Mai 68 : sans nostalgie, sans idéaliser.
C’est à travers des images, et des témoignages que, nous, individus du groupe Germinal avons choisi de rappeler à vos bons souvenirs l’épopée de Mai 68. Des images uniques, rares qui ne cherchent pas le sensationnel mais le moment. L’instant. Dockers, étudiants, cheminots, enseignants, populos, ouvriers … tous ont été mis en boite dans l’action, sans aucune autre idée que de témoigner.
Nous, anarchistes, dont la plupart n’ont pas connu cette époque, nous ne faisons aucune nostalgie de ce beau mois de 1968.
Nos préoccupations sont ici et maintenant. Cependant, nous savons que l’histoire, et toute l’histoire, ne doit jamais être oubliée.
Celle de mai 68 est particulière.
Le spectacle l’a récupérée. La gauche vante cette révolte. Mais cette gauche a trahi il y a très longtemps ceux qui triment, ceux qui trinquent. Ceux là même qui ont fait mai 68. Elle l’a trahie, en en faisant un spectacle de rue : très impressionnant les barricades, les reporters radio en premières lignes sous les lacrymos, les leaders à la gouaille de titis parisiens, la liberté de baiser débridée, la chienlit avant le retour à l’ordre organisé par les partis, les carrières de quelques uns en perspective et les organisations syndicales qui ont prouvé leur capacité à contrôler et à récupérer une situation qui leur échappait depuis le début.
Moins spectaculaire cette sensation de liberté où tout devenait possible et où les barrières s’effondraient, toute les paroles étaient alors digne d’intérêt au point d’en oublier l’obédience de l’orateur et les querelles, où nul n’avait plus le droit de dicter la ligne. Cette conscience qu’une nouvelle vie devenait possible, que la rue nous appartenait vraiment, nos lieux de travail, nos facs et nos lycées étaient en accès libre. Cette sensation qu’enfin la vie nous appartenait – on avait oublié qu’une grève c’était de l’argent en moins. Cette vie ne se réduisait plus à des heures de travail mais à des heures que l’on pouvait désormais partager avec d’autres pour repenser le monde.
Alors si ces photos devaient avoir un but, un seul, ce serait celui de rappeler à tous les révoltés que votre révolte vous appartient. Que la révolte ce n’est pas que de la violence, qu’elle peut se nicher dans un sourire, dans une partie de boules sur les rails de la SNCF, ou dans des bras qui s’entrecroisent et décident d’avancer de front sans céder un pouce à l’adversaire. Ce serait celui de rappeler que cette révolte ne doit jamais être mise dans les mains d’un gestionnaire, car elle est l’expression la plus sincère de ce vous souhaitez vivre et vous seul êtes en mesure de la porter sans l’écraser sous le pois des chaînes. Et si un jour l’occasion se présente, et elle se présentera inévitablement, parce que toute l’Histoire humaine est faite de ces révoltes qui ont chacune apportée de nouvelles perspectives, il ne faudra pas commettre les mêmes erreurs. Celles qu’ils ont commises en 68. Après avoir bousculé les mœurs, ils ont laissé les leaders, les syndicats, les partis politiques gérer leur présent.
Cette exposition a été pensée avec l’esprit de partage. Nous possédons une richesse, nous la partageons. Gratuitement.
Ici il n’y a pas d’artistes participants à l’embourgeoisement du centre ville mais un regard militant ouvert sur le présent pour construire l’avenir.