« Au CRA, la mort et la vie c’est pareil » – témoignage de Hamza, en grève de la faim et d’insuline.

En ce moment dans les prisons pour sans-papiers de France, les révoltes sont partout : les prisonnièr.e.s dénoncent des conditions d’enfermement de plus en plus dégueulasses. On a pu parler avec Hamza, prisonnier au CRA du Canet à Marseille. Diabétique, il témoigne de sa situation et des rouages d’une machine à enfermer, réprimer et tuer.

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Je suis au Centre de Rétention Administratif (CRA) de Marseille.

Je suis diabétique. Je pense pas que je dois être ici par rapport à mon diabète, car il est très déséquilibré. Le service soignant n’est pas bon ici. Je ne mange pas parce qu’il n’y a pas de repas prévus pour les diabétiques. Du coup mon diabète est toujours soit très haut, soit très bas. Soit il est à plus de 3 g, soit il est à 0,5 g, il n’y a pas d’équilibrage du tout (Chez une personne en bonne santé, la glycémie à jeun se situe autour de 0,8 g/l, et autour de 1,30 g/l après les repas. Quand on est à plus de 3 g/l ça peut entrainer un coma mortel). Ce matin je suis à 0,58 g : tout est noté sur le rapport du médecin, c’est vérifiable. Moralement je ne me sens pas bien du tout notamment par rapport à mon diabète et à ma maladie.

J’ai déjà été en CRA en mai mais je suis sorti suite au rapport d’un médecin des urgences de l’hôpital Nord. J’étais tombé trop malade au CRA, les pompiers m’ont transféré à l’hôpital et j’ai passé deux jours là-bas. Le rapport du médecin disait que je ne pouvais pas rester dans le CRA alors il m’ont libéré… le rapport est encore là-bas, dans ce service de l’hôpital Nord.

Le juge des libertés (JLD : qui décide si l’enfermement de la personne et compatible avec sont état de santé et sa situation administrative) m’a dit : « Je m’en fous de toi, tu reste ici 28 jours ». L’avocat avait dit au juge que par rapport à mon diabète, il devait me libérer. Le juge à répondu clairement à l’avocat : « Malgré son état diabétique, je refuse de le libérer ! » mettant les points sur les i, point barre : « Il doit rester là ! » Jusqu’à ce que je meurs ?

C’est mes camarades qui ont appelé la police pour faire venir les pompiers. Car au bout de trois ou quatre jours j’ai senti que mon cœur était trop bas. Mais la police s’en fout ici. Je suis encore vivant grâce à mes amis avec qui je suis enfermé ici. Ils ont tous tapé fort sur les portes. Un ami de Russie a tapé avec les pieds pour qu’on m’amène les pompiers, sinon personne de la police ne bougeait (Au CRA ce sont des policier qui surveille le centre et non des matons). Les camarades du CRA nous ont expliqué que les pompiers ont dû lui faire un massage cardiaque pour le sauver.

Un policier m’a même dit : « Cette fois on t’amène à l’hôpital mais la prochaine fois, même mort on t’amène pas, tu restes ici. ». Un policier arabe en plus, je ne me souviens pas de son nom mais je me souviens de son visage. Il m’a dit « On n’a pas que ça à faire, on n’a pas le temps, on n’a pas de temps pour toi, pour t’amener à l’hôpital. Toi, tu es malade, je m’en fous de toi. Le juge il t’a mis ici, alors voilà ! »

Tu veux rajouter quelque chose sur la situation dans le CRA en général ?

Je sens que très bientôt je vais essayer de me suicider. De couper mes artères, je vais faire quelque chose… Voilà, au CRA au vu de la situation, la mort et la vie c’est pareil. Y’a pas une grande différence parce que vraiment… Je suis rentré à 72 kg, là je pèse 67 kg, j’ai perdu 5 kg… J’ai les instructions médicale de ce que je dois faire pour mon diabète. Ici il n’y a pas le régime alimentaire, il n’y a pas de nourriture pour moi. Je mange rien de la journée, c’est pas mon choix, c’est parce que je ne peux rien manger par rapport à mon diabète. Il ne faut pas que je mange de pain, ni de viande, ni de chose trop grasses. Ici ils nous donnent que du pain blanc, des pâtes, tout ce qui est pas bon pour le diabète. (L’objectif principal quand on est diabétique est de diminuer les sucres raffinés et les graisses saturées. Or, il y en a beaucoup trop dans les plats industriels.)

Mais moi, ce qui m’intéresse plus que des truc à manger… Ce qui m’intéresse c’est de sortir d’ici ! Je dois sortir d’ici.
En tant que diabétique, on est malades… on a plus de risques avec le coronavirus que les autres. On a un grand risque de mort ici avec le corona. L’avocat l’a dit au juge. Le juge à dit : « Je m’en fous. Il reste ici. Il reste même mille ans ici. Je m’en fous de lui » et elle à jeté le stylo par terre devant moi. Elle m’a dit : « Viens, tu dois signer. » Normalement elle donne le stylo pour signer mais là elle a jeté le stylo par terre et a dit : « Signe et sors d’ici ! ». Y a des caméras et des témoins dans le tribunal.

Les flics cachent tout on ne sait même pas s’il y a des cas covid dans le centre.

En plus j’ai une fille française, avec la nationalité française. Le procureur de la république l’a placée en foyer et ils veulent m’envoyer en Tunisie. C’est-à-dire : je prends ta fille, je prends ton foie et je te jette à la poubelle. Mettez-vous a ma place et vous verrez ce que je ressens. C’est pour ça aussi que ça va pas moralement.

Ma tante est française et elle m’a fait une attestation d’hébergement, l’avocat à dit : « Mettez-lui au moins une assignation à résidence » mais le juge a tout refusé. Même la décision du juge de l’enfance, comme quoi je dois voir ma fille une fois par semaine. Mais la juge du CRA a tout cassé, elle a tout cassé mon diabète , le jugement de l’enfance, elle a tout cassé !
Tu sais pourquoi ? Parce que la préfecture a demandé ça. Ici au CRA c’est pas le juge qui donne 28 jours au CRA, c’est la préfecture ! La préfecture regarde droit dans les yeux du juge lui dit de donner 28 jours. Et hop ! Tu as 28 jours.

Au moment ou nous écrivons cette article Hamza a de nouveau été hospitalisé. Renvoyé au CRA depuis trois jours, il a entamé une grève de la faim et d’insuline jusqu’à sa libération.

Soutien à Hamza, à tou.te.s les enfermées !
A bas les CRA et liberté pour tou.te.s.

Marseille Anti CRA

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