Challenges, ou le coin des petites annonces (pour riches)
Sur un total de 322 pages, j’ai dénombré 173 publicités d’annonceurs différents.
Les thématiques (pour la plupart, rajouter « de snob » à chaque fois permet de bien comprendre de quoi ça cause) : joaillerie et lunetterie, bagnole, pinard et autres alcools, banque, parfums et vêtements, gestion d’actifs, optimisation fiscale, gestion de patrimoine, jets privés, mobilier de luxe, yachts, vente aux enchères et vente d’objets uniques, immobilier de luxe, croisières, logiciels de gestion du personnel, écoles de commerce, demandes de mécénat, invitations à investir.
Benoît Hamon, celui qu’on ne regrette pas
Le bonhomme est désormais CEO d’une ONG qui aide les « nouveaux arrivants » à lancer leur start up, et à se faire recruter dans les entreprises françaises. Il signe des chartes avec L’Oréal, Accor et Danone, rencontre le patron du MEDEF, mendie de l’argent au lectorat de Challenges ; et puis il dit « pitch », comme les startuppers.
L’agriculture, talon d’Achille du magazine
On sent que la rédaction est moins compétente en agriculture qu’en biens immobiliers : est qualifiée de « révolution » la pratique consistant à laisser ses vaches au pré toute l’année, et l’émerveillement est de mise pour une exploitation maraîchère, tenue par le fils-de-riche Tom Rial, qui « semble parfaitement fonctionner ». Son papa-mécène assure : « le modèle est duplicable ». Forcément, quand on file 350 000 euros et le jardin de la résidence secondaire pour faire pousser les légumes, c’est plus facile.
Pauvre écologie
Une professeure d’économie (S. Stantcheva) et ses collègues ont mené une enquête auprès de 40 000 personnes de 20 pays (qui représentaient 72% des émissions de CO2 globales en 2017), dont les conclusions sont les suivantes :
1) Les répondants ont un « souci d’équité et de justice très prononcé », et s’inquiètent que « les plus riches puissent poursuivre leurs activités polluantes devenues inabordables pour les classes moyennes, en payant pour polluer » ;
2) « La menace climatique étant largement identifiée, il n’est pas nécessaire d’en rajouter pour convaincre ».
Pour résumer, si les écologistes veulent être efficaces, la chercheuse d’Harvard préconise de cibler les riches plutôt que de multiplier les discours alarmistes.
Les yachts, la grande passion de Challenges ?
On apprend que les acheteurs de yachts accordent de plus en plus d’importance au design intérieur de leur embarcation. Patrick Gilles, architecte d’intérieur décrit ainsi ses réalisations : « nous avons opté pour une atmosphère très masculine, très dramatique. Nous avons installé à bord des tonnes de marbre : dans les salles de bains, bien sûr, mais aussi sur les murs des chambres et des couloirs. » Et figurez-vous que si la robinetterie est plaquée or, c’est pour « protéger le métal contre les attaques de l’air marin ».
Un été avec les plus grandes fortunes de France
Épargnez-vous la lecture de Challenges
Greta Kaczynski - paru dans lundimatin#348, le 23 août 2022
Appel à dons
Depuis la Drôme où elle passe ses vacances loin du doux fumet des mégafeux, Greta Kaczynski nous fait parvenir cette fiche de lecture recueillant la substantifique moelle du Numéro spécial été de Challenges, sur les plus grandes fortunes de France.
Challenges, ou le coin des petites annonces (pour riches)
Sur un total de 322 pages, j’ai dénombré 173 publicités d’annonceurs différents.
Les thématiques (pour la plupart, rajouter « de snob » à chaque fois permet de bien comprendre de quoi ça cause) : joaillerie et lunetterie, bagnole, pinard et autres alcools, banque, parfums et vêtements, gestion d’actifs, optimisation fiscale, gestion de patrimoine, jets privés, mobilier de luxe, yachts, vente aux enchères et vente d’objets uniques, immobilier de luxe, croisières, logiciels de gestion du personnel, écoles de commerce, demandes de mécénat, invitations à investir.
Benoît Hamon, celui qu’on ne regrette pas
Le bonhomme est désormais CEO d’une ONG qui aide les « nouveaux arrivants » à lancer leur start up, et à se faire recruter dans les entreprises françaises. Il signe des chartes avec L’Oréal, Accor et Danone, rencontre le patron du MEDEF, mendie de l’argent au lectorat de Challenges ; et puis il dit « pitch », comme les startuppers.
L’agriculture, talon d’Achille du magazine
On sent que la rédaction est moins compétente en agriculture qu’en biens immobiliers : est qualifiée de « révolution » la pratique consistant à laisser ses vaches au pré toute l’année, et l’émerveillement est de mise pour une exploitation maraîchère, tenue par le fils-de-riche Tom Rial, qui « semble parfaitement fonctionner ». Son papa-mécène assure : « le modèle est duplicable ». Forcément, quand on file 350 000 euros et le jardin de la résidence secondaire pour faire pousser les légumes, c’est plus facile.
Pauvre écologie
Une professeure d’économie (S. Stantcheva) et ses collègues ont mené une enquête auprès de 40 000 personnes de 20 pays (qui représentaient 72% des émissions de CO2 globales en 2017), dont les conclusions sont les suivantes :
1) Les répondants ont un « souci d’équité et de justice très prononcé », et s’inquiètent que « les plus riches puissent poursuivre leurs activités polluantes devenues inabordables pour les classes moyennes, en payant pour polluer » ;
2) « La menace climatique étant largement identifiée, il n’est pas nécessaire d’en rajouter pour convaincre ».
Pour résumer, si les écologistes veulent être efficaces, la chercheuse d’Harvard préconise de cibler les riches plutôt que de multiplier les discours alarmistes.
Les yachts, la grande passion de Challenges ?
On apprend que les acheteurs de yachts accordent de plus en plus d’importance au design intérieur de leur embarcation. Patrick Gilles, architecte d’intérieur décrit ainsi ses réalisations : « nous avons opté pour une atmosphère très masculine, très dramatique. Nous avons installé à bord des tonnes de marbre : dans les salles de bains, bien sûr, mais aussi sur les murs des chambres et des couloirs. » Et figurez-vous que si la robinetterie est plaquée or, c’est pour « protéger le métal contre les attaques de l’air marin ».
Sachez aussi que c’est pas si grand que ça en a l’air, un yacht : « il faut penser aux membres de l’équipage, au moins deux fois plus nombreux que les occupants des zones de luxe », avec une précision importante faite par un designer : « comme les convives et les marins ne doivent pas se croiser, il faut prévoir des circulations séparées, doubler les escaliers, les ascenseurs et les monte-charges ». Et puis il y a aussi tous les « jouets » (dixit Challenges) à caser : jet-skis, hélicos, hydroplaneurs, sous-marins. Les propriétaires choisissent parfois de ranger tout cela sur un deuxième navire.
A noter qu’il existe des sites comme Marine-Traffic permettant de localiser ces embarcations. Lorsque j’ai regardé, le yacht de Bernard Arnault se trouvait à Monaco.
Le running gag : taxer les riches
D’après les journalistes de Challenges, mais aussi Alexandria Ocasio-Cortez ou Thomas Piketty, il faudrait taxer les riches, ou au moins les profits des multinationales. Mais aucun pays n’y arrive : [npb : l’actualité récente l’a encore montré : https://www.francetvinfo.fr/economie/pouvoir-achat/les-deputes-rejettent-de-peu-une-taxe-sur-les-superprofits-des-grandes-entreprises_5273725.html] « les milliardaires étant souvent des piliers de l’establishment, détenant de grands groupes pourvoyeurs d’emplois, [ils] ont des relais politiques ». En tout cas, d’après Challenges et son directeur de publication, ce genre de revendications n’aboutira jamais. Mais quand on voit comment ils polluent, ces riches, plutôt que de les taxer, ne faudrait-il pas juste qu’ils arrêtent d’exercer leurs activités ?
La rédaction du magazine est du reste parfaitement lucide au sujet de la pollution engendrée par les riches : « leur train de vie affiche une empreinte carbone hors du commun, l’activité de leurs entreprises a un impact systémique sur la planète : les riches sont nocifs pour l’environnement ».
Il y a même des chercheurs qui s’amusent à faire des petits calculs pour se représenter la pollution causée par les riches : par exemple, un ami de Poutine, Abramovitch, aurait été à l’origine de l’émission de 33 000 tonnes de CO2 sur l’année 2018, à cause de ses gros et nombreux yachts. Un sociologue français, G. Salle, explique que ces superyachts « brûlent 500 litres de fuel par heure de navigation ». Moins de 5L au 100 pour une Clio 4, et 0 pour un vélo mécanique.
On apprend aussi que des ONG comme Oxfam et Greenpeace, dont la mauvaise foi est de notoriété publique, ont quant à elles calculé une « empreinte carbone financière » de 63 milliardaires français « en leur attribuant les émissions carbone de leur entreprise, au prorata de leur part du capital ». Résultat, Bernard Arnault émettrait 2,3 millions de tonnes de GES par an. Mais ça paraît peu comparé au 31 millions de Saadé (CMA-CGM) ou Besnier (Lactalis) [source : https://www.oxfamfrance.org/rapports/les-milliardaires-font-flamber-la-planete-et-letat-regarde-ailleurs/], . Celle d’un Français « moyen » tournerait autour de 8-10 tonnes par an. J’espère que vous avez bien débranché le wifi, comme le préconise le gouvernement français. [nbp https://www.francetvinfo.fr/economie/energie/couper-le-wifi-baisser-la-climatisation-eteindre-la-lumiere-le-gouvernement-demande-un-effort-aux-francais-pour-economiser-l-energie_5267926.html]
Sobriété et ébriété
A propos de la récente tribune publiée dans le JDD par les patrons de Total, EDF et Engie, qui appelle chaque Français à réduire « immédiatement ses consommations énergétiques, électriques, gazières et de produits pétroliers », Challenges s’étonne que ces derniers se soient transmutés en disciples de Pierre Rahbi : « Quelle mouche les a piqués ? Pourquoi appeler à consommer moins quand leur business a toujours été de vendre davantage de produits énergétiques ? » L’antienne écologiste du « changement de mentalité » aurait-elle miraculeusement fonctionné sur les trois lurons ? Ou peut-être qu’ils prévoient tout simplement d’être à sec d’énergie à vendre cet hiver, et qu’ils s’inquiètent d’un possible retour de bâton ?
On constate d’ailleurs avec bonheur qu’il existe des solutions technologiques pour économiser l’énergie : thermostat intelligent programmant des microcoupures du chauffage de 10 minutes pour faire des économies, « conduite vertueuse des camions » grâce à l’intelligence artificielle pour diminuer la consommation de carburant. Et puis un membre d’une asso souvent citée par les écolos, Négawatt, tient à rassurer les lecteurs de Challenges : « une politique de sobriété peut créer de la valeur et n’est pas antinomique avec une économie dynamique d’initiative privée ». Le monde est sauf !
Brèves : quelques true news de Challenges
- D’après le classement réalisé par Challenges sur la base des fortunes personnelles, les Ehpad et les crèches sont un placement très rémunérateur.
- Total, EDF et Engie vont lancer une campagne de publicité pour diffuser leur appel à la sobriété.
- Le PDG d’EDF est d’accord pour que l’on éteigne les illuminations de la Tour Eiffel la nuit.
- Zemmour a fait gagner plein d’argent à Valeurs actuelles (2,7 millions d’euros de bénéfices fin 2021). Mais maintenant qu’il a perdu les élections, « l’équilibre comptable du titre est menacé ».
- D’après une enquête (Pew Research) réalisée dans 18 pays, Emmanuel Macron est « le leader qui inspire le plus confiance pour gérer les affaire du monde ».
- Selon une autre enquête (Odoxa, Abeille Challenges, BFM Business) faite auprès de 1005 Français, 52% d’entre eux ont une mauvaise opinion des riches, mais 69% estiment que c’est une « bonne chose » de vouloir le devenir.
- Il y a 250 millions de voitures particulières dans l’Union européenne, soit 10% de plus qu’en 2015.
- L’Etat compte donner jusqu’à 50 millions d’euros par entreprise, si elles font partie des « secteurs les plus touchés par la crise des prix de l’électricité et du gaz ».
- Le prix des maisons a augmenté de 10,7%, et celui des appartements de 7,5% en un an. C’est à se demander si on pourra encore longtemps passer par l’achat pour fonder des éco-lieux.
- L’Arabie Saoudite veut construire une ville écologique dans le désert saoudien, Neom. Ce projet dystopique du deuxième pays extracteur de pétrole au monde est dénoncé par certains comme étant du greenwashing.
- Macron compte sur les monarchies du Golfe pour « dynamiser son plan de relance » en France.
- Aux Etats-Unis, l’extraction d’uranium pour les centrales nucléaires ravage les terres des habitants, comme celles des Navajos qui abriteraient 500 mines désaffectées.
- Shein, l’enseigne chinoise de fast fashion, repose sur un logiciel « capable de scruter les aspirations des clients en temps réel et de dénicher les nouvelles tendances grâce à la magie des algorithmes. Résultat, le site propose jusqu’à 6000 nouveautés par jour et à des prix imbattables ». En plus, son nouveau partenariat avec Amazon permettra des livraisons de fringues en 48h. Vous avez le droit de rallumer le wifi si c’est pour en commander !
- Bernard Arnault veut ’doter [LVMH] d’un centre de recherche mondial consacré au luxe durable’. Sur le plateau de Saclay. Gageons que les futurs déserteurs des grandes écoles voisines iront s’y faire les griffes.
- D’après un certain Stéphane Tubiana, consultant de métier, ’quand les Mulliez licencient, ils pleurent avant : c’est du capitalisme social’. Kamoulox.
- Les milliardaires sont très forts pour abaisser le prix des biens immobiliers qu’ils convoitent. Par exemple, Xavier Niel a réussi à acheter le château de Villiers-le-Bâcle, dans l’Essonne, à « la moitié [du prix] qu’en demandait le vendeur ». 9 millions d’euros donc.
- En Sologne, ces « fervents chasseurs » que sont les frères Bouygues organisent plusieurs fois par an dans le domaine (700 ha) de leur château de l’Echeveau, des « battues très courues ».
- Le château d’Entrammes (Mayenne), propriété du PDG de Lactalis, a été brûlé par le Chouans en 1794. Mais l’on ne s’y prendrait plus comme ça de nos jours, risque d’incendie et réduction des émissions de CO2 obligent.
- Le Russe Eugène Kaspersky, d’après Challenges « s’est mis à la page verte », et « se consacre [trois semaines par an], à sa marche de 300 kilomètres dans l’Altaï ou le Kamtchatka - parce que c’est beau, sauvage ... Il se fait déposer en hélicoptère - avec quelques proches pour vivre au plus près de la nature, ravitaillé par les airs, grâce à une solide et coûteuse logistique ». On en viendrait presque à regretter Edward Abbey et ses randonnées en pick-up dans l’Utah.
- Il arrive à Patrick Drahi, 11e fortune de France, d’ « effectuer un rapide aller-retour dans la journée s’il le faut », entre Tel-Aviv et les capitales européennes. Mais uniquement s’il le faut hein !
- Xavier Niel a acheté l’hôtel Lambert, à la pointe de l’Île Saint-Louis, pour 200 millions d’euros.
- François Pinault a racheté l’Hôtel de Cavoye, rue des Saint-Pères (VI arrondissement de Paris), où est mort Bernard Tapie. 80 millions d’euros. Dedans il y a plein de tanks de garés, alors que Paris est une ville très cyclable
- Une bagnole de type Bugatti Chrion peut coûter 3,2 millions d’euros, « hors taxes et hors options ». La Bugatti Centodieci, 8 millions. Consommation : autour de 25L au 100.
- Les riches souffrent aussi (après tout, ce sont des humains). Apparemment, des psychologues spécialisés ont pour mission d’éclairer leurs clients sur ’
« l’attitude à adopter au moment délicat où, après un repas entre amis au Louis XV d’Alain Ducasse, à Monaco, on s’attend naturellement à ce que vous preniez l’addition ». Dure vie.
- 58% du transport par porte-conteneurs est trusté par 4 consortiums MSC, CMA-CGM, Cosco, Maersk. Et ça rapporte autant que ça pollue : les bénéfices du groupe CMA-CGM, propriété de la famille Saadé, ont été multipliés par 10 en 2021. 17,9 milliards de dollars.
- Aux Etats-Unis, « le patrimoine des 0,1% les plus fortunés est égal à celui de 90% de la population ». Formulé autrement, 329 500 personnes possèdent autant que 296 550 000 autres.
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