Le refus du travail aujourd’hui

Sur le rapport entre artiste, fabrique de l’art et institution, et sur la figure de l’artiste en tant que travailleur.
Texte repris du site de la Coordination des Intermittents et Précaires.

Le refus du travail aujourd’hui.

Maurizio Lazzarato

Il y a, politiquement, deux partis, clairement distincts : un parti où l’on définit l’art comme révolutionnaire en soi, comme autonomie, indépendance, comme critique du capitalisme ; et un deuxième parti, où l’art se voit complètement intégré au capitalisme – tourisme, économie, aménagement du territoire. Dans le premier cas, les catégories sont fondamentalement marxistes, situationnistes. Elles remontent aux années 1960 : de l’École de Francfort à Marcuse ou Debord, tous ont une conception de l’art comme indépendance, autonomie. Puis, dans un second temps, ces catégories se voient intégrées par le capitalisme. Dès lors, on sait si peu comment les utiliser qu’on ne les utilise juste plus. Préserver l’autonomie de l’art, c’est très difficile. Au début des années 2000, cette question devient, véritablement, l’impasse que l’on doit dépasser.

On peut alors redéfinir le problème en ces termes : le monde est séparé entre critique sociale et critique artiste. D’un côté, les ouvriers élaborent une critique sociale du capitalisme qui vise les salaires, l’amélioration de la condition de travail, les droits sociaux ; de l’autre côté, les artistes aspireraient plutôt à l’autodétermination, l’autonomie. Ces deux critiques viennent de deux références politiques différentes : la première, la critique artiste, fondamentalement, de Nietszche, et des avant-gardes artistiques ; et la critique sociale, de Marx et du marxisme. J’ai déjà critiqué cette position, qui, à mon avis, représente une impasse [1]. J’étais invité ici en 2003. J’avais alors expliqué comme le mouvement des intermittents du spectacle était une critique vivante, pratique, de cette conception.

Ce mouvement politique concerne des gens qui travaillent dans le monde de l’art – mais l’art que pratiquent un certain nombre de plasticiens : l’art complètement intégré dans la vie capitaliste, des gens qui passent à la télé, qu’ils agissent dans le monde de la danse, du théâtre ou de la musique. Depuis 2003, l’une des façons de formuler le problème était : pas de culture sans droits sociaux. Autrement dit : pas de capacité d’autonomie ou d’autonomisation sans droits sociaux. Certains ont pu dire que c’était à cause de telles revendications qu’on se retrouvait dans de telles situations ; et si l’on pousse plus loin ce discours, on peut aussi dire que c’est à cause de gens comme Deleuze, Guattari ou Foucault, qui, en épousant les revendications des artistes, ont éliminé la critique sociale.

Comment sortir d’une telle impasse ? Comment se sortir de cette alternative – soit l’art, comme « avant », indépendant et autonome, est révolutionnaire en soi, soit il est, comme aujourd’hui, complètement intégré. Pour en parler, j’ai pris avec moi un petit livre : Marcel Duchamp et le refus du travail [2] . Marcel Duchamp n’était pas un révolutionnaire, entendons-nous bien sur ce point. Son problème n’était pas, comme cela a pu l’être pour les avant-gardes, de changer le monde sur le plan politique. Par contre, s’il n’était pas à proprement parler « marxiste » – pour le dire vite –, il dénonce des choses qui, aujourd’hui encore, peuvent être d’un certain poids. Par exemple : il n’a jamais cru à la créativité. Pour lui, l’art est une fonction créative comme une autre. Il cite, comme exemple, un fabricant de meubles dont j’oublie le nom : pour lui, la créativité se trouve tout autant dans la fabrication du meuble. De même, Marcel Duchamp ne croit pas à la singularité de la création artistique. Le ready-made, c’est : prendre un objet, n’importe lequel, de la production industrielle – un objet qui, du coup, n’est pas unique. Je passe rapidement sur ce point.

Ce qui est important, c’est que Marcel Duchamp a su, très vite, que l’esthétique n’était pas produite par l’art, mais par l’industrie. C’est là le problème fondamental : la façon de sentir, de ressentir, n’est pas produite, fondamentalement, par l’art ; elle est produite par la télévision, la publicité, le marketing, le cinéma, c’est-à-dire par un mode de production industriel, et non « artistique », dans le sens classique du terme. C’est la raison pour laquelle Duchamp abandonne tout de suite la peinture. Il n’y a rien de plus artisanal que prendre une toile, et peindre : ça, il ne peut pas le faire. On dit « bête comme un peintre », non parce que les peintres seraient particulièrement bêtes, mais parce qu’ils ne s’aperçoivent pas que le mode de production est un mode de production, désormais, industrialisé : il correspond à une autre façon de penser cette activité. C’est d’ailleurs pour ça, aussi, sans doute, que Duchamp, tout de suite après avoir fait son premier ready-made, s’est mis à travailler sur les machines. Le concept de machines célibataires, en particulier, se confronte tout de suite avec ce qui est en train d’arriver, à ce moment-là.

Le deuxième point, qui renvoie, notamment, à la critique de Debord, dans les années 1970, c’est que Duchamp ne croit pas du tout à la passivité du spectateur. Rancière a fait un livre, récemment, de cette histoire : Le Spectateur émancipé. Tout le monde a eu l’air, pour l’occasion, de découvrir un truc formidable. Rancière se réfère à la tradition marxiste, brechtienne, et à celle du situationnisme. Mais bien avant Rancière, Duchamp, lui, avait dit : « Ce sont les regardeurs qui font les tableaux. » Que signifie cette phrase ? Tout simplement, que l’œuvre en soi n’existe pas. Il n’y a pas, d’une part, l’artiste qui peint, et d’autre part, le résultat - une œuvre. Pour qu’il y ait œuvre, il faut que « cela » soit introduit dans le monde social, c’est-à-dire, que cela soit regardé par le regardeur. Ce qui signifie que le regardeur a autant de créativité que l’auteur. C’est 50/50. Et c’est là un premier déplacement : les regardeurs font les tableaux. Et par « regardeur », il ne faut pas seulement entendre celui qui voit le tableau, mais bien tout le système qui produit l’artiste : les musées, les critiques d’art, c’est tout cela qui fait l’artiste. Duchamp a déjà une conception de l’artiste qui n’a plus rien à voir avec un quelconque artisanat. L’art est déjà industriel, industrialisé. Et, de la même façon, l’art est déjà intégré dans le capitalisme. À qui lui demande si l’artiste est compromis avec le capitalisme, Duchamp répond : « C’est une capitulation. Il semble aujourd’hui que l’artiste ne puisse vivre sans un serment d’allégeance au bon vieux tout-puissant dollar. Cela montre jusqu’où l’intégration est allée. » Une autre citation de Duchamp : « Depuis la création d’un marché de la peinture, tout a été radicalement changé dans le domaine de l’art. Regardez comme ils produisent. Croyez-vous qu’ils aiment cela, et qu’ils ont du plaisir à peindre cinquante fois, cent fois la même chose [genre, Picasso] ? Pas du tout, ils ne font pas des tableaux, ils font des chèques. » À ceux qui pourraient penser qu’à son époque, l’art était parfaitement indépendant, Duchamp répond que ce n’est pas vrai, et que le problème est même celui-là : comment sortir de cette intégration ?

Et cette question se pose toujours aujourd’hui. L’art a subi une intégration de plus en plus forte. Dans le système capitaliste tel qu’il existe aujourd’hui, on ne peut pas dire que l’art soit révolutionnaire : ce n’est pas vrai. Mais ce qui m’intéresse ici, ce soir, c’est que cela, Duchamp le voyait déjà, au début du XXe siècle. Et c’est pour ça que, de mon côté, ce concept du travail, j’ai essayé de le remobiliser. La question est celle, aussi, de la division : avant, il y avait une division entre art et capitalisme. Mais selon moi, la division n’est pas là ; la division, il faut la faire. Elle n’est pas « là », la division, il faut la produire. Il faut la produire par un acte, par une action. Et cette action, fondamentalement, c’est le refus du travail.

Il y a, selon moi, deux manières d’aborder le capitalisme. On peut partir du capitalisme en faisant l’analyse du travail, ce que fait Marx, entre autres. Ou bien, on peut partir du refus du travail. Ce n’est pas du tout la même démarche. Ce ne sont pas les mêmes catégories, ni la même méthodologie. Je pense qu’il faut partir du refus du travail. Et je vais, à l’appui de cette idée, introduire quelques concepts, et montrer pourquoi Duchamp, de ce point de vue, est particulièrement intéressant. En quoi Duchamp peut-il nous aider à comprendre ce qu’est le refus du travail aujourd’hui ?

Le refus du travail est une catégorie qui a été élaborée dans les années 1960, en Italie. Elle renvoie surtout au comportement qu’avaient les ouvriers, dans l’industrie : refus du commandement, de la subordination. Cette catégorie est à la fois théorique et politique, car elle implique, automatiquement, un conflit. On ne peut pas parler de refus du travail sans conflit.

Or Duchamp, lui, pratique un refus du travail qui a d’autres caractéristiques. Duchamp considère qu’être artiste, c’est être assigné à une fonction, exactement comme peut l’être un ouvrier. Tel est assigné à aller produire d’une certaine façon, tel autre est assigné à aller produire d’une autre façon. Le refus du travail, pour Duchamp, c’est refuser d’être un artiste au sens où l’entend le capitalisme. Le refus du travail, c’est le refus du travail capitaliste. Le travail et le capitalisme, c’est plus ou moins la même chose.

La position de Duchamp est intéressante car il vient à la fin d’une première phase d’intégration du prolétariat à la production industrielle. Existait alors un certain type de refus du travail, dont je vais parler tout de suite. Duchamp vient à la fin de cette phase – en France, disons que cela correspond aux années 1825 à 1920 et quelques – de l’intégration du prolétariat à la force de travail, et au début d’une autre phase, qui est celle de l’intégration du travail artistique dans la production capitaliste. Pour Duchamp, le fait que l’on soit obligé de travailler pour vivre est complètement absurde. C’est quelque chose qui est typiquement capitaliste : pour vivre, il faut travailler. Cette chose, commune au socialisme et au capitalisme, est, pour lui, une absurdité.

À l’époque où il était bibliothécaire, il a, à un moment, été tenté d’abandonner l’art. Il connaissait alors très bien ce petit livre de Lafargue qui s’appelle Le Droit à la paresse [1880], et qu’il cite dès 1911. Il existe une véritable homogénéité entre production capitaliste et production artistique. Comme les ouvriers refusaient d’être intégrés en tant que force de travail, Duchamp refuse d’être intégré en tant que force de travail artistique. L’intégration de l’artiste n’est pas seulement une intégration économique : c’est aussi une intégration subjective. Il ne s’agit pas seulement de dire que l’on ne fait pas ou plus de tableaux, mais que l’on fait des chèques. L’intégration dont je parle, et dont parle Duchamp, est une intégration subjective. Ce dont parle Duchamp a commencé avec Courbet, et avec l’idée selon laquelle l’artiste est libre : il ne dépend plus ni d’un prince ni d’un mécène. Mais croyant être devenu libre, il ne sait pas encore qu’il va être subordonné à la production capitaliste. Et, selon Duchamp, « Depuis cette date, chaque artiste a eu le sentiment qu’il devait être encore plus libre que le précédent. Les pointillistes plus libres que les impressionnistes, les cubistes encore plus libres, et les futuristes et les dadaïstes, etc. Plus libres, plus libres, plus libres – ils appellent cela de la liberté. Pourquoi l’ego des artistes devrait-il être autorisé à dégorger et à empoisonner l’atmosphère ? » Pour lui, cette fonction économique et subjective – l’effet d’être libre, créateur, au commencement de quelque chose – est un problème. Pour Duchamp, il importe de sortir de cette logique.

Or, ce refus du travail a accompagné l’histoire du capitalisme, depuis le début. Le refus du travail qui a pu exister au XVIIIe, au XIXe siècle, n’est pas le même que celui des grandes entreprises fordistes. Et peut-être n’est-ce pas le même, non plus, que celui qui existe aujourd’hui. C’est là, aussi, le problème : que l’on n’arrive pas à définir ce qu’est le refus du travail aujourd’hui. Je pense que pour avoir un sujet, il faut avoir une rupture. Cette rupture, dans la société capitaliste, elle existe en soi : la société capitaliste est, par définition, divisée. Et cette division, aujourd’hui, est de plus en plus poussée. Au cours des cinq dernières années de la crise, les inégalités n’ont fait qu’augmenter, de façon démesurée. Et plus qu’une division réelle, ce qui existe, c’est la subjectivation de cette division qui, à mon avis, s’est opérée à partir du refus du travail. Pour que vous compreniez mieux la différence entre le refus du travail au XIXe siècle, et le refus du travail au XXe siècle ou aujourd’hui, je vais vous lire un petit passage de Michel Foucault. Michel Foucault analyse cela très bien dans La Société punitive [3] .

Cette intégration a suscité, dans le prolétariat français, d’une part, un certain illégalisme. Cet illégalisme consiste à refuser d’appliquer à l’appareil de production son propre corps, sa force. Cet illégalisme peut prendre quatre formes. « 1/La décision de l’oisiveté : le refus d’offrir sur le marché du travail ces bras, ce corps, cette force ; les dérober à la loi de la libre concurrence du travail, au marché ; 2/l’irrégularité ouvrière : le refus d’appliquer sa force là où il faut ; c’est disperser ses forces, décider soi-même le temps pendant lequel on les appliquera ; 3/la fête : ne pas conserver cette force dans tout ce qui pourrait la rendre effectivement utilisable, la gaspiller en ne prenant pas soin de son corps, en tombant dans le désordre ; 4/le refus de la famille : ne pas utiliser son corps à la reproduction de ses forces de travail dans la forme de la famille [...] c’est le refus de la famille dans le concubinage, la débauche [4] . »

Si l’on compare ce que dit Foucault avec ce qui se passe aujourd’hui, on se rend compte à quel point la normalisation est passée. Elle est complète. Ce qui est intéressant, c’est que ce premier refus donne lieu à des comportements illégaux. Et le livre de Lafargue est en quelque sorte, déjà, un hommage à une telle lutte – hommage auquel Duchamp se réfère en ces termes : « On ne peut plus se permettre d’être le jeune homme qui ne fait rien. Qui est-ce qui ne travaille pas ? On ne peut pas vivre sans travailler, c’est quelque chose d’affreux. Je me rappelle un livre qui s’appelait Le Droit à la paresse ; ce droit n’existe plus. »

Ce que Duchamp refuse, ce ne sont pas les huit heures de travail quotidiennes, ou douze, ou même quinze, à l’époque. Ce qu’il refuse, c’est l’intégration de la vie dans son ensemble dans l’organisation capitaliste. Ce n’est pas le lieu, ici, mais on pourrait parler, aussi, de la famille : tout ce qui se passe autour du « mariage pour tous » est très intéressant, car la famille a été imposée à la bourgeoisie comme au prolétariat. La famille, avant, n’existait pas. La famille restreinte à une cellule père/mère/enfant(s) est une fabrication, pour la famille bourgeoise comme pour la famille prolétarienne.

Le choix fondamental, c’est le contrôle du temps. Quelqu’un a dit de Duchamp que sa véritable œuvre d’art, ce n’est pas le ready-made, ni Le Grand Verre, mais son emploi du temps. Ce qui est intégré, c’est le temps dans son ensemble. Il faut transformer le temps de la vie en temps de production, en temps de reproduction. Pour Duchamp, cette question du temps est une question très sensible. S’il ne voulait pas travailler beaucoup, fût-ce en tant qu’artiste, c’est parce qu’il voulait avoir du temps. Le temps, c’est de l’argent, et aux capitalistes, Duchamp répond : « Mon capital, c’est le temps. » C’est un capital de pauvre, mais en effet, c’en est un.

Je précise tout de suite, pour ne pas laisser place à la moindre ambiguïté, que le refus du travail ouvrier n’a pas la même dimension que le refus du travail de Duchamp : Duchamp est quelqu’un qui refuse plutôt le conflit, ce n’est pas quelqu’un qui aime beaucoup s’engager dans des combats. Pendant la Première Guerre mondiale, il était en Argentine ; pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que sa compagne, Mary Reynolds, était dans la résistance avec Beckett, et faisait de l’information, Duchamp, lui, est parti aux États-Unis. On touche là une autre limite de son refus du travail : c’est une action individuelle, alors que pour changer le capitalisme, une action collective est nécessaire.

Le refus du travail a été pratiqué dans les années 1960, notamment. C’est un levier politique et analytique très important. Si le marxisme italien circule encore à travers le monde, c’est qu’il a pris comme catégorie fondamentale le refus du travail, alors que le reste du marxisme a sanctifié le travail. Dans toutes les autres démocraties, on a cru pouvoir affirmer que la réalisation de l’homme passe par le travail. Le marxisme italien a été le seul à dire : « Non, ce n’est pas comme ça que les choses se passent, au contraire. Il faut sortir de cette idée que la réalisation de l’homme et de sa subjectivité passe par le travail. » Les opéraïstes ont certes toujours été minoritaires, mais les partis politiques et les syndicats eux-mêmes ont partagé cette idée selon laquelle le refus du travail était la condition sine qua non pour faire quelque chose d’autre : pour conquérir le pouvoir, pour gagner des élections. Ce que je trouve intéressant, c’est que Marcel Duchamp, déjà, voulait voir ce qu’impliquait le refus du travail : ce refus d’être intégré dans la société de l’art, et d’être obligé de travailler pour vivre. Et partant de là, Duchamp découvre un autre monde : une autre moralité, une autre façon de vivre le temps, une autre façon d’organiser sa journée, une autre façon de voir le monde. Ce refus du travail est très riche.

On parle du mouvement ouvrier, mais on n’a jamais réfléchi suffisamment à la question de savoir dans quelle mesure le mouvement ouvrier venait du non-mouvement, c’est-à-dire de la grève. Il faudrait analyser ce point, approfondir la question du non-mouvement. La grève implique beaucoup de choses. Toutes les fonctions sociales sont annulées ; l’intérieur de l’entreprise est annulé pour une courte période, chacun regarde quelqu’un d’autre. Qu’implique cette dynamique ? D’autres ont mené ce genre d’expérience à l’échelle d’un mouvement politique : ce sont les mouvements de femmes. Les féministes ont refusé l’assignation à être femmes. Les féministes n’ont pas seulement refusé d’être artistes, par exemple, mais, tout comme Duchamp, les féministes ont refusé d’être assimilé-e-s à une fonction sexuelle, sociale. Il s’agissait de sortir de cette assignation, « être homme » ou « femme ». Les féministes sont les seul-e-s à avoir opéré un tel choix au niveau macroéconomique : celui de ne pas créer de parti de femmes, ni de syndicat de femmes.

Chez Duchamp, le refus du travail entraîne un nombre incalculable de conséquences, depuis son premier tableau. Il sort de l’alternative entre un futurisme obsédé par la vitesse et un cubisme statique. Avec Duchamp, on sort de cette bifurcation entre le dynamique et le statique, à partir d’un petit tableau où il analyse la question du temps. À partir de quoi, on en arrive à la question de la paresse : la paresse, cela ne veut pas dire « ne pas agir », cela veut dire, d’abord, bloquer l’action – l’action finalisée, celle de la production, puis voir ce que cette paresse implique.

... / ... Il faut redéfinir ce que pourrait être le refus du travail, et aboutir à un processus de subjectivation dont le résultat serait un refus du travail adapté à la situation actuelle. Cela ne peut pas être le refus du travail tel que le définit Foucault lorsqu’il parle du moment de la formation de la force de travail, pas plus que le refus du travail de la grande industrie fordiste tel que nous l’avons connu dans les années 1950 et 1960. Cela peut être le refus du travail tel que certains ont commencé, aujourd’hui, à le pratiquer ...

Notes :

[2Marcel Duchamp et le refus du travail, de Maurizio Lazzarato, est accessible ici.

[3Michel Foucault, La Société punitive. Cours au Collège de France, 1972-1973, Paris, Gallimard/Seuil, 2013.

[4Ibid., p. 192.

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