Depuis le 20 octobre dernier, 102 jours à l’heure où nous écrivons ces lignes, le prisonnier anarchiste italien Alfredo Cospito est en grève de la faim contre le régime d’isolement auquel il est soumis et contre la perpétuité incompressible. Depuis le mois de mai, il est enfermé en régime 41 bis, un régime appelé « prison dure », d’ordinaire réservé aux détenu·e·s pour faits de mafia et de terrorisme. Celui-ci prévoit : un parloir par mois, une cellule minuscule filmée en permanence, du caillebotis à la fenêtre, un nombre réduit de livres en cellule, des relations limitées à 3 autres détenu·e·s. Diviser et catégoriser les détenu·e·s, imposer comme critère nécessaire à la sortie du régime la collaboration avec la justice alors que celle-ci encourage la rupture des liens familiaux et amicaux, sont les piliers fondamentaux sur lequel se tient cette forme spécifique d’isolement et de torture.
Cette forme d’enfermement dans l’enfermement n’est pas une exception au niveau européen ni une « entorse à la démocratie ». Cela s’inscrit dans tout un système de punitions et de récompenses qui structurent complètement le fonctionnement de la prison et de la société qui en a besoin. En effet le système carcéral regorge de dispositifs spécifiques pensés pour punir ou récompenser les détenus en fonction de leur comportement. Le ou la détenu·e est de plus en plus poussé·e à intégrer les logiques pénitentiaires pour avoir le maximum d’avantages à l’intérieur, l’intérêt pour les portes-clés étant évidemment de péter les solidarités/possibilités de luttes en rappelant à chacun·e que sa situation peut se dégrader en permanence, le faire vivre sous la menace d’un régime d’enfermement plus strict si jamais il ou elle se révolte (isolement, mitard, du courrier, des promenades etc etc.). Les Quartiers d’Isolement, dits QI, ont eux aussi leur liste des horreurs : isolement sensoriel, promenade seul·e, surveillances ultra régulières, parloirs réduits en temps et régularité.
De l’autre côté du spectre on trouve les récompenses. En France on pense au module « respecto » inspiré des prisons espagnoles. Clé de sa cellule en poche, le ou la détenu·e gagne ou perd des points selon s’il a fait son lit au carré le matin, peut accéder à plus parloirs et d’UVF (Unité de Vie Familiale ou parloir long). Une prison pas si dorée et une prison toujours.
Rares sont les mots qui ont pu nous parvenir de la part d’Alfredo depuis qu’il est enfermé en régime 41 bis, mais ils sont clairs : sa lutte se dirige contre ce régime et pour que plus personne n’ait à le subir. Il a aussi assuré que tant qu’il serait maintenu en 41 bis, il n’avait aucune intention d’interrompre sa grève de la faim, jusqu’à la mort s’il le faut.
Au cours des derniers mois, de nombreuses actions de solidarité ont relayé, diffusé et fait leur la lutte d’Alfredo au niveau international. De la même manière que la lutte d’Alfredo à l’intérieur des murs va au-delà de sa situation individuelle, la lutte à l’extérieur ne s’arrêtera pas à son cas spécifique et au seul 41 bis.
Si nous dénonçons aujourd’hui les systèmes d’enfermement les plus durs ou dégueulasses ce n’est pas pour faire la promotion des autres formes d’enfermement, même ceux que l’Etat présente comme les plus progressistes ou « humains ». À l’heure où le pouvoir souhaite construire toujours plus de cages à travers un plan de construction de 15000 nouvelles places, quelle que soient leurs formes, c’est la prison et l’enfermement en général qu’il faut détruire, partout et toujours.