Un Guide du Marseille colonial

Les éditions Syllepse qui ont publié ces dernières années un Guide du Paris colonial (décembre 2017), un Guide du Bordeaux colonial (mai 2020), un Guide du Soissons colonial (décembre 2020) ont sollicité Alain Castan auteur de plusieurs textes sur les rues et monuments coloniaux à Marseille pour envisager un tel guide pour Marseille.

Texte repris de courtechel-transit.org.

C’est donc avec un grand intérêt (militant) que dès début juillet 2020 un groupe de travail [1] s’est réuni pour travailler collectivement sur ce projet, dans un contexte particulièrement contraignant.

Sa nécessité vient nourrir un sentiment d’urgence, celui de militants, de chercheurs, d’enseignants, d’étudiants, de citoyens qui ne veulent plus emprunter, parcourir, habiter, étudier dans des lieux qui portent le nom de celles et ceux qui ont participé à notre déshumanisation.

Ce guide en appelle aussi à notre responsabilité collective et citoyenne par un travail de recensement des éléments qui dans cette ville, relève de traces, de stigmates, de blessures du passé colonial mais aussi d’un présent néo-colonial ou post-colonial. Ce travail exigeant et rigoureux de recherches, de vérifications dans les archives ou les ouvrages (nombreux) déjà publiés est en cours et la rédaction bien avancée. C’est un long processus qui devrait aboutir dans l’année.

Il y a des rues qui portent le nom de criminels de guerre comme Bugeaud ou Cavaignac, des monuments indignes comme les Escaliers de la Gare Saint-Charles, mais il y a aussi des militaires moins connus, des négociants marchands d’esclaves, des trafiquants de produits coloniaux, armateurs, etc.

il y a aussi les noms de celles et ceux, peu honorés dans les rues de Marseille, qui, à toutes les époques, se sont dressés contre la traite négrière, le colonialisme ou le racisme et ont refusé de se soumettre au mythe de la mission civilisatrice universelle de la France et de la République.

Il y a aussi toutes les victimes des crimes coloniaux et des évènements tragiques qui ont marqué les rues de la ville.

L’écriture d’un tel ouvrage c’est aussi l’exigence de mettre en mots un plaidoyer pour que nous puissions habiter Marseille sans ces fantômes du passé colonial mais c’est aussi l’invitation à un nouvel imaginaire qui nous élève vers le souci de l’autre, du tout-monde dans sa complexité, sa pluralité.

Ce travail n’a pas seulement une dimension historique et de mémoire, il est d’une grande actualité : à Marseille il a fallu 26 ans de lutte pour qu’une avenue prenne le nom d’Ibrahim Ali, tué par des colleurs d’affiche du front national.

Notes :

[1Saïd Boukenouche, Zohra Boukenouche (Mémoire en marche), Alain Castan (la courte échelle.éditions transit), Elodie Debureau (transit.librairie) Daniel Garnier, Soraya Guendouz-Arab (Approches Cultures et Territoires – ACT), Aïssa Grabsi (Le Sel de la Vie), Nora Mekmouche (transit.librairie , Cris écrits), Muriel Modr (artiste), Michel Touzet (transit.librairie ), Assia Zouane (Les Lunettes Décoloniales).

PS :

Image d’illustration : Grille du Parc Chanot inaugurée pour l’exposition coloniale de 1922. Amable Chanot était le maire de Marseille lors de la première exposition coloniale en 1906

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