La lutte kurde n’est pas un crime

Aujourd’hui jeudi 23 mars 2023 cela fait tout juste deux ans qu’une dizaine de personnes de la communauté kurde ont été mises en garde à vue. Deux ans plus tard l’affaire continue…

Retour sur les faits :

Le 23 mars 2021, 13 personnes ont été arrêtées dans de violentes perquisitions menées par la DGSI dans les villes de Marseille, Paris et Draguignan. Illes sont accusé.e.s d’association de malfaiteur et d’appartenance à une organisation terroriste, lié.e.s au PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan). Aujourd’hui, 9 personnes sont encore inquiétées par la justice. Quatre sont toujours en détention provisoire dont 3 en mauvaise santé ; d’autres sont en liberté conditionnelle en attente du procès – mais doivent pointer au commissariat.

A l’extérieur de la prison la répression continue et prend des différentes formes : certains d’entre eux se voient retirer leur statut de réfugié pour appartenance terroriste alors que le procès n’est pas passé (à se demander à quel point cette procédure est légale…). On ne manquera pas aussi de rappeler le nombre faramineux de personnes interrogées au cours de l’enquête (environ 800 personnes rien qu’à Marseille).
Aujourd’hui l’enquête est, a priori, terminée et la date du procès se profile prochainement.

Contexte politique :

Loin d’être une action isolée, ces arrestations sont les conséquences de la collaboration historique des états européens - notamment français - avec l’état turc. Elles interviennent suite à un échange téléphonique entre Macron et Erdogan début mars, suivi d’un entretien avec les ministres des affaires étrangères des deux pays, juste avant les arrestations, portant sur les affaires migratoires et le contexte tendu en Méditerranée Orientale.

Erdogan a l’habitude de faire pression sur les états européens en utilisant la présence de milliers de réfugiés.e.s syrien.n.e.s sur son territoire, mais aussi par son influence grandissante au Moyen-Orient pour faire du chantage politique et obtenir un appui européen de sa répression anti-kurde (arrestation des membres du parti politique pro kurde HDP, de ses attaques contre le Rojava, l’utilisation d’agents chimiques etc.). Ce chantage est aussi particulièrement visible ces derniers temps concernant l’adhésion de la Suède et de la Finlande dans l’OTAN. La Turquie mettait constamment son véto car Erdogan trouvait la politique finlandaise et suédoise trop laxiste avec le mouvement kurde.

Si les états européens se targuent de dire que les kurdes sont « nos alliés » contre les djihadistes de Daech ils n’hésitent pas à les considérer comme terroristes au sein de leur propres pays. L’inscription du PKK au sein des listes des organisations terroristes en Europe participe au chantage de l’état turc. Le mouvement kurde a été inscrit sur la liste européenne en 2002 à la demande de la Turquie, membre de l’OTAN. La Cour de justice de Luxembourg, a jugé en 2018 que le PKK avait été injustement inscrit sur la liste des organisations terroristes entre 2014 et 2017. Outre les erreurs de procédure, le jugement fait référence à l’appel à la paix lancé par Abdullah Öcalan en 2013. La justice belge est allée plus loin encore en rejetant la qualification terroriste : dans une décision rendue en 2020, les juges de Bruxelles ont estimé que le PKK ne pouvait juridiquement être considéré comme une organisation terroriste dans la mesure où il est partie à un conflit armé non international, ce qui entraîne l’application du droit de la guerre et non de la législation interne.

La focalisation de la politique française à criminaliser la lutte kurde aboutit à des drames. En France les kurdes sont donc non seulement la cible des politiques antiterroristes mais aussi des fascistes turcs. Entre le 9 janvier 2013 et le 23 décembre 6 personnes de la communauté kurde se sont faites assassinées en plein Paris. Malgré ce double meurtre la levée du secret défense n’est toujours pas d’actualité et les enquêtes se déroulent de manière particulièrement opaque.

Le silence autour de cette répression est insupportable. Voilà pourquoi nous devons faire entendre nos voix !

Solidarité antifasciste et internationale avec le peuple kurde !
Relâche de tous et toutes les prisonnièr.e.s !
Arrêt des poursuites judiciaires !

PS :

https://rojinfo.com/plusieurs-activistes-kurdes-arretes-a-marseille-et-en-region-parisienne/
https://blogs.mediapart.fr/objecteurs-de-conscience-de-turquie/blog/260321/halte-aux-arrestations-des-kurdes-en-france
https://kurdistan-au-feminin.fr/2021/03/23/marseille-les-kurdes-manifestent-le-24-mars-contre-larrestation-de-militants-kurdes/
Articles la Marseillaise , mercredi 24 mars 2021 : Arrestations de Kurdes : les « gages » de Macron au Sultan

Nous n’avons aucune information officielle sur les raisons de ces arrestations », déplore Salih Azad, responsable du Centre démocratique des Kurdes de Marseille. Une perquisition a eu lieu ce mardi matin dans les locaux de l’association et des membres ont été arrêtés.

À Marseille, mais aussi Paris et Draguignan, les forces de police française ont visé des membres de la communauté kurde ce mardi. Sur les réseaux sociaux, des images des lieux saccagés ont été diffusées. Mais ces attaques ne sont pas une surprise : « On est en droit de se demander si la France veut donner des gages à la Turquie », s’interroge Salih Azad.

Normaliser les relations « sur le dos des Kurdes »

Ces arrestations interviennent alors qu’Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan se sont entretenus le 2mars, suivi par un appel entre le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et son homologue turc Mevlüt Cavusoglu il y a quelques jours. Pour le PCF, « Emmanuel Macron normalise ses relations avec Recep Tayyip Erdogan sur le dos des Kurdes », alerte le parti dans un communiqué. Il souligne que le « prix de cette réconciliation passe par la criminalisation des Kurdes de France qui déploient une activité pacifique afin de faire valoir la démocratie en Turquie ».

Ce mardi soir dans l’émission « C dans l’air » sur France 5, interviewé dans le cadre du documentaire Erdogan : le sultan qui défie l’Europe, Emmanuel Macron n’a pas prononcé une seule fois le mot « kurde »...

Dans son pays, Erdogan multiplie pourtant les attaques contre les Kurdes, notamment à travers le HDP. Le parti est visé par une répression massive depuis 2016 avec l’arrestation de plusieurs de ses élus et de ses dirigeants, dont l’un de ses fondateurs, Selahattin Demirtas.

Le HDP est aujourd’hui le 2e parti d’opposition du pays, ses membres ont été élus par le peuple et pourtant il subit l’autoritarisme du pouvoir turc. Une procédure a été lancée par les autorités turques pour interdire le parti.

L’UE toujours pas prête 
à sanctionner Ankara

« L’imminente dissolution du HDP résonne comme une répétition de l’histoire des partis politique kurdes en Turquie et constitue une punition collective qui bafoue les droits de plus de 6millions d’électeurs », condamne la Coordination nationale solidarité Kurdistan (CNDK). « Il s’agit d’un véritable putsch contre la démocratie ! », assure-t-elle.

Le HDP est accusé d’être lié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qualifié de « terroriste » par la Turquie et ses alliés occidentaux. « Le terrorisme, c’est la Turquie qui est derrière en finançant Daesh », martèle Salih Azad.

Les relations avec Ankara seront l’un des sujets principaux du prochain sommet européen prévu les 25 et 26mars. L’UE cherche à rétablir des relations secouées par les attaques répétées d’Erdogan envers l’UE et en particulier la France. Ce lundi, à la sortie d’une réunion entre les ministres des Affaires étrangères européens, le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas a déploré « les jeux de lumière et d’ombre » du pouvoir turc. 
« Les événements auxquels nous venons d’assister ces derniers jours, la volonté d’interdire le Parti démocratique des peuples (HDP) et le retrait de la convention d’Istanbul, sont de mauvais signes », a-t-il assuré. Mais aucun des pays n’est prêt à rompre les relations avec Ankara. « La Turquie est un partenaire important pour les migrations », concède le ministre slovaque Ivan Korcok.
L.Pi.

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