Solidaires face à l’anti-terrorisme

Des membres de "l’ultragauche" arrêtés dans le cadre d’une instruction anti-terroriste menée par le Parquet National Anti Terroriste. Depuis le bourbier de "l’affaire Tarnac", il y a douze ans, la chose ne s’était pas reproduite. Les médias buzzent, les politiciens s’excitent... Et nous ?

Si le PNAT (Parquet National Anti-Terrorisme) ne s’était pas saisi jusque là, les dispositifs attribués à l’antiterrorisme ont eux été largement utilisés dans le cadre des enquête sur les "associations de malfaiteurs" à Toulouse, à Limoges où à Bure. Ecoutes, filatures, perquisitions, tout l’arsenal possible a été utilisé pour cibler le mouvement et tenter de l’affaiblir par la charge gigantesque qu’implique de se défendre face à ces procédures. Il semble que ce soit à peu près le même topo pour la petite dizaine de personnes coffrées cette semaine en le sud de la France et la région Parisienne. Détention de matériel destiné à la fabrication d’explosifs, d’armes de chasse etc... Et alors ?

Bien-sûr, on avait pas depuis bien longtemps vu passer d’arme à feu dans ce genre d’affaires, et dans les mouvements, depuis bien longtemps. La lutte armée, ses logiques et leurs raisons dépendent des contextes politiques du niveau de répression, de l’objectif des groupes qui l’utilisent. Qu’il soit le moment ou non de passer à la lutte armée n’est pas tant la question que de comment ne pas laisser le pouvoir utiliser cet argument pour diviser le mouvement.

Qu’il s’agisse ou non d’une construction policière, que les divers produits ménagers servent effectivement à nettoyer les meubles ou que les armes soient celles de grand papi n’a pas vraiment d’importance. Car, si tant est que dans une stratégie judiciaire il y a du sens à éviter la taule en utilisant cet argumentaire, à l’inverse la condamnation ou la desolidarisation politique de la possibilité des armes ou des explosifs mettrait le mouvement dans une situation d’incapacité à en user le jour ou peut-être il faudra pourtant le faire. De la même manière que les attaques des mélenchonistes contre les "casseurs" n’a fait qu’aboutir à leur démobilisation et à l’annulation pure et simple de leur participation aux cortèges. Cadeau au pouvoir.

Quand à penser que la dérive fasciste serait le fruit de la réaction du gouvernement à notre propre violence voire dans les argumentaires les plus réacs, notre incivilité, le gouvernement, celui-ci ou n’importe quel autre, n’a pas besoin de violence dans la rue pour se barricader, justifier ses propres casseroles, tabasser ou enfermer tout ce qui s’oppose à lui. Car quand ce n’est pas l’opposition politique qui le lui permet c’est la lutte contre la drogue ou juste contre la déprime des flics. Rien que sur le cas policier, (Le Monde) rappelait il y a quelques jours "les dispositions les plus emblématiques de cet « empilement » législatif"

Par ailleurs, il faut rappeler que la violence révolutionnaire de gauche n’a quasiment jamais été aveugle, à contrario de celle de l’extrême droite. Alors si le focus va se faire pour le moment sur le mouvement révolutionnaire et son penchant pour la violence, que peut-être même on reparlera de la stratégie anarchiste individualiste du début du siècle dernier, plus proche de nous et comme le rappelait l’article du Parisien publié dans la cohue des premiers papiers, "plusieurs dossiers d’actions violentes déjouées liées à l’ultra-droite ont été qualifiés de terroristes ces trois dernières années, impliquant souvent d’anciens membres des forces de l’ordre voulant s’en prendre à la communauté musulmane."

Car la violence n’est pas le primat de la gauche révolutionnaire comme aimeraient le penser ces sacs à merde de Darmanin ou Ciotti qui se ruent sur l’événement pour tenter de vendre un peu plus de bulletins de vote.

Par exemple, les membres de l’extrême droite montrant les clients d’un bar du centre-ville lillois, "La Citadelle", et dont le responsable affirme être le représentant régional du groupuscule Génération Identitaire qui avaient été filmés dans un reportage désormais célèbre de Al Jazeera. "L’un d’eux disait vouloir faire un « carnage » sur un marché fréquenté par « les gnoules », l’autre saluait ses collègues d’un « sieg heil » en plein bar, buvant à la santé du « Troisième Reich »" (Libération).

En 2017, les services antiterroristes avaient mené un coup de filet quatre mois après l’interpellation d’un ancien militant de l’Action française Provence, Logan N., organisation royaliste qui avait multiplié les provocations musclées autour de Marseille et d’Aix-en-Provence. Parmi ses cibles potentielles, l’organisation envisageait de s’en prendre à des "lieux de culte", dont des mosquées, des "personnes d’origine nord-africaine ou personnes noires", des "militants anti-fascistes" ou des "hommes politiques", selon les enquêteurs. Figuraient notamment le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner et Jean-Luc Mélenchon, ex-candidat à la présidentielle de la France Insoumise. Christophe Castaner, ancien député-maire de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence), et Jean-Luc Mélenchon, député des Bouches-du-Rhône, ont tous les deux indiqué en avoir été informés par la presse. L’enquête a montré que "l’organisation prévoyait des achats d’armes et d’effectuer des entraînements paramilitaires. Certains d’entre eux s’étaient déjà entraînés aux tirs", a relaté la source proche du dossier. Le groupe projetait également "de racketter des chefs d’entreprises afin de financer l’organisation et notamment des achats d’armes". Dans cette logique, Logan N. est suspecté d’être impliqué dans le vol d’un véhicule le 21 juin, pour lequel deux des huit suspects sont en outre poursuivis pour "vol en relation avec une entreprise terroriste".

Deux mosquées ont aussi été attaquées en 2019, le 27 juin à Brest (deux blessés, l’attaquant se suicidant peu après) et le 28 octobre à Bayonne (deux blessés graves). La justice avait refusé de qualifier l’attaque de Bayonne de « terroriste », alors même que l’agresseur avait été candidat sur une liste d’extrême-droite.

Cette même police qui aujourd’hui est encensée, à la foi pour son martyr potentiel sous le feu de l’ultra gauche et pour son habileté à déjouer les attaques dont elle fait l’objet est coupable de la mort de dizaines de personnes dont nous devons continuer à crier les noms non seulement pour leur mémoire mais aussi pour construire notre solidarité face aux meurtriers.

Alors que l’ont vivait, enfin, depuis l’été, un élan de défiance vis à vis d’une police qui quotidiennement mutile, tue et enferme. Une police dont le racisme et le sexisme sont de moins en moins à démontrer à tel point que même le président ne peut plus les nier, il est impératif de ne pas tomber dans le panneau tendu par le pouvoir et sa police, aussi bête qu’un tweet de Darmanin qui se sert de cet événement pour vomir son soutien inconditionnel aux tortionnaires en uniforme.

Alors que suite à l’interview de Macron sur Brut, les policiers-ouin-ouin ont décidé de se remettre à se rassembler et à manifester, comme il y a quelques mois pour revendiquer leur droit à gna-gna-gna-nous-étrangler, notre unité et notre solidarité doivent dépasser ce faux débat. Face à une police qui continue de s’armer et de renforcer ses capacités de surveillance et de fichage, notre détermination dans la rue ne doit pas faiblir. Ne tombons pas dans le piège stérile et sclérosant de la condamnation de la violence.

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