euros tarif réduit.
FOIREUX

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