Le nombre de personnes refoulées par la PAF de Menton augmente. La violence est systématique et structurelle

Vidéo réalisée par un prisonnier de la PAF de Menton et relais des rapports effectués par Kesha Nya pour la semaine du 20 octobre au 2 novembre 2019. Rassemblement le 5 décembre à la frontière.

Kesha Niya (Sorani Kurde pour "No Problem") a été fondée en mars 2016, après l’ouverture du camp "La Liniere" à Grande Synthe, en réponse aux conditions de vie inhumaines dans la jungle de Grande Synthe. Nous croyons fermement que les frontières actuelles font obstacle à la liberté, à la sécurité et aux droits de l’homme pour tous. Les frontières mènent non seulement au racisme, à la xénophobie et à la haine, mais elles forcent aussi les gens à se placer dans une situation où ils courent un risque incroyable de persécution et souvent de mort. Nous pensons que les droits de l’homme ne doivent pas dépendre de l’endroit où l’on naît ou où l’on vit et que toutes les personnes doivent se voir offrir les mêmes chances.

Cette semaine (27-10 - 02-11), nous avons rencontré 565 personnes à la frontière franco-italienne, à Grimaldi Inferiore, qui ont été arrêtées par la police française puis refoulées en Italie. Encore une fois, le nombre le plus élevé a été dépassé depuis le début de la collecte de données. De plus, nous savons que 6 autres personnes ont été refoulées, mais ne sont pas entrées en contact directement avec nous. Ces 6 personnes se sont rendues à Vintimille en bus, avec la Croix-Rouge ou la police italienne. Donc, au moins 571 personnes ont été refoulées.

Les chiffres susmentionnés (565/571) comprennent 14 mineurs non accompagnés, 18 femmes (une enceinte), 5 enfants et un mineur non accompagné, que la police italienne, sans notre intervention, a ramenés en France.

Mineurs

Parmi les 14 mineurs rencontrés cette semaine, ces 4 cas se distinguent plus particulièrement.

Un adolescent de 14 ans a été enregistré par la police française en tant qu’adulte âgé de 40 ans (1979 avec refus d’entrée) et la police italienne l’a apparemment enregistré avec 4 empreintes digitales comme ayant 40 ans. Nous sommes retournés voir la police italienne avec le jeune homme de 14 ans et leur avons demandé comment cette erreur d’enregistrement évidente pouvait se produire. La policière présente a déclaré qu’elle ne pouvait rien faire à ce sujet et que, pour le moment, il n’y avait aucune connection avec la base de données de l’État. Il faut se demander si c’était vraiment le cas, car les empreintes digitales avaient été prises juste avant et cela n’est possible que si l’accès à la base de données est disponible et si le système d’enregistrement est fonctionnel. En outre, il est souvent arrivé par le passé que, lorsque nous sommes retournés avec des mineurs à la police italienne, le système d’enregistrement ne fonctionne pas comme par hasard.

Le lendemain, le même adolescent a de nouveau été repoussé par la France, mais cette fois, il avait 19 an et plus 40 sur le papier français.

Un jeune homme de 16 ans, enregistré en Italie comme ayant 20 ans, était en possession de tous ses documents officiels de Côte d’Ivoire confirmant qu’il avait 16 ans, mais ne les a pas montrés à la police car il avait peur de se les faire voler.

On nous a parlé de deux cas de violence contre des mineurs.

Le 2 novembre, un jeune âgé de 17 ans aurait été frappé au nez par la police française. Il a dit qu’il avait 20 ans parce qu’il ne voulait pas être séparé de ses amis. La police française aurait également utilisé du spray au poivre lors de sa libération. (ce qui semble systématique, cf vidéo)

La violence

Ce jour-là (2 novembre 2011), nous avons été informés d’au moins 24 cas dans lesquels la police française avait utilisé du spray au poivre sur des personnes lors de leur libération. L’une de ces personnes, après en avoir recu au visage, a perdu conscience, est tombée au sol et s’est blessé au genou. Ses amis ont rapporté que la police française lui avait donné des coups de pied alors qu’il gisait inconscient sur le sol.

Au cours de cette semaine, nous avons entendu parler de 17 autres situations dans lesquelles des policiers français ont pulvérisé du gaz au poivre lors de libérations des algecos.

Un homme nous a expliqué qu’à 21 heures, le soir du 27 octobre, il était près d’un tunnel sur l’A8, dans les montagnes au-dessus de Menton. Il était sur un chemin qui mène à Menton et a réussi à se rapprocher d’une propriété privée. L’instant suivant, il entendit quelqu’un crier "Stop". Il se retourna et courut vers l’Italie. Il raconte avoir alors entendu des coups de feu. Il a pu rentrer en Italie sans être arrêté. Avant tout cela, cette personne a vu un groupe de 5 personnes qui ont également tenté de franchir la frontière à pied. Ce groupe a été arrêté dans les montagnes par l’armée française et nous a rencontré le lendemain, confirmant que des coups de feu avaient été tirés à 21 heures.

Deux personnes auraient été frappées par des policiers français après avoir été arrêtées dans les toilettes d’un train.

Un homme a déclaré qu’il avait été frappé par cinq policiers français sur la voie 1 à la gare de Menton-Garavan à 18h12 le 31 octobre, jour de son arrestation. Il se souvient des auteurs, mais comme il s’est protégé la tête avec les mains lors de l’attaque, il n’a pas pu nous donner plus de détails.

Un policier français a demandé à des personnes détenues de lui donner des documents par la porte. Un homme a fait passer les siens à travers la porte et a signalé qu’à ce moment-là le policier lui avait claqué la porte sur les doigts. Il était blessé quand nous l’avons rencontré.

Un activiste marocain des droits de l’homme a également été arrêté par la police française et placé dans les algecos. Pendant sa détention, il a fait une vidéo avec son téléphone portable, qui est en notre possession. Dans cette vidéo, diverses violations des droits et comportements questionnables de la police française ont été enregistrés. L’homme a demandé aux policiers français de demander l’asile politique et en retour ils se moquaient de lui. Une personne est allongée inconsciente sur le sol. Cela s’est produit après que la police ait utilisé du gaz au poivre contre les personnes privées de liberté. Nous pouvons également voir un homme qui demande de la nourriture et la police qui répond qu’il n’y en a pas. La mauvaise situation d’hygiène dans les conteneurs est également claire dans cette vidéo, nous pouvons voir les toilettes couler sur le sol. Le militant des droits de l’homme nous a dit que son ami et lui avaient dû signer le refus d’entrée qui leur appartenait avant que celui-ci ne soit rempli par la police française. Il a également signalé que, ce jour-là (29/ 10), la police est entrée dans les conteneurs à 13 heures et a utilisé du spray au poivre sur plusieurs personnes. Sur une autre vidéo qu’il a faite, on peut voir un autre homme inconscient en train d’être emmené hors des conteneurs par la police et d’autres personnes détenues à ce moment-là.

Deux personnes nous ont informé que la police française leur avait refusé l’aide médicale alors qu’elles avaient en leur possession des documents médicaux officiels et qu’elles les avaient montrées à la police. Dans le premier cas, il s’agissait d’une personne atteinte d’une maladie pulmonaire, confirmée par un médecin allemand de Cologne. La personne concernée a demandé de l’eau et des médicaments à la police. Ils ont d’après elle refusé les deux demandes.

Le deuxième cas était une personne souffrant de problèmes dentaires, confirmée par un médecin espagnol. La demande de soins médicaux qu’il a faite a également été refusée.

Dans un autre cas, un policier français a frappé un homme venant Mali. Il nous a également dit que ce policier avait volé sa carte bancaire par la suite.

Une personne nous a raconté qu’un policier français avait volé son récépissé expiré de demande d’asile en france.

Nous savons que 10 personnes ont été privées de liberté entre 12 et 23 heures par la police française. Nous pouvons supposer que le nombre de cas non signalés est beaucoup plus élevé, car des personnes sont détenues toute la nuit tous les jours et certaines d’entre elles ne sont pas parmi les premières à être libérées. Elles font souvent même partie des dernières à sortir.

Kesha niya

PS :

La page facebook de Kesha niya
La version italienne du texte sur parole sul confine

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