L’émeute est une activité collective protéiforme. Elle n’est pas précisément délimitable, et donc en tant que telle, difficile à définir, également difficile à contrôler. C’est pourquoi les discours portés sur une émeute sonnent généralement faux. Ils ne peuvent être portés qu’a posteriori, et ne recouvrent forcément qu’une faible partie de ce que désirent, pensent et ressentent les émeutiers.
La période de lutte contre la loi travail a donné l’occasion déjà, suite aux affrontements à répétition qui survenaient à l’occasion des manifestations, de discourir longuement sur les degrés d’implication dans une émeute.
De la part des partisans de la police, il s’agissait essentiellement de résoudre ce dilemme : comment réprimer efficacement la partie des manifestants identifiée comme casseurs, alors que la séparation ordinaire entre bons et mauvais manifestants n’opère plus. La solution mise en œuvre, la répression tous azimuts, la terrorisation des participants aux cortèges de tête à l’aide de l’arsenal technique utilisé de manière intensive, puis pour finir l’interdiction pure et simple de manifester, a certes largement contribué à mettre fin au mouvement, mais a laissé des traces indélébiles chez bon nombre de ceux qui, quelques mois plus tôt, s’imaginaient encore que la police était là pour protéger les libertés publiques.
De la part des participants, des sympathisants, le but de ces discours était moins clair. Tout d’abord, il y a ceux qui veulent (s’)excuser : « On est pacifistes, mais la police a provoqué ». Il y a ceux qui veulent expliquer : « La manifestation ne s’en est pris qu’aux symboles du capitalisme ! ». Et puis il y a ceux qui tentent de prendre la mesure de l’acte, et le défendent depuis leur propre point de vue. Et de telles tentatives mènent à une véritable cacophonie. Cette émeute était le plus beau jour de ma vie. Une étape imparfaite dans le processus révolutionnaire. N’a pas besoin d’être expliquée. Une expression légitime de la colère populaire. Si nous étions mieux organisés, nous aurions pu percer les lignes de CRS. S’en prendre aux banques, oui, mais emmaüs, je comprends pas… On est trop gentils, on devrait tout brûler. C’était flippant. C’était le kif. Péter des vitrines, c’est sympa, mais je vois pas trop ce que ça change. Chasubles rouge et k-ways noirs doivent marcher côte à côte. Les manifestants lambda sont des moutons. Oh non, pas KFC ! Nique tout nique tout nique tout ! Nique la BAC ! Ahou !(sic) Une preuve de plus que plus personne ne croit en l’État. Quel rapport entre ce qui se passe et une révolution ?
Qu’est-ce qu’une émeute ?
Un humble pratiquant livre ses réflexions à ses consœurs et confrères, qu’ils soient néophytes ou expérimentés