En Grèce comme ailleurs : la police tue, la police assassine

Lundi 5 décembre, des policiers grecs ont ouvert le feu sur un minot de 16 ans accusé d’avoir quitté une station service sans s’être acquitté de sa note de 20 euros. Cet acte gravissime survient à la veille de la commémoration du meurtre d’Alexis Grigoropoulos, gamin d’Exarcheia assassiné par la police grecque le 6 décembre 2008, et dans un contexte de surenchère répressive continue de la part du gouvernement de droite élu en 2019.

Lundi 5 décembre aux alentours de minuit, des policiers de l’équipe DELTA (forces d’intervention à moto) ont ouvert le feu sur Kostas Fragkoulis dans les rues de Thessalonique. Ce minot de 16 ans, issu de la minorité Rom du pays, était accusé d’avoir quitté une station service sans s’acquitter de sa note de 20 euros. Après avoir été informés des faits par le personnel de l’établissement, des policiers motorisés de l’équipe DELTA auraient pris en chasse la voiture du jeune homme. [Contrairement à l’annonce initiale de la police grecque qui affirmait que les policiers ont répondu à un appel puisqu’ils étaient dans les parages de la station d’essence, une nouvelle vidéo de télésurveillance diffusée aujourd’hui révèle que l’équipe de policiers été présente à l’intérieur de l’établissement au moment des faits. C’est donc de leur propre chef qu’ils ont poursuivi Kostas.]

Au cours de la poursuite, le conducteur a eu un accident en se percutant contre un mur et a reçu une balle dans la tête. La police prétend le conducteur aurait essayé de percuter les motos des flics pour s’évader (4 fois) et que ceux-ci n’auraient fait usage de leurs armes que pour des tirs de sommation verticaux. Ce serait donc “un hasard” qu’une balle ait atteint le conducteur. Celui-ci n’était pas armé au moment des faits. La thèse policière est d’autant plus bancale qu’aujourd’hui (le 7 décembre), la deuxième balle tirée a été retrouvée nichée dans la porte d’un hôtel juste à côté de la scène.

Cet incident est presque identique à celui qui a causé la mort de Nikos Sampanis, un jeune Rom de 18 ans ayant trouvé la mort aux mains de la police grecque en octobre 2021. Là encore, les flics avaient prétendu avoir été victimes de tentatives de percussion de la part du chauffeur, sans qu’aucune preuve de cela n’ait jamais été apporté.

Selon les informations divulguées par la famille de la victime, Kostas était encore avec ses amis aux alentours de 02h30 le 5 décembre, tandis que la police a signalé que la poursuite aurait eu lieu vers 01h du matin. Aujourd’hui encore, ses proches rapportent n’être pas tenu.es au courant de l’état de santé de la victime. Nous savons en ce moment qu’ il se trouve dans un état critique, en service de réanimation ; certains médias ont écrit qu’il serait cliniquement décédé.

Le jour même, des unités de police (y compris des MAT, policiers anti-émeute) étaient positionnées aux abords de l’hôpital, ainsi qu’au lieu où l’accident s’est produit. Comme le prévoit le protocole, le policier tueur a été arrêté et suspendu de ses fonctions, mais ça ne veut pas dire grand-chose : ça avait aussi été le cas pour les assassins de Nikos Sambanis , et ses proches réclament toujours justice. C’est d’ailleurs Alexis Kougias, l’avocat de l’assassin de Alexis Grigoropoulos, qui a été mandaté pour représenter le policier devant la justice. Des affrontements entre la police et les proches de la victime ont eu lieu devant l’hôpital Ippokrateio vers 16h à Thessalonique. La communauté Rom, cible privilégiée de la violence de l’État grec, est aujourd’hui extrêmement mobilisée.

Par ailleurs, cette exécution a eu lieu à la veille de la commémoration de la mort d’ Alexandros Grigoropoulos, un jeune d’Exarcheia également tué par balle par un policier le 6 décembre 2008. Ce meurtre avait précipité le pays dans une séquence insurrectionnelle longue de plusieurs semaines.

Des manifestations ont eu lieu dès le soir du 5 décembre, à Athènes et à Thessalonique. A Thessalonique, les cortèges ont été attaqués par les flics anti-émeutes sitôt la manifestation démarrée. En parallèle, des émeutes spontanées ont également eu lieu à Thessaloniqueet Athènes. Dans ce contexte explosif (et en pleine crise de l’inflation), le premier ministre s’est dépêché d’annoncer une prime de 600 euros pour la police.

Comme tous les ans, des manifestations ont eu lieu le 6 décembre dans plusieurs villes de Grèce pour commémorer l’assassinat de Alexandros Grigoropoulos. Elles ont également été l’occasion d’exiger justice pour Kostas Fragkoulis et Nikos Sampanis. À Thessalonique,les affrontements avec les keufs ont été particulièrement intenses. Ce soir, des AG sont appelées à Athènes et Thessalonique pour discuter de la poursuite des actions.

Nous disposons toujours d’informations très limitées sur l’état de santé de Kostas. La direction de l’hôpital ‘Ippokrateio’ a refusé de faire une annonce publique bien que la famille de la victime les y ait autorisé. Cette décision a causé l’indignation du syndicat de travailleurs dans les hôpitaux publics.

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