Brèves des Kurdistans, semaine du 11 décembre 2017
Le Kurdistan est réparti sur quatre états : L’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie. En référence à un grand Kurdistan et comme outil de lutte contre la colonisation de ces quatre États, les mouvements kurdes se réfèrent aux différentes régions du Kurdistan en les désignant par les points cardinaux (en kurde). Le Kurdistan du Nord (ou Bakur) correspond au Kurdistan de Turquie, le Kurdistan de l’Ouest (ou Rojava) à celui de Syrie, le Kurdistan du Sud (ou Bashur) à celui d’Irak et le Kurdistan de l’Est (ou Rojhelat) à celui d’Iran. Les brèves ici transmises concernent principalement le Kurdistan du Nord (Bakur) et le Kurdistan de l’Est (Rojhelat), mais des luttes (et la répression qui va avec) ont lieu également au Kurdistan ouest (Rojava) et au Kurdistan du Sud (Bashur).
Les politiques coloniales et racistes menées par les États turc, syrien, irakien et iranien ont conduit à utiliser des noms turcs, arabes ou perses pour désigner les villes kurdes. Les villes sont indiquées ici sous leur nom kurde avec le nom turc ou iranien entre parenthèses.
Tous les noms précédés d’une astérisque dans le texte, sont expliqués dans le glossaire.
Au Bakur* (Kurdistan du Nord, en Turquie ) de nouveaux couvre-feux ont été mis en place dans plusieurs municipalités :
- à Hasankeyf
- dans 15 villages du district de Bitlis
- dans quatre villages du district de Nusaybin
- dans 6 villages du distict de Mardin.
20 personnes du village du Siirt ont été arrêtées lors d’une opération militaire.
La guerre civile en cours au Bakur reste ainsi multiforme. Des bombardements ont également eu lieu dans le district de Dersim, ainsi que près du village de Xakurke, situé dans les montagnes du côté du Kurdistan irakien. En effet, les bases arrières des combattant.es du PKK se situent dans cette zone, au Bashur*, dans le massif montagneux de Qandil.
Au Bashur*, le PKK est très présent dans le camp de réfugié.es de Maxmur. La semaine dernière, une bombe y a explosé, faisant 5 mort.es et 6 bléssé.es. Maxmur est un camp de refugié.es kurdes qui ont fui les violences de l’État Turc dans les années 90. Ce camp est situé au sud de la capitale du Kurdistan irakien, à Hewler (Erbil). La guérilla du PKK, les HPG, ont tué 5 soldats turcs à Çukurca, en réponse à l’attaque subie au camp de réfugié.es de Maxmur.
Lors de la tenue du référendum sur l’indépendance du Kurdistan irakien, de très nombreux kurdes sont sorti.es dans la rue en Iran pour célébrer le résultat. Ils ont fait l’objet d’une intense répression par le régime iranien. Une étudiante en droit de la ville de Saqez, Zamaneh Zivia, a notamment été arrêtée la semaine dernière. Lors d’une première parution devant la cours pénale pour atteinte à la sécurité nationale, participation à un rassemblement illégal et atteinte à l’ordre public, elle a été condamnée à 50 coups de fouet et à une amende de 1 million 800 mille tomans. Elle doit encore comparaître devant la cours révolutionnaire.
D’autre personnes ont également été arrêtées pour avoir organisé une entre-aide avec les victimes du tremblement de terre qui a frappé le Kurdistan il y a un mois. Il n’y a aucune nouvelle de Sharham Farhadi, l’un des organisateurs de l’aide aux victimes du tremblement de terre. Il a été arrêté mardi dernier.
Enfin, le militant Ramin Panahi a entamé depuis une semaine une grève de la faim depuis sa cellule, pour revendiquer son droit à un avocat. Ramin Panahi a été blessé puis arrêté lors d’un clash entre des peshmergas* du Komala et des forces spéciales iraniennes en juin dernier. Les soldats l’avaient emmené puis déplacé dans plusieurs centres de détention, durant plusieurs mois, sans laisser savoir à sa famille qu’il était vivant. Il est aujourd’hui en cellule de confinement et plusieurs membre de sa famille ont également été arrêtés.
Pour aller plus loin, quelques sites d’informations
Pour le Bakur :
- ANF : https://anfturkce.net/
- Comme Jihna a été fermé, le site qui l’a remplacé est Gazete sujîn : https://www.gazetesujin.net
Pour le Bashur (Kurdistan irakien) :
- Rudaw : http://www.rudaw.net
- Ekurd : http://ekurd.net
Pour le Rojhelat :
- Kurdistan Human Right Association : www.kmmk.info/en/
- Hengaw : hengaw.info/en/ (sans le www.)
Liste médias français :
- Kurdistan au féminin et Kurdistanews
- Kedistan : www.kedistan.net
- Merhaba Hevalno, qui est un mensuel publié en ligne sur kedistan
Glossaire
Régions du Kurdistan :
Bakur : Kurdistan du Nord, situé dans le sud-est de la Turquie actuelle.
Bashur : Kurdistan du Sud, situé dans le nord-est de l’Irak actuel. Appelé « Gouvernement Régional du Kurdistan irakien » (GRK), depuis son autonomisation en 2005.
Rojhelat : Kurdistan de l’Est, situé au nord-ouest de l’Iran actuelle.
Rojava : Kurdistan de l’Ouest, situé au nord de la Syrie actuelle.
Partis kurdes, organisations politiques… :
Gorran : qui signifie « changement », en kurde sorani, a été fondé en 2009 des suites d’un important mouvement social lancé au Kurdistan irakien contre la corruption du gouvernement. Le mouvement s’est peu à peu institutionnalisé en parti, dans l’objectif de briser le monopole du pouvoir exercé par le PDK et l’UPK sur le Kurdistan irakien (Bashur). Cependant, le parti Gorran a été destabilisé par un scandale de corruption quelques années plus tard. L’actuel président en est Omar Saïd Ali.
Milices Hashad al-Shaabi : ces milices ont été créées en 2014 par l’Iran, en Irak. Elles constituent des menaces directes contre les combattant.es kurdes iranien.nes du Komala et du Parti Démocratique du Kurdistan Iranien (PDKI), qui avaient lancé une guérilla dans les années 70 et 80 contre l’Iran.
HPG : Forces de Défense du Peuple. Il s’agit du bataillon armé mixte du PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan. Ils opèrent principalement au Bakur (Kurdistan du Nord, Turquie), contre les forces turques, depuis leurs bases arrières établies au mont Qandil.
Kolbar : ce sont les travailleurs et travailleuses frontalièr.es, à la frontière irano-irakienne et irano-turque, chargé.es de transporter illégalement les marchandises. Ils et elles subissent une intense répression de la part de l’Iran.
Komala (Komalay Shorshgeri Zahmatkeshani Kurdistani Iran) : Comité des révolutionnaires du Kurdistan iranien, fondé en 1969, à Téhéran, en Iran. Peu de temps après la révolution iranienne en 1979, le Komala a lancé une guérilla contre l’Iran. Jusqu’à la fin des années 1980, ce parti d’origine marxiste contrôlait des zones autonomes au Rojhelat (Kurdistan de l’Est, en Iran). Un système politique organisé sur la base de communes était mis en place. Suite à d’intenses répressions, et à la guerre Iran-Irak entre 1980-1988, le Komala a dû se réfugier, comme le PDKI, dans les montagnes kurdes irakiennes. Après avoir gelé la guérilla pendant quinze ans, le Komala a repris la guérilla contre l’Iran depuis désormais un an et demi.
Pasdaran : de leur nom complet Sepah-e Pasdaran Enghelāb-e Eslami, qui signifie « Corps des Gardiens de la Révolution islamique », en Iran. Fondés en 1979 sous l’autorité de l’ayatollah Khomeiny, il s’agit d’une organisation paramilitaire de soldats d’élites, dotée de forces terrestres, aériennes et marines, dépendant du Guide Suprême. Cette organisation comprend des branches civiles, chargées principalement de la surveillance et du contrôle des populations, et qui agit conjointement avec les services secrets iraniens.
PDK : Parti Démocratique du Kurdistan d’Iran, fondé en 1946, par Mustafa Barzani. Ce parti a mené plusieurs guérillas contre le régime politique de Saddam Hussein, qui a gazé chimiquement des villes kurdes comme celle d’Halabja. En 2005, et après une guerre civile entre le PDK et l’UPK, le kurdistan irakien est autonomisé et devient le « Gouvernement Régional du Kurdistan irakien » (GRK). C’est son fils, Massoud Barzani, qui a pris la tête du parti après l’assassinat de Mustafa Barzani et est devenu président du GRK. Il a démissionné fin Octobre 2017, après le rejet du référendum pour l’indépendance du Kurdistan, par l’Iraq et des interventions militaires de celle-ci.
PDKI (Partî Dêmokiratî Kurdistanî Êran) : Parti Démocratique du Kurdistan d’Iran, fondé en 1945, à Téhéran, en Iran. Après avoir lancé des soulèvements armés dans les soixante contre l’Iran, le PDKI a lancé une guérilla après la révolution iranienne, plus ou moins en même temps que le Komala. Il est parvenu à autonomiser des zones, en mettant en place son propre système politique, juridique et sanitaire. En désaccord politique avec le Komala, il s’est progressivement retrouvé en conflit ouvert avec cet autre parti de guérilla kurde. Suite à d’intenses répressions, et à la guerre Iran-Irak entre 1980-1988, le PDKI a dû se réfugier, comme le Komala, dans les montagnes kurdes irakiennes. Après avoir gelé la guérilla pendant quinze ans, le PDKI a repris la guérilla contre l’Iran depuis désormais un an et demi.
Peshmergas : à l’origine, ce terme signifie « combattant.e face à la mort ». C’est le nom que ce sont donnés les kurdes qui ont pris la première fois les armes contre les régimes politiques qui les opprimaient : en 1925 en Irak, et en 1946 en Iran. Lorsque la région du Kurdistan irakien (Bahur) a eu accès à l’autonomie en 2005 et s’est dotée d’une armée régulière, cette armée a repris le nom de « peshermags » pour désigner les soldats, en mémoire aux combattant.es mort.es dans les précédentes luttes. Le PKK a fait le choix de nommé autrement ses propres forces, préférant le qualificatif de « guérilla » et de « militant.e ». Cependant, le PDKI et le Komala, au Rojhelat (Kurdistan de l’Est, Iran), continuent d’employer ce qualificatif pour désigner leurs combattant.es.
PKK (Partiya Karkerên Kurdistan) : Parti des travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978, à Ankara en Turquie. En 1984, le PKK a lancé une guérilla contre la Turquie, en établissant ses camps de base dans les monts Qandil, notamment. Plusieurs cessez-le-feu et reprise de la guérilla contre la Turquie se sont suivis. Abdullah Öcalan, l’un des membres fondateurs du parti, a été emprisonné en 1999, sur l’île-prison d’Imrali, en Turquie. Le PKK mène toujours une guérilla contre la Turquie, et a de nombreuses organisations sœurs dans d’autres régions du Kurdistan, comme le PYD au Rojava, le PJAK au Rojhelat, et le TACK (Tevgera Azadî ya Civaka Kurdistanê) au Kurdistan irakien.
UPK : Union patriotique du Kurdistan, a été fondé en 1975, par Jalal Talabani, après une scission avec son ancien parti, le PDK (Parti Démocratique du Kurdistan). Le parti devient une organisation concurrente du PDK dans la lutte armée contre le régime de Saddam Hussein, en Irak, et pour l’indépendance du Kurdistan irakien. À l’issue de la guerre civile qui a opposé le PDK et l’UPK, ces deux partis se divisent le territoire du Kurdistan irakien en deux. En 2005, lorsque le Kurdistan irakien devient autonome, cette division du territoire est maintenue : l’une est sous l’autorité du PDK, tandis que l’autre est sous celle de l’UPK. Jalal Talabani, ancien président de l’Iraq de 2005 à 2014, est mort en 2017. L’UPK est aujourd’hui dirigé par Kosrat Rasul Ali.
YJA-STAR : bataillon armée non-mixte de femmes du PKK, Parti des Travailleurs du Kurdistan. Elles opèrent principalement au Bakur (Kurdistan du Nord, Turquie), contre les forces turques, depuis leurs bases arrières établies au mont Qandil. Leurs opérations sont effectuées soit en non-mixité, soit conjointement avec les HPG*.