Abel attendait la réponse du Tribunal Suprême (ndt : équivalent de la cour de cassation) à l’appel qu’il a fait de sa condamnation à 3 ans et 9 mois de prison pour violences aggravées, la circonstance aggravante étant la « haine idéologique ». Son affaire commence en 2018 : JUSAPOL, un syndicat de keufs d’extrême droite, a appelé à une manif à Barcelone, et une contre-manif antifasciste a eu lieu en riposte. Après la manif, un nazi qui portait un T-shirt d’Arjuna, un groupe de RAC (rock against communism) est tombé dans les escaliers de la station de métro Urquinaona. Abel est accusé d’avoir été le complice de la personne qui l’a poussé. Depuis, notre compagnon affrontait une condamnation de plusieurs années de prison et une responsabilité civile de plus de 10 000 €.
Tout le long de ce processus de plus de cinq ans, le groupe de soutien d’Abel a pointé les vrais coupables de ce qui est désormais un rendu définitif. D’un côté, JUSAPOL, le syndicat d’extrême droite de policiers nationaux et gardes civils (ndt : l’équivalent des gendarmes), qui a appelé à la manif d’octobre 2018. Le but de cette manif était de célébrer la répression des forces de l’ordre lors du 1er octobre. De l’autre, nous pointons du doigt les Mossos d’Esquadra (ndt : la police catalane), le Parquet et la Juge chargés de monter cette affaire en utilisant avec la plus grande fermeté tous les outils à leur portée. Notamment, nous évoquons la persécution politique contre le compagnon à partir de son signalement comme anarchiste dans les fichiers policiers, ce qui a justifié que la circonstance aggravante de « haine » dans l’agression d’un fasciste soit retenue lors de son procès. Finalement, n’oublions pas le rôle de Prosegur (la boîte de vigiles du métro) dans la surenchère du récit qui a mené à la condamnation de notre compagnon.
Les prisons du territoire occupé par l’état espagnol enferment encore une fois un anarchiste qui vient s’ajouter à la longue liste de celleux qui sont enfermé·es ailleurs dans le monde pour leur insoumission face au Pouvoir. Tout cela a eu lieu le même jour que les députés ont voté la loi d’Amnistie : un coup de com’ pour masquer le caractère répressif de l’État. Mais notre tristesse ne nous fera pas reculer, car nous savons bien que la lutte ne s’arrête pas même lorsque le système nous place de l’autre côté du mur. En ce moment, Abel est kidnappé dans le C.P. de Brians (Sant Esteve Sesrovires) et nous cherchons à couvrir ses besoins plus immédiats et à prendre soin de lui et de ses proches.
Dimanche 9 juin une manif est allée de la gare de Martorell jusqu’à la taule de Brians pour faire sentir à Abel notre soutien, lui montrer qu’il n’est pas seul et réchauffer son cœur. Nous appelons à la solidarité active, à rompre avec la normalité, à organiser et à coordonner la riposte.
Aussi, samedi 22 juin nous appelons à nous retrouver à Barcelone, aux jardinets de Gràcia, parce que nous avons plein de raisons pour prendre la rue et parce que le seul langage que le Pouvoir peut comprendre est le conflit. À partir d’aujourd’hui et jusqu’à la fin, dans chaque cri et dans chaque étincelle, dans chaque action :
Amour pour l’anarchie et haine envers la répression
Quelques notes pour éclaircir le contexte
La Catalogne a connu depuis 2010 un fort mouvement indépendantiste. Le 1er octobre 2017 le gouvernement catalan, indépendantiste, a organisé un référendum sur l’indépendance de la Catalogne contre l’avis du gouvernement espagnol, qui l’a considéré illégal et a ordonné aux flics, tous drapeaux confondus, de saisir les urnes et d’empêcher le vote. Les Mossos d’Esquadra, qui dépendent du gouvernement catalan, l’ont fait sans violence, tandis que ceux qui dépendent du gouvernement espagnol – les policiers nationaux et la Guardia Civil – ont tabassé les gens qui défendaient les bureaux de vote. La violence des charges et la diffusion d’images de gens éborgnés ou avec la tête en sang ont augmenté la haine d’une part de la population catalane envers les flics espagnols. En parallèle, le nationalisme espagnol s’est réaffirmé et une partie de la population encourageait les flics qui partaient pour la Catalogne à défoncer les séparatistes.
Après ce référendum et une déclaration d’indépendance aussitôt annulée, plusieurs ministres du gouvernement catalan ont été emprisonnés et d’autres se sont enfui en Belgique ou en Suisse. Pour avoir organisé ce référendum, iels ont été condamné·es à des peines jusqu’à 11 ans de taule.
Si en 2017 la police catalane jouait à l’équilibriste et recevait encore des ovations de nombreux indépendantistes (on pouvait entendre « voici notre police » ), sa répression des mobilisations de 2018 et surtout d’octobre 2019 a mis en évidence que, en dépit du drapeau, un flic reste un flic et défend toujours la loi – espagnole, donc. Suite à la condamnation des membres du gouvernement catalan, en octobre 2019 des énormes émeutes ont secoué la plupart des villes catalanes, et quelques villes d’autres régions. Elles ont signifié le moment où une partie de la rue échappait au contrôle des orgas nationalistes. Il n’était plus question de demander une meilleure démocratie (ou en tout cas, plus seulement), mais d’exprimer la haine de la police – catalane et espagnole -, de saisir l’occasion pour piller les magasins, et, parfois, d’attaquer les infrastructures. Lors des procès de manifestant·es, la police catalane s’est rajoutée comme partie civile et a enfoncé le clou de la répression.
Aujourd’hui, le gouvernement espagnol, de gauche, a besoin de l’appui des partis nationalistes catalans pour gouverner. Ceux-ci ont négocié en échange l’amnistie des réprimé·es. Cette catégorie est bien sûr floue et large, car pour des bons démocrates, organiser un référendum n’est pas la même chose que caillasser un condé ou fracasser un faf. Cette loi vise avant tout à permettre le retour des politiciennes exilé·es, et il n’est pas clair comment elle s’appliquera à des personnes jugées par des tribunaux ordinaires pour des délits ordinaires. Dans le cas d’Abel, une partie de l’indépendantisme, de l’extrême gauche à l’extrême droite, essaye de récupérer son affaire, dans la mesure où le faf était un nationaliste espagnol qui soutenait une manif de flics espagnols. Depuis son incarcération, de nombreux articles de la presse bourgeoise parlent de lui comme un « prisonnier politique », un « indépendantiste », ou un « antisystème », en précisant rarement qu’il est anarchiste. En tant qu’anarchistes, notre haine pour les flics et les fafs doit être claire, peu importe la couleur de leur drapeau.
Ces dernières semaines, dans le cadre de la compagne Il y a plein de raisons en solidarité avec les inculpé.es pour les manifs du 1er mai 2022 et 2023 et récemment aussi en solidarité avec Abel, différents sabotages ont eu lieu en Catalogne et à Madrid. Le 18 juin, cinq compagnons ont été arrêtés à Barcelone et mis en examen pour « groupe criminel » (association de malfaiteurs), dégradations et « obstruction à la justice » en lien avec des sabotages de distributeurs de banque.