Si ce n’est pas maintenant, l’après c’est quand ?

Au début de ce confinement, dans une maison isolée à la campagne et entourée de belles personnes, je me suis dédiée à la récolte d’herbes sauvages et à leur utilisation, à la lecture de plusieurs articles et à la traduction de ce texte écris par Guido Viale et publié sur le site pressenza.com

Je pense qu’en ce moment nous nous sentons toutes/tous dépassées, en manque de portions de connaissance, téléguidées dans nos émotions et privées d’une vision plus globale et plus lucide. Il est donc important de partager des analyses et chercher des visions systémiques (ou, peut-être, anti/systémiques…), des revendications concrètes, des stratégies et bonnes pratiques pour pouvoir les réaliser. Ça fait longtemps que nous entendons et reproduisons ce refrain, mais cette nécessité est plus que jamais pertinente. Je vais continuer à traduire et proposer des textes que je considère socialement utiles et inspirants. Je vous propose de faire de même. Bonne lecture.

Le Covid 19 attaque les poumons, bloque la respiration, tue par étouffement, enferme chez eux et elles ceux et celles qui ne sont pas encore malades. Ses épicentres (la plaine Padana, la province de l’Hubei, le Nord du Rhône/Westfallia) semblent être des territoires avec une concentration maximale d’agents polluants dans l’air, où les personnes y ont mal respiré pendant des années. Maintenant, ce sont les mêmes que les photos prises depuis les satellites nous montrent dégagés de la couche de particules et oxydes d’azote qui les cachaient. En fait, même à Milan l’air est plus propre, le transit est éteint, le bruit et la congestion ont disparu. Les êtres humains souffrent, mais la terre respire. Preuve évidente de inimité longuement cultivée.

L’urgence Coronavirus est une plaie, le pire vient sans doute du confinement forcé chez nous, vécu comme une imposition (l’interruption de la sociabilité basée sur la rencontre, que les liens web ne peuvent sûrement pas remplacer). Ensuite, pour la seule raison qu’il frappe un nombre mineur de personnes, il y a la perte du travail (et des revenus) ou la menace de le perdre. Puis, encore à cause du nombre mineur des personnes frappées, il y a les cyniques oubliettes des exclus/exclues : celles et ceux qui sont obligées de continuer leur travail, bien qu’il ne s’agisse pas d’une production nécessaire, mais parce que le patron le veut et parce que le Produit Intérieur Brut l’exige ; celles et ceux qui ne peuvent même pas s’enfermer dans un appartement parce que elles/ils N’EN N’ONT PAS ; ceux et celles qui n’ont même plus l’autorisation de rester dans la rue parce que Salvini a annulé leur protection humanitaire et personne n’a voulu leur rendre. Ils sont tous/toutes des foyers d’infection potentiels et dangereux, d’abord pour eux/elles mêmes, mais capables de rendre inutiles les prescriptions imposées aussi à toutes/tous les autres.

Après, il y a les choses positives, qui sont à valoriser : une explosion de solidarité, surtout vers les personnes âgées, les mêmes que les coupes budgétaires au système sanitaire condamnent à mourir avec une sélection qui se fait aux portes des hôpitaux ; ensuite il y a l’air propre, le silence, les rues sans les voitures qui rendent à la ville des connotations humaines, les temps de vie ralenties, l’espace pour recommencer à réfléchir et à penser. Et aussi, sur le WEB et à la TV, l’éclipse des semeurs de haine et de leurs insultes. Mais, surtout, la recouverte de la fragilité d’un système qui prenait ses forces de la prétention de ne pas être pas remplaçable. There is no alternative.

En ce moment tout le monde commence à parler de l’« après », quand l’urgence sera terminée. Mais l’urgence ne terminera jamais. Le Coronavirus n’est qu’une des manifestations d’une urgence bien majeure qui nous enveloppe depuis un bon moment : l’urgence climatique et écologique, qui ne va pas disparaître avec la disparition (définitive ?) de cette pandémie. Il y en aura d’autres qui vont arriver, ou peut-être la même jamais vraiment vaincue, entre-temps dissolution des glaciers , incendies des forets, libération de méthane (avec des milliards de bactéries inconnus) du permafrost, montée du niveau de la mer, ouragans, fortes pluies, sécheresse et désertification continueront leur chemin. Sans conséquences sur production et PIB ?

Les nombreuses manifestations de la crise climatique ne pourront que multiplier l’interruption des fournitures et la dissolution de beaucoup de marchés de cette économie globalisée ; pas toutes les usines et pas tous les bureaux (fournisseurs de services matériaux) vont reprendre leur travail : chômage, précarité, absence de revenus vont empirer et la plupart des institutions, de l’Union européen aux mairies, vont s’en sortir en étant encor moins crédibles que maintenant. Leur inertie ( le « tout doit continuer comme avant ») représenterait un outrage majeur tant augmente leur proximité de la vie quotidienne de leur citoyens/citoyennes. La désorientation est destinée à augmenter pour tout le monde, même pour l’establishment, qui déjà depuis longtemps a montré avoir perdu beaucoup de ses certitudes.

Il est en train de se créer un vide énorme de pensées et de perspectives, qui peut-être remplacé soit par le fascisme du siècle XXI , de forme souverainiste, soit par la mobilisation pour une futur réconciliation avec le climat et l’environnement, si cette dernière perspective serait capable de se traduire en projet concret et, surtout, unitaire. Mais ce n’est pas une chose qui peut être reportée à l’après, à quand on pourra enfin sortir de chez nous et recommencer à nous rencontrer, à discuter face à face, à manifester, à lutter. Aussi à cause du fait que, comme l’exemple du décret Salvini nous le confirme, les hommes au pouvoir développent de l’affection vers les mesures qui limitent les libertés et vont chercher d’ en garder le plus possible.

Donc il n’y a pas d’ « après » : ce futur commence maintenant ou jamais. L’urgence a montré à tout le monde que nos vies peuvent changer radicalement en si peu de jours, et pas que vers le pire, pour beaucoup d’aspect même vers le meilleur. Ce « meilleur » il faudrait savoir le récolter, lui donner de la valeur, le développer à partir de maintenant, en donnant à nos existences des nouvelles fondations. La réconciliation des êtres humaines avec la terre ; de la vie quotidienne avec le reste du vivant ; du travail avec l’environnement ; des productions, matérielles et immatérielles, avec la dignité qui est de droit pour celles/ceux qui les fabriquent, qui les utilisent, qui en porteront les conséquences. Si ce n’est pas maintenant, c’est quand ?

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