Depuis 2016, le CHU de Tours promet rencontres exclusives et déductions d’impôts aux généreux donateurs qui voudront bien l’aider à boucler son budget. Un modèle qui s’est généralisé et illustre l’insuffisance du financement public des hôpitaux.
Des dons défiscalisés, un partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie pour « sensibiliser » les entreprises, la promesse de rencontres exclusives avec des chercheurs, professeurs et praticiens... Créé en septembre 2016, le fonds de dotation du CHU a vocation à :
« financer et mettre en place des projets améliorant l’accueil, la prise en charge, la qualité des soins et les conditions de vie au travail (...) grâce au développement de l’innovation et de la recherche médicale. »
L’intention affichée est louable, à l’heure où les syndicats de soignants dénoncent les suppressions de postes et de lits au sein de l’hôpital, ou la dégradation des conditions de soins et de travail. Mais elle illustre aussi l’insuffisance du financement de l’hôpital public, qui doit se tourner vers la charité privée pour assurer un fonctionnement normal.
La création de ce fonds est l’aboutissement logique d’un processus mis en œuvre par les gouvernements successifs depuis de nombreuses années. Sous prétexte d’un « contexte économique contraint », le ministère de la Santé demande aux établissements de santé « d’améliorer leur efficience » en activant des « leviers de performance ». Quitte à emprunter le langage des entreprises, autant faire appel à elles pour boucler les budgets.
Une générosité intéressée
Si la plaquette à destination des donateurs insiste longuement sur leur « générosité » [1], elle ne manque pas de souligner l’intérêt qu’ils pourront en tirer. Aux particuliers, le fonds de dotation promet « une réduction fiscale avantageuse » :
« Assujetti à l’impôt sur le revenu (IR), vous pouvez bénéficier d’une déduction d’impôt à hauteur de 66% du montant de votre don dans la limite de 20% de votre revenu imposable. (...) Assujetti à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), vous pouvez bénéficier d’une déduction d’impôt à hauteur de 75% du montant de votre don dans la limite de 50 000€. »
Et la plaquette précise qu’« un don de 20 000€ vous revient en réalité à 5 000€ ». Même opération en direction des entreprises, mais avec tableau détaillé à l’appui. Le fonds de dotation promet « une déduction d’impôt sur les sociétés à hauteur de 60% du montant de votre don », et un don de 50 000 euros se traduit ainsi par une déduction d’impôt de 30 000 euros. Les entreprises peuvent en outre se voir proposer des contreparties :
« Rencontres exclusives avec nos chercheurs, professeurs et praticiens, visites privées, invitations à des événements. Le Fonds de dotation du CHU de Tours vous offre la possibilité d’établir une collaboration personnalisée selon vos attentes et vos envies. »
Ces réductons fiscales viennent naturellement réduire le montant de l’impôt prélevé par l’État, ce qui permet ensuite de justifier la baisse des budgets, et le recours au mécénat... Un phénomène qu’on retrouve dans d’autres domaines, comme le sport ou la culture, et qui permet aux particuliers et aux entreprises de se donner une image charitable.
AREVA au secours du CHU de Nîmes
Le CHU de Tours n’est pas le seul à s’être engagé dans cette voie. Le CHU de Nîmes a également décidé « d’explorer de nouveaux modes de financement » pour « dynamiser son business model ». On apprend ainsi que « la Fondation d’entreprise AREVA s’engage aux côtés du Centre Hospitalier Universitaire de Nîmes pour sécuriser la prise en charge et les soins apportés aux nourrissons ». Il fallait bien le concours d’une multinationale du nucléaire pour « rêver l’hôpital de demain » [2]. A Reims, la maison de champagne Krug fait partie des mécènes fondateurs. Nantes, Grenoble, Rennes, Limoges... Tous les CHU semblent s’être convertis à ce nouveau modèle.
Le CHU de Tours a même investi les plateformes de financement participatif telles que Helloasso ou Ulule. A l’heure actuelle, le projet « Les yeux dans les étoiles », qui vise à « humaniser le bloc opératoire de la maternité du CHU de Tours », a récolté 40 euros sur les 1 800 espérés. Sur la plateforme Make in Loire Valley, fruit d’une collaboration entre Ulule et la Région Centre, l’amélioration de l’accueil des patientes est mis en compétition avec un projet d’enregistrement d’album, le financement d’une régate pour un groupe d’étudiants de l’IUT de Blois, ou la gravure de planches apéro représentant la ville d’Orléans.