Les médias occidentaux ont réagi à la vitesse de l’éclair à la reprise des combats en Syrie : Des « rebelles » ou des « insurgés » pénètrent dans la ville d’Alep, écrivent la plupart des journaux tels que la BBC, CNN ou Mediapart.
D’autres médias comme Süddeutsche ou Le Monde parlent de « djihadistes » ou d’« islamistes ».
Un examen plus approfondi s’impose.
Deux groupes revêtent une importance particulière :
1. Le groupe terroriste « Hayat Tahrir al-Sham » (HTS), qui est la ramification syrienne d’Al-Qaïda et qui était autrefois appelé le front d’Al-Nusra.
2. L’armée mandataire « Armée nationale syrienne » (ANS ou SNA en anglais), qui est loyale à la Turquie. Alors que le HTS envahit actuellement Alep, la SNA se prépare à une attaque majeure contre l’auto-administration à Tel Rifat (Efrîn-Şehba). Pendant ce temps, l’aviation et l’artillerie turques bombardent la région. Des mercenaires djihadistes sont également transférés de la Turquie vers le nord de la Syrie.
3. Les Forces Démocratiques Syriennes (FDS ou QSD) sont une coalition militaire formée en 2015 pendant la guerre civile syrienne. Actives dans le nord de la Syrie, les FDS visent surtout à chasser l’État islamique et la Turquie de la zone. Largement dominées par les kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), les FDS regroupent également des rebelles arabes proches de l’Armée syrienne libre, des tribus locales comme l’Armée Al-Sanadid et des chrétiens du Conseil militaire syriaque.
Ferhad Şami, porte-parole des Forces démocratiques syriennes (FDS), a récemment déclaré :
« Le plan d’attaque a été élaboré par l’État turc et la Turquie veut le mettre en œuvre avec Al-Nusra. L’attaque suit un concept et est menée pas à pas par la Turquie. Pour mieux comprendre cette opération, il faut voir le rôle de la Turquie. La Turquie ne veut pas que la paix revienne en Syrie. Pour occuper la Syrie à long terme, on change les noms des bandes, mais c’est l’Etat turc qui les coordonne ».
La confusion des termes dans les médias occidentaux découle de la stratégie de l’État turc consistant à utiliser et à coordonner des organisations djihadistes d’orientations idéologiques et politiques différentes pour ses propres plans d’occupation. Alors que le HTS est considéré internationalement comme un groupe terroriste, le SNA est toléré en tant que « groupe rebelle » supposé modéré. Cela s’explique par le fait que le SNA est plus directement subordonné à la Turquie (qui reçoit elle même du soutien de l’OTAN en tant que membre). En outre, les organisations membres du SNA et celles qui l’ont précédé ont reçu le soutien des forces occidentales par le passé. La Turquie exploite ce comportement ambivalent de l’Occident pour mettre en œuvre ses propres plans d’occupation. Les médias occidentaux réagissent eux aussi de manière ambivalente.
D’une part, il convient de souligner que le HTS et le SNA sont clairement des groupes terroristes djihadistes. D’autre part, tout le monde devrait savoir que le régime AKP/MHP (Parti politique du dictateur turc Erdogan) a déjà soutenu logistiquement et financièrement des groupes djihadistes tels que l’État islamique (EI) et qu’il est idéologiquement proche d’eux par l’intermédiaire des Frères musulmans. N’oublions pas, par exemple, que les journalistes turcs Can Dündar et Erdem Gül ont publié dans Cumhuriyet, le 29 mai 2015, des images prouvant que les services secrets turcs MIT fournissaient des armes aux islamistes en Syrie. Il convient également de souligner que les djihadistes du SNA et l’armée turque ont commis et continuent de commettre d’innombrables crimes de guerre à Efrîn, dans le nord-ouest de la Syrie, qui est occupée depuis 2018.
Le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains écrit : « Les groupes armés soutenus par la Turquie et opérant sous l’égide de l’Armée nationale syrienne (ANS), qui avaient déjà commis des crimes dans de nombreux endroits, ont imposé un régime arbitraire à Afrin. Au sud de la Turquie, ils commettent systématiquement des atrocités, notamment des arrestations arbitraires de civils, des violences sexuelles, des actes de torture, ainsi que des pillages et des meurtres systématiques. » La population majoritairement kurde a été chassée de ses terres et de ses maisons. En l’espace de six ans, plus de dix mille personnes ont été enlevées par les djihadistes de la SNA. Selon l’avocat Roşîn Hido, coprésident de l’Union des avocats du canton d’Efrîn-Şehba, ils exigent des rançons ou forcent les femmes et les jeunes filles à se marier et les traitent comme des esclaves. La position historique et idéologique du HTS et du SNA apparaît clairement dans les propos suivants de Roşîn Hido : « Bien sûr, [les crimes de guerre du HTS et du SNA] visent aussi à se venger de l’IS, dans la chute duquel les femmes kurdes ont été largement impliquées. »
Un examen plus approfondi des organisations membres révèle également que ce ne sont pas des rebelles ou des insurgés qui progressent ici, mais des groupes terroristes djihadistes qui n’ont rien à envier à l’État islamique (EI). Pour ne citer que quelques exemples :
- HTS est l’organisation qui a succédé au Front Al-Nusra, la branche syrienne d’Al-Qaïda. C’est l’ancien dirigeant de l’EI, Abu Bakr al-Baghdadi, qui a fait venir en Syrie le chef de guerre suprême de HTS, Abu Mohammad al-Cholani, qui dirige actuellement l’attaque sur Alep, afin qu’Al-Qaïda puisse s’établir en Syrie. Par la suite, des luttes de pouvoir ont éclaté entre Al-Baghdadi et Al-Cholani pour la direction du mouvement djihadiste en Syrie. Al-Cholani a de facto remporté cette lutte de pouvoir après la destruction territoriale de l’EI. En ce sens, il n’est pas étonnant que de nombreux anciens combattants de l’EI prennent part à la guerre actuelle.
Ces groupes terroristes sont également actifs en Europe : L’auteur du dernier attentat terroriste à Munich le 5 septembre 2024 était un partisan de ce même Front Al-Nusra et a été observé par les autorités de sécurité autrichiennes parce qu’il aurait fait de la propagande pour le HTS.
- Selon un rapport d’Amnesty International (mai 2016) et de la Commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie, les Brigades Sultan Murad, fascistes turkmènes, ont commis de nombreux crimes de guerre contre les habitants du quartier kurde de Şêx Meqsûd à Alep après que Fatah Halab, une alliance d’organisations terroristes djihadistes, a échoué à conquérir Şêx Meqsûd. Le bombardement arbitraire du quartier kurde de la ville a fait des victimes civiles directes. Les Brigades Sultan Murad et d’autres organisations terroristes sont désormais membres de l’ANS et tentent de conquérir Alep et le quartier kurde de Şêx Meqsûd pour la deuxième fois, si l’on peut dire.
- En 2016, une vidéo a circulé sur l’internet dans laquelle des combattants de Nour al-Din al-Zinki décapitaient un garçon palestinien de 12 ans. Cette vidéo a fait scandale, car ce groupe terroriste avait auparavant reçu un soutien militaire et financier des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de la Turquie et de certains États du Golfe en tant que « groupe rebelle ». Des éléments de cette organisation terroriste ont ensuite été intégrés à la SNA sous l’influence de la Turquie.
Ces exemples sont loin d’être exhaustifs pour comprendre l’étendue et la réalité de ces organisations terroristes soutenues par la Turquie et en partie par l’Occident. Cependant, ils permettent de visualiser qu’il n’y a que peu ou pas de différences idéologiques et politiques entre l’IS, le HTS et la SNA. L’incapacité des médias occidentaux à élaborer des reportages clairs et sans ambiguïté sur la nouvelle escalade de la guerre civile en Syrie n’en est que plus étrange. Il est important d’appeler le HTS et le SNA pour ce qu’ils sont : des groupes terroristes djihadistes loyaux à la Turquie, qui on le rappelle, fait partie de l’OTAN.
Escalade en Syrie : Les islamistes fidèles à la Turquie lancent une attaque contre les zones kurdes
Après le déclenchement des combats les plus intenses en Syrie depuis plusieurs années, les zones kurdes sont désormais fortement menacées par les attaques de groupes djihadistes coopérant avec la Turquie. Alors que le groupe islamiste Haiat Tahrir Al-Sham (HTS) avancait sur Alep depuis mercredi et combat les forces du régime Assad, les mercenaires fidèles à la Turquie de la soi-disant Armée nationale syrienne (ANS) préparent actuellement une attaque majeure contre la région kurde de Tal Rifaat, dans le nord-ouest de la Syrie. L’armée turque bombarde déjà la région depuis les airs et au sol. Des attaques contre la ville kurde d’Ain Issa ont également été signalées. Selon des sources locales, la Turquie a également ouvert la frontière avec le nord-ouest de la Syrie, permettant à davantage de combattants djihadistes d’entrer en Syrie.
Tal Rifaat abrite plusieurs centaines de milliers de réfugiés kurdes qui ont été contraints de fuir en 2018 suite à la guerre d’agression menée par la Turquie à Efrîn (Afrin) en violation du droit international. Depuis, le SNA, une alliance de diverses organisations islamistes et d’anciens combattants de l’IS, et l’armée turque contrôlent la région. Les organisations de défense des droits de l’homme craignent que les attaques du SNA ne chassent à nouveau les réfugiés d’Efrîn. Un nettoyage ethnique de la population kurde a eu lieu à Efrîn pendant l’occupation turque. Depuis, la Turquie a expulsé la majorité des Kurdes de la région et y a installé des personnes d’origine arabe, laissant la population kurde en minorité dans la région. Des violations systématiques des droits de l’homme, telles que des enlèvements, des expulsions, des tortures et des violences sexuelles sous le règne des milices islamistes, ont été signalées dans la région. Aujourd’hui, les habitants de Tal Rifaat sont confrontés à un sort similaire. La population kurde d’Alep, qui vit principalement dans les quartiers de Shasmeqsûd et d’Eşrefiyê, est également menacée par l’avancée de Haiat Tahrir Al-Sham. Ce groupe a attaqué à plusieurs reprises des zones d’autonomie kurde dans le passé, au cours de la guerre civile syrienne.
Pour suivre la progression des combats, il existe cette carte mise à jour minute par minute : https://syria.liveuamap.com/
Alors que de grandes parties de la ville d’Alep sont déjà tombées, de nombreux civils ont trouvé refuge dans le district autonome de Sheikh Maqsoud. Pendant ce temps, les forces d’autodéfense des districts autonomes se préparent à la résistance et la population nettoie ses armes. Les cris de « Biji Berxwedana Sheikh Maqsoud » (Vive la résistance de Sheikh Maqsoud) et « An Serkeftin An Serkeftin » (Le succès et rien que le succès) sont entendus partout. De même, les colonnes des YPG et des YPJ ont atteint la ville vendredi soir et ont été accueillies par des gens qui applaudissaient.
En fonction de la situation, toutes les forces démocratiques et révolutionnaires doivent se préparer, tout comme le peuple de Sheik Maqsoud et les forces de défense de la révolution, et être prêtes à toute éventualité !
Rise Up 4 Rojava – Smash Turkish Fascism !
Ces synthèses sont tirés de plusieurs médias :
Carte des combats en direct
Ronahi : Guerre en Syrie, HTS et ANS : Rebelles ou djihadistes ?
KNK Kurdistan : Attaques des milices islamistes turques au Kurdistan
RiseUp4Rojava : Offensives turques à Alep
ANF : Les forces de défense du peuple repoussent les mercenaires turques sur deux villages
ANF : Combats entre les SDF et les ANS à Al Bab
Synthèse réalisé par le CIMK, collectif internationaliste Marseille Kurdistan