Larmes et paillettes

Peut-on faire la fête dans des lieux générant et cautionnant la violence depuis si longtemps ?

Toi qui t’apprêtes à aller, peut être, au Festivalette [1].
Dans ce lieu mythique, magique, si beau au printemps ! Son valat, sa piscine, ses chemins champêtres où des mains agiles, ou pas, ont dans tous les états et au son de la conque créé, construit, façonné ce paysage onirique.

Sache que c’est aussi comme tant d’autres lieux un espace :

  • où être contre la loi laisse la place à la loi du plus fort
  • où les rapports de domination ne sont pas remis en question
  • où féministe y est une insulte
  • où, au milieu de plein de « potes » tu peux être seul-e
  • où face aux violences récurrentes il n’y a toujours pas de réponses collectives
  • où c’est :« marche, ou crève ! »
  • où la peur ( d’être isolé-es, rejeté-es, harcelé-es) empêche d’agir et cautionne ce système

Ceci est un appel à réfléchir à nos pratiques intimes et collectives pour ne pas détourner le regard même sous une pluie de paillettes

— -

Suite à des demandes de précisions on a écrit ceci :

Si ce texte a été écrit collectivement, les commentaires qui s’en suivront sous notre identifiant sont faits de façon individuelle et pourront donc être multiples même si nous assumons tout ce qui pourra être dit par tou(te)s.

La liste des viols et violences, présumées et avérées, subies par des personnes en ces lieux sur toute son occupation est très longue, et n’a toujours été que cris, mais surtout chuchotements, dans l’intime.

La difficulté de communiquer que génère ces situations (peur de se faire démolir verbalement voire physiquement, stigmatisation, certain(e)s n’étaient que de passage et disparaissent rapidement avec leur trauma, envie d’oublier…) n’est plus à démontrer et j’espère qu’il n’est jamais trop tard pour réagir.

Pour citer la dernière en date et, en rapport avec ce festival : une personne, habitante à l’époque (appelons-la X), s’est fait agresser par deux fois par deux habitants différents (appelons-les Y et Z) il y a plus d’un an.
Si cela m’attriste de le préciser, on parle d’une violence telle que la réparation nécessite prothèse et chirurgie et est loin d’être terminée.

X n’a reçu non seulement aucun soutien (ce qui pourrait quasiment être reconnu comme un protocole inscrit en ce lieu), mais s’est vu demandé de partir puis, récemment, jeté ou « réquisitionné » toutes ses affaires…

Y, le responsable de la première agression est connu pour ce genre de faits depuis toujours et puisque, « Ni dieu Ni Maître MAIS qu’est-ce qu’on aime les IDOLES », il n’est que rarement inquiété. Ayant fait partie de ce collectif par le passé, j’accepte pleinement ma part de responsabilité dans cette situation.

Z, deuxième agresseur, moins en position de force, a été prié mollement de partir depuis un an mais, alors qu’on peut se faire éjecter très violemment de cet endroit en 2 secondes si l’on est inconnu du cercle et/ou que « l’on ressemble à un keuf », était toujours présent jusqu’à peu. Il semblerait qu’il ait été enfin sorti du paysage. Pour ma part cela a clairement été fait dans le cadre du grand ménage de printemps précédant la préparation du festival.
D’où les notions de vernis et de paillettes.

Nous ne nous sommes pas tombé d’accord sur un appel à boycott, même si cela était un souhait de certain(e)s (sans illusion toutefois), mais nous souhaitions que chacun(e) se questionne.

Jusqu’où fait-on la fête ? Considère-t-on que, quand on se déplace et s’amuse dans un endroit qui a des prétentions libertaires et détruit autant de personnes, on le soutient ? Pour ma part je le pense.

Peut-être qu’avec le temps, je ne suis plus si « Show must go on » et que :

« Je ne crois pas en la fête car c’est une fausse intensité, je ne crois pas en la fête car c’est un espace de rapport biaisé » (Passion Armée).

O.

Les précisions apportées ne sont qu’un début. Nous avons voulu répondre rapidement car le festival se déroule en ce moment, j’espère qu’il y aura une suite, je souhaite qu’il y ait une suite ; pour libérer la parole, lâcher les rancœurs et le poids de nos colères frustrées, pour acter ce qui s’est passé pour de nombreuses personnes dont la réalité a été niée, mise sous silence, … Pourquoi pas aussi y amener un changement dans les relations et la vie dans ce(s) lieu(x), renseigner les nouveaux arrivants…

Des ajouts seront faits sur l’explication du fonctionnement de ce(s) lieu(x).

On pourrait sans doute apporter des éléments d’analyse sur son (leur) fonctionnement(s), des témoignages de vécus.

Et heureusement, on y a aussi, j’imagine pour la plupart, tiré des forces, des amitiés, des idées. Encore que pour certain(e)s, à quel prix !?

P.

Notes :

[1Le festivalette c’est trois jours de teuf dans le lieu dont il est question, La Vallette, située dans les Cevennes ; un village collectif investi il y a quinze ans et retapé depuis.

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