Les anarchistes ‘anti-woke’ et l’impasse de l’anti-racialisme : le cas des Fleurs arctiques

Ecrire ce texte nous a paru nécessaire dès lors qu’on s’est rendu compte qu’on était très nombreux-ses dans les milieux anti-autoritaires à avoir subi non seulement la répression policière, mais aussi les attaques incessantes de nos soi-disant « compagnon-nes » qui passent leur temps à cracher sur ce qui n’est pas assez radical à leur gout, tout en refusant de remettre en question les oppressions qu’on subit et auxquelles iels participent, parfois en les niant activement.

Les anarchistes ‘anti-woke’ et l’impasse de l’anti-racialisme : le cas des Fleurs arctiques

Cela se traduit entre autres par le harcèlement des compagnon.nes qui osent leur porter des critiques et l’instauration d’un climat ultra-compétitif où il faut constamment prouver qu’on est du bon côté de la barricade, comme si une critique (même virulente) des positions de ces compagnon-nes faisaient de nous des traîtres à la révolution.

On espère donc qu’il sera vu comme une contribution à la lutte contre ce qui nous opprime plutot qu’à une énième guerre de chapelles. On s’adresse à tou-s-tes les copain-es qui, comme nous, tentent d’imaginer un monde sans les dominations de l’Etat, du capital et des un-es sur les autres, celles qui s’immiscent jusque dans nos milieux prétendument anti-oppressifs, et à qui nous souhaitons donner de la force.

Comme l’indique le titre, on va surtout parler de la bibliothèque des Fleurs Arctiques à Paris et des groupuscules qui s’organisent autour, mais on a envie de se questionner plus largement, sur les dynamiques qui nous minent et qui recréent des petits chefs « révolutionnaires » dans un milieu qui prétend ne pas en avoir.

A travers ses pratiques autoritares, dont on verra quelques exemples en dernière partie, ce groupe impose une idéologie particulière, qui lui permet de silencier des personnes minorisées à la fois par la société et par les milieux anarchistes et autonomes, c’est-à-dire des personnes racisées, queer et/ou trans (entre autres) et qui sont parmi les premières à les critiquer. Après tout, quand on subit parfois plusieurs oppressions à la fois, on n’a tout simplement pas le temps de prendre leur merde au sérieux. On commencera par l’analyse de certaines idées qui animent ces têtes pensantes de la révolution, notamment « l’antiracialisme » et plus largement une opposition caricaturale à tout ce qui est considéré comme une volonté d’appartenance à une « identité » ou une « communauté« [1], car iels voient dans toute solidarité entre opprimées et toute forme d’auto-organisation sans oppresseur-es le spectre de la contre-révolution.

« Les Fleurs » ont causé un nombre considérable de dégâts (principalement en région parisienne, mais pas uniquement) avec une constance presque admirable depuis plusieurs années. Une grosse partie de celleux qui ont fréquenté des squats, des occupations étudiantes, des assemblées autonomes ou des espaces de discussion anarchistes ont des histoires à raconter au sujet de leurs méthodes de gestion des critiques. Leurs comportements ont intimidé et degoûté plus d’un-e de la lutte, mais iels continuent à s’imposer dans tous les espaces physiques et virtuels qui leur restent accessibles.

En parlant des Fleurs, on parle forcément de leurs nombreux outils de diffusion, parfois éphémères, parfois plus durables. Par le passé, il y a eu la revue Des Ruines. Actuellement, il y a les éditions Ravage, dont les textes signés Aviv Etrebilal ou Maria Desmer servent de base théorique à ce groupe), les Feuilles antarctiques, le journal Mauvais Sang, la radio Mad Max, une « base de données anarchistes » Non-Fides (site allié) ou encore des discussions publiques que les Fleurs organisent. Iels utilisent également les réseaux sociaux de leurs groupes de musique, Non Serviam, Biollante et Gobscrew, ainsi que des comptes twitter personnels, tous liés entre eux et qui agissent en bloc à la moindre critique. (Si cette courte liste est nécessaire, c’est que les Fleurs changent de plate-forme au gré des circonstances pour retaper leur façade politique et idéologique.)

Même si les Fleurs prétendent parfois ne pas constituer un groupe au sens propre, on y voit uniquement un moyen de donner l’impression d’une certaine ouverture aux autres lors des évènements publics. Il s’agit pourtant d’un groupe dont les membres agissent le plus souvent ensemble, cherchant constamment sans l’admettre un certain pouvoir sur des situations où il voit une potentialité de débordement.

Lire la suite > > > https://danslabrume.noblogs.org/post/2023/07/24/anti-anti-racialisme/

PS :

Petit détour historique : les héritier-es des ‘anti-racialistes’ islamophobes de la Discordia

Avant les Fleurs arctiques, il y a eu la bibliothèque anarchiste Discordia. Créée en 2015, elle s’est arrêtée en 2017. Les Fleurs arctiques ont alors vu le jour, récupérant les fonds de la Discordia, ses idées ainsi qu’une partie de ses membres et de son réseau.
Dans un contexte où, après les attentats contre Charlie Hebdo, l’Hyper Cacher et le Bataclan, l’Etat français multiplie les lois et réformes sécuritaires racistes et islamophobes visant en premier lieu les quartiers populaires, la Discordia se fait rapidement connaître pour ses prises de position virulentes contre le lexique et les pratiques mises en avant par des militant-es antiracistes. Iels ne supportent notamment pas la tenue d’espaces en mixité choisie entre personnes qui subissent des oppressions concrètes, ni les termes « racisme systémique », « islamophobie », « personnes racisées » ou encore « blanchité ». […]

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