La Grande-Bretagne veut utiliser l’armée contre les migrant·e·s

Le gouvernement conservateur britannique estime que trop de personnes arrivent en Grande-Bretagne par la Manche. Il transforme la situation en une menace nationale. En utilisant une rhétorique grossière, Boris Johnson décrit la traversée de la Manche comme "stupide, dangereuse et criminelle". Le ministre de l’intérieur, Priti Patel, a promis que tout serait fait pour que la route qui traverse la Manche ne soit plus utilisée et que le pays soit protégé de l’immigration illégale. Pourtant, il n’est nullement illégal d’entrer dans un pays sans papiers pour y demander l’asile.

Beaucoup de ces déclarations peuvent être qualifiées d’incitation à la haine de la part d’acteurs voulant affirmer leur puissance politique. La "protection contre les migrants" a été un argument majeur dans la lutte contre Brexit. A partir de 2021, lorsque la période transitoire expirera et que le droit communautaire ne sera plus applicable au Royaume-Uni, sa politique migratoire changera beaucoup, car les accords de Dublin sur le rapatriement vers d’autres pays de l’UE seront alors caducs. L’accès aux bases de données européennes sans aucune restriction ne sera plus possible. La coopération avec des pays comme la France devra être renégociée. Au-delà de la rhétorique brute, le gouvernement montre également des signes d’action : Depuis une semaine, un avion militaire traverse la Manche pour effrayer les gens. Dan O’Mahoney a été nommé par le ministre de l’intérieur Patel comme le nouveau " Clandestine Channel Threat Commander ". En outre, la France pourrait recevoir plus d’argent pour intensifier la protection des frontières sur la côte - des discussions à ce sujet ont eu lieu la semaine dernière.
Selon Migration Watch, la Grande-Bretagne a versé plus de 350 millions d’euros à la France depuis 2010, et 33,3 millions supplémentaires sont actuellement en discussion. L’argent a notamment été utilisé pour construire le système de défense avec ses clôtures hautes et ses caméras de surveillance à l’entrée de l’Eurotunnel. En outre, des camps de réception ont été mis en place sur le sol français.
La rhétorique qui présente les gens en fuite comme un danger pour la nation légitime également dans les structures de pensée de droite l’utilisation de l’armée contre eux. Patel a annoncé que si les traversées ne s’arrêtaient pas maintenant, la marine serait déployée pour "protéger les côtes". Avec la marine contre les canots pneumatiques ? Le député français de Calais, Pierre Henri Dumont, réagit avec irritation à l’annonce de l’opération navale sur la Manche. Il considère qu’une telle opération est inutile et demande rhétoriquement si la marine est "prête à tirer sur les petits bateaux qui ont pénétré dans les eaux britanniques, c’est-à-dire à 12 milles nautiques des côtes britanniques" ou si elle a même l’intention de pénétrer dans les eaux territoriales françaises pour forcer les bateaux à revenir sur la côte.
Le déploiement des forces militaires britanniques en Irak et en Afghanistan, entre autres, est l’une des raisons pour lesquelles les gens sont en fuite en premier lieu. Le British Refugee Council répond à la déclaration de Johnson : "La demande d’asile n’est en aucun cas un crime". Au lieu de se précipiter, le chef du gouvernement devrait plutôt s’assurer que les exilé·.e·s peuvent venir en Grande-Bretagne en toute sécurité et de manière légale pour y demander l’asile - et ne pas risquer leur vie sur le canal.

PS :

Extrait de la revue de presse antiraciste du 17 août 2020, disponible sur antira.org.

Antira.org est une revue de presse hebdomadaire suisse-allémanique dont l’objectif est de constituer une ressource pour les luttes antiracistes grâce à une analyse de l’actualité et des transformations du racisme systémique

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